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le coupable. Une lâche flatterie les tira d’affaire: il
la haïffoit cependant, & un côurtifan maladroit
ayant ofé le comparer au maître de la nature,
Canut, pour toute réponfe, ordonna à la mer de
fufpendre Ton reflux. Il étoit petit, foible & mal
proportionné ; mais fon génie étoit varie, fécond
en reflburces, 8c fouvent maître des évènemens
par des conjeéhires fages. L’art de conquérir des
états , & celui de les gouverner, lui étoient également
familiers. Son courage étoit à l’épreuve des
revers , fa modeflie à l’épreuve des profpérités. Il
ne pardonnoit pas à fes ennemis * mais il favoit
contenir fon reffentiment, 8c né fe venger qu’en
pareiffant venger ou les loix , ou la nation. Si Canut
, fatisfait des états qu’il avoit reçus de fes aïeux,
fût refté dans le Danemarck,il auroit juflifiéle nom
de grand que fon fiècle lui donna ; on n’auroit plus
à lui reprocher que fon exceflive libéralité envers les
monaftères. Il étoit impofîïble que des bienfaits fi
• multipliés ne fuffent pas pris fur la maffe des impôts
: c’étoitengraiffer des religieux riches, delà
fubfiftance de l’homme pauvre & laborieux. Il
avouoit lui-même qu’il ne verfoit les biens fur
l’églife avec tant de profufion, que pour expier fes
crimes. Aufli fes injuftices ne trouvèrent.jamais de
cenfetirs parmi les moines. (^M. d e Sa c y . ) Canut III, ( HORDA ) (Hift. de Danemarck &
’d’Angleterre. ) roi de Danemarck, & dernier roi
Danois d’Angleterre. Il étoit fils du. précédent ; il
hérita d’une partie des états de fon père; mais il
n’hérita ni de fon courage ni de fa fortune. Harald
au pied de lïèvre, fon frere, prince aéfif 8c ambitieux
, lui difputa la couronne d’Angleterre, verfa
J ’or à pleines mains dans la Mercie, conquit les
yCoeurs pour conquérir plus sûrement les états, &
fut proclamé* Canut affembloit des confeils, don-
noit des avis, en recevoit, n’en exécutoit aucun,
8c cependant fon frère foumettoit des provinces.
L ’ambitieux Harald ne fe feroit peut-être pas borné
au royaume d’Angleterre.; mais la mort l’arrêta
dans le cours de fes triomphes en 1039.. Alors
Canut fut appellé au trône par le cri unanime de
la nation Angloife* Il n’avoit ofé attaquer fon rival
vivant; il finfulta mort, fit déterrer ion corps, le
fit jetter dans la Tamifle , accabla fon peuple d’impôts
, livra aux flammes la ville de Worcefter, pour
quelques légers murmures, 8c mourut en 1042,
haï en Angleterre, méprifé en Danemarck, 8c
■ ignoré dans le reffe de l’europe. {M. d e Sa c y. ) Canut ÎV ou Saint-Canut , Hijl. de Danem.)
roi de Danemarck. Il étoit fils de Suénon 11, &
monta fur le trône après la mort d’Harald III fon
frère j en 1080* Son zèle pour le chriftianifme
tourna fes armes du côté de la Livonie, qui étoit
depuis long-temps en proie aux guerres de religion.
Les chrétiens lui furent redevables de leurs
fuccès, & il revint triomphant. Son premier foin
fut de fubftituer des loix vigoureufes aux loixindul-
gentes Sc foibles, qui avoient régné jufqu’alors : il
établit celle du talion pour les moindres crimes,
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celle de mort.pour les grands attentats; purgea
la mer des pirates qui l’infefloicnt, 8c délivra fes
états de brigands plus dangereux encore , d’une
foule de tyrans fubalternes, engrairtes du plus pur
fang du peuple ;■ enfin, le Danemarck eut un code ;
les riches conçufixonn aires tremblèrent dans leurs
palais, comme les voleurs obfcurs dans leurs retraites.
Mais d’une main il terrartoit les brigands-,
de l’autre il élevoit les prêtres ; il les déroba aux
pourfuites du bras féculier , les admit dans le Sénat
, leur donna la préféance fur les autres féna-
teurs , en fit dans l’état un corps plus puiffant, que
l’état même, 8c les eût raffafiés de biens s’ils n’a.-
voient pas été infatiables.
Cette imprudente générofité fut la fource des
plus grands maux que le Danemarck ait effuyés.
Les bienfaits des rois devinrent dans les mains.des
prêtres, des armes contre les rois mêmes. Fiers des
bontés de leur fouverain, ils. voulurent être fou-
verainsà leur tour, compter les grands au nombre
de leurs créatures , 8c marcher les égaux des monarques.
Ceux - ci ne reconnurent leur faute que
lorfqu’il n’éteit plus temps de la réparer. Canut en
commit une plus dangereufe encore, en donnant
à fon frère Ollaüsje duché de Slefwick. Cet exemple
excita, dans la fuite, des guerres civiles, 8c
n’apprend que trop aux rois qu’ils1 doivent fe déifier
même de leurs vertus. Canut en fe livrant au
penchant de l’amitiéne croyoït pas préparer dans
l’avenir des malheurs à fes peuples.. Ceux-ci, dans
la fuite, eurent pour ennemis 8c les-princes faits
pour les rendre heureux les minirtres de la religion
faits pour les rendre meilleurs*
La manie des conquêtes s’empara aufli de l’ame
du faint : il regardoit encore l’Angleterre comme
fon patrimoine, & le droit de conquête étoit à fes
yeux un droit véritable. Secondé par Ollàüs le D ébonnaire
, roi de Norwege, & par Robert, comte
de Flandre, fon beau-père , il raffemBla, en 1084 ,
la flotte la plus puiffante qui eût couvert les mers
du nord, 8c fe prépara a chaffer Guillaume le Conquérant
, qui règnoit alors en Angleterre ; mais une
irruption des Vandales le força de fufpendre cette
expédition. L’armée s’indigna de ce délai, 8c fit
entendre fes murmures jufqu’aux pieds du trône.
Les Vandales effrayés difparurent. Canut voulut
alors fe mettre en mer. Maïs fon armée qui craï-
gnoit fa vengeance , s’enfuît à fon afpeéf, oc Canut
demeura en Juthlând pour punir ceux des mutins
qui ne lui étoient pas échappés. Peu fatisfait de
leur.fuppliee, il voulut punir fur la nation entière-
l’infolence de*fes foldats. Le châtiment qu’il lui im-
pofa fut encore plus ridicule, c’étoit d’accorder les
décimes au clergé , qui toujours intéreffé aux expiations
, s’enrichiffoit également 8c des crimes des
rois 8c de ceux des peuples. Le Juthlând fe fouleva
8c refufa de payer cet impôt. Canut lui-même vit
fes jours menacés, 8c chercha un afÿle en Zélande.
Mais trahi par Asbiom, ramené par le perfide Blak,
qui étoit d’intelligence avec les mutins, il fe pré-
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Tente à eux, Blak alors leur donne le lignai'du
crime Canut (e retire dans l’églife de Saint Alban
à Odenfee, il y efl: maflacré avec Benoît, fon frère ;
ce fut le 10 juillet 1086 que fe pafla cette fcène
tragique. Le clergé prétendit que Canut étoit martyr
de la teligion, & le peuple qu’il étoit martyr
du clergé. ( M. d e S a c y . ) Canut V, furnommé MagnuJJbn, c’eft-à-dire ,
fils de Magnus , ( Hijl. de Danem. ) Eric l’Agneau
étant mort fans enfans , 8c l’ordre de la fucceflion
n’étant fixé par aucune loi fondamentale, ori vit
naître les difcordes les plus funefles. Eric l’Agneau
auroit pu les prévenir en nommant lui-même fon
fucceffeur; mais quelque temps avant fa mort, il
avoit enfeveli dans un cloître fes vertus 8c fa
gloire. Croyant ne devoir plus penfer qu’à lui-
même, il avoit oublié fon peuple ; 8c pour obtenir
un royaume dans le ciel , il abandonnoit aux plus
affreux ravages celui qu’il poffédoit fur la terre;
L ’Agneau mourut donc. Suénon, Canut 8c Valde-
mar avoient des prétentions au trône. Valdemar
encore trop jeune pour jouer un rôle dans cette
querelle , fut.aifément écarté. Suénon, fils naturel
d’Eric Emund, Canut, fils'de Magnus, s’empa- :
rèrent de la fcène, 8c ne tardèrent pas à l’enfanflanter.
Le premier avoit gagné les- fuffrages des
caniens 8c des Zélanddis ; les Juthlândois tenoient
pour Canut. Les deux partis s’affemblèrent chacun
de leur côté , tous deux prirent le titre d’états-
généraux, 8c chacun des chefs y fut couronné par
fes amis. On ne fe fépara que pour courir aux armes.
Dans le premier choc , en 1149, Canut fut vaincu,
êc s’enfuit avec les débris de fon armée. Suénon
enflé de ce fuccès, menaça d’une ruine foudaine
quiconque de fes voifins ou de fes fujets oferoit fe
déclarer en faveur de fon rival ; il ofa même braver
l’églife, 8c faire enfermer le primat, partifan de
fia n u t, qui avoit été pris les armes à la main dans
un combat. Le remords fuivit de près ce coup d’état.
L’églife depuis long - temps avoit un revenu
affuré fur les fautes des rois; Suénon ,.pour expier
le fien , donna au clergé des champs vaftes 8c fertiles,
l’ifle 8c la ville de Boznholm, & même une
citadelle des mieux fortifiées : encore quelques
violences, 8c l’églife auroit poffédé tout le Danemarck.
Enfin les ordres du pape forcèrent les deux com
currens à réunir leurs forces contre les Vandales.
On lent qu’une armée divifée par deux intérêts,
conduite par deux chefs ennemis l’un de l ’autre,
devoit être taillée en pièces; elle le fut, 8c ne
rapporta de la Vandalie que la honte de fes défaites.,
8c une nouvelle fureur pour la guerre civile.
EUé efl bientôt rallumée : on prélude aux batailles
par des affaffinats. Canut envoie un hérault
aux habitans de Rofchild ; ceux - ci fe faififfent de
fa perfonne , 8c Suénon lé fait égorger. Krantzius
ne dit point fi l’églife tira encore quelque fruit de I
ce crime, mais Canut fongea à le venger. Il invertit !
Rofchild ; ce fut moins .cependant un fiège qu’une j
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1 furprife ; il entra dans la place, non pas triomphant,
mais terrible 8c altéré de fang. Il n’en fortit que
pour marcher à la rencontre de Suénon. La bataille
fe donna vers l’an 11/4; la viâoire vola longtemps
d’un parti à l’autre; enfin les troupes de
Suénon plièrent ; déjà une partie avoit abandonné
le champ de bataille, lorfque les plus braves s’étant
raflemblés, firent un dernier effort, enfoncèrent
les rangs de l’armée ennemie, 8c Canut
fut entraîné dans la déroute des fiens.
Le parti du vainqueur devint plus puiffant encore
par l’arrivée du jeune Valdemar qui, fentant
fes forces croître avec fon courage, réfolut de
combattre pour Suénon en attendant le moment
de combattre pour lui-même. Tous deux entrèrent
dans le Juthlând, afyle du malheureux Canut ; il
vint à pied au-devant de fés ennemis, fuivi d une
armée foible. Pour mettre fes foldats dans la né-
ceflité de vaincre ou de mourir, il fit mettre pied
à terre à fa cavalerie, 8c renvoya tous les chevaux*
mais il monta fur le fien ; 8c fes foldats voyant
qu’il ne partageoit pas leurs périls , firent peu de
réfiftance. Leur roi s’enfuit à toute bride, tandis
qu’exténués de fatigue, ils faifoient à pied une retraite
lente 8c dangereufe fous les murs de Wï-
bourg. Canut preffé par la frayeur ou.par la honte,
- ou par l’une 8c l’autre à la fois * erra long - temps
| en Suède , en Saxe, en Ruflîe, mendiant par-tout
avec baffeffe des fecours qu’on lui refufoit avec
dureté. Enfin l’archevêque de Hambourg qui cher-
choit à punir le refus que Suénon avoit fait de
; reconnaître la jurifdiéfion de fonéglife, tendit au
prince opprimé une maingénéreufe par vengeance*
fouleva le Juthlând en fa faveur , 8c lui donna une
armée avec laquelle il aflïèga Suénon dans Wi-
bourg. Celui-ci plus furpris qu’effrayé d’une irruption
fi fubite, fit une fortie imprévue, entra dans
le camp de Canut, jetta par - tout le défordre 8c
l’effroi; Valdemar, de fon côté, fit des prodiges
de bravoure ; on n’accorda aucun quartier aux vaincus,
8c la haine de Suénon n’eût pas épargné Canut9
s’il fût tombé entre fes mains. Il alla porter fes
malheurs à la cour de l’empereur, qui le reçut
avec une compaflïon politique-. Il y avoit longtemps
que les Céfars jettoient fur le Danemarck
des regards ambitieux ; Canut plus jaloux d’arracher
un trône à fon rival que de le porteder lui-même ,
8c comptant pour rien la honte d’être efcbve d’un
empereur, pourvu qu’il eût d’autres efclaves fous
lui * offrit à Frédéric I de fe reconnoître vaffai de
l’Empire,. s’il pouvoit le faire rentrer dans fes états*
Le monarque fourit à cette propofition, 8c ne-
voulant point abandonner au hafard des combats
le fuccès qu’il fe promettoit, peu fcrupuleux d’ailleurs
fur le choix des moyens, pourvu qu’il réuf-
sît, il propofa à Suénon une entrevue avec Canut,
prit le titre de médiateur, 8c affe&a le dértntéreffe-
ment le plus généreux. Suénon 8c Valdemar , pleins
de cette confiance qu’infpirent de grands fuccès-&
un grand courage, fe rendirent à Merfebourg fans.