
centrées , devenues fon domaine. Arrivé à Antioche
j il y trouva Tiridate qui lui demanda des
fecours contre Phradate , Ton concurrent au trône
des Parthes. Il lui fit un accueil obligeant, & lui
recommanda de ne point négliger fes droits. Ayant
donné audience hux ambafîadeurs de Phradate,
qui lui faifoient la même demande de la part de
leur maître , il leur fit le même accueil & la même
réponfe. Il lui importoit peu qui occupât le
trône des Parthes. Son deffein étoit de fomenter
les troubles de ces peuples, afin qu’occupés dans
le centre de leur éta t, -ils ceffafferit leurs irruptions
dans les provinces de l’empire. Telle fut
la politique confiante d'Augujle pendant tout le
cours de fon règne, à l’égard des puiflances étrangères.
Il fongea moins à les foumettre qu’à les
occuper. De retour en Italie , il fut honoré de
trois triomphes confécutifs. Le premier lui fut décerné
à propos de quelques .avantages remportés
fur les Dalmates, avant la guerre d’Antoine ; le
fécond pour la journée d’Adium , le troisième ,
pour avoir fournis l’Egypte. Dans le dernier , qui
fut de. la plus grande magnificence , le char du
triomphateur fut précédé des enfans qu’Antoine
avoit eus de Cléopâtre , & d’un lit fur lequel on
portoit une fiatue repréfentant cette reine offrant
fon bras au dard d’un afpic. (N’étoit-ce pas honorer
Cléopâtre en voulant T’avilir ? ) Ce fut après
ce triomphe qu’on lui eonféra le titre d'empereur,
non dans le fens ordinaire , qui n’emportoit que
l ’idée d’un général d’armée , mais dans un fens
d’autorité fouveraine.
Cependant, tandis que les Romains luioffroient
leur encens, & que le peuple à qui il prodiguoit
les tréforsd’Aléxandrie ,fe livroit à une folle ivreffe
de joie, fa fortune même le fit trembler. Il avoit
des exemples récens de fon inconftance. Marius,
les deux Pompée , Cefar , Antoine , qui tous
avoient figuré en maîtres fur la feène du monde,
venoîent de difparoître. Tous les périls infépara-
bles d’une autorité nouvelle &ufurpée fe préfen-
tèrent à fon efprit, & portèrent le trouble dans
fon ame. L’averfion naturelle des Romains pour
le gouvernement monarchique , le cri de la liberté
, ce cri fi puiffant qui remue les entrailles
des efclaves même , lui faifoient craindre un nouveau
Brutus qui eût pu rappeller cette idole qu’il
profcrivoit. En proie aux plus vives inquiétudes,
il balança s’il devoit abdiquer l’autorité fouveraine
, & fuivre l’exemple de Sylla, qui, teint
du fang de fes concitoyens r avoit olé dépofer
le poignard , & vivre dans Rome en homme
privé. On prétend qu’il s’étoit décidé pour ce
parti, lorfqu’il voulut entendre Agrippa & Mécène.
Le premier, uniquement fenfible à la gloire
que l’homme tire de fa propre vertu , l’afiermit
dans fa réfolution : mais Mécène Jui fit fentir
qu’il n’y avoit de fûreté pour lui que fur le trône;
que les pères, les enfans , les frères des profcrits
pourroient, quand ils le verroient leur égal, lui
demander raifon du fang précieux qu’il avoit
verfé. « Gardez la fouveraine puiffance , lui dit
ce miniftre, » mais iifez-en à l’égard des autres ,
» comme vous voudriez qu’on en usât envers
» vous , Ti vous étiez né pour obéir ».
Ce confeiî étoit fage, Augujle ne devoit pas
fe laiffer féduire par l’exemple de Sylla. Sylla
étoit grand de fa propre grandeur. Il n’avoit pas
eu befoin d’un Agrippa pour vaincre, ni d’un Mé-
| cène pour apprendre à jouir de la vidoire. On ré-
véroit en lui le premier capitaine du monde, le
vainqueur de Marius. Son nom étoit plus puiffant
que les haches & les faifceaux. Semblable en tout à
ce Marius , couché fur fon lit, il eût fait tomber
d’un mot, d’un regard, le poignard des mains de
l’affaffin. D’aileurs il n’avoit frappé que fur les
partifans de l’efclavage , & l’on opprime fans
crainte des hommes qu’aucun n’ofe avouer fans
honte. Sylla avoit rappellé la liberté, & Augujle
l’avoit anéantie.
■ ' (C e t éloge de Sylla eft-il parfaitement jufte? La
i honte d’Augujle en d’avoir trop imité Sylla. Sa
gloire eft d’avoir réparé fes premières injuftices,
ce que Sylla n’a point fait, ou ce qu'il n’a fait
, au moins que par fon abdication. )
On ne doit donc pas s’étonner fi l’avis de Mé-
i cène prévalut fur celui d’Agrippa. Infiruit par
l’exemple de Céfar, Augujle , en ulurpant l’autorité
fouveraine, rêfifta à la vanité de porter le titre de
rpi ; il conferva celui d’empereur, & fous cette
dénomination, familière & agréable aux Romains ,
il jouit de tous les privilèges de la royauté. Convaincu
que le peuple fe laiffe toujours furprendre
aux apparences , il refpeda la forme de l’ancien
gouvernement. Les magifiratures furent confer-
véés avec leurs prérogatives extérieures. Son objet
unique devoit être d’attacher toute l’autorité de la
juftiee & des armés à celle d’empereur. Ce fut
dans ce deffein qu’il fe fit nommer au confulat.
Cette dignité qu’il réunit avec celle de tribun
perpétuel, pendant neuf années confécutives, lui
permit de fe faire des créatures. Ce fut alors qu’il
s’appliqua conftamment à fermer les plaies qu’il
avoit ouvertes. Il ménagea les provinces, prodigua
fes tréfors dans la capitale & dans les armées ;
cachant fa haine contre le fénat, il déféroit de
grands honneurs à cette compagnie pour la-ré-
former, fans exciter les murmures. Il appelloit réforme
, le meurtre qu’il ©rdonnoit de temps en
temps de fes principaux membres. Un feul de lès
édits en dégrada quatre cens, dont plufieurs périrent
par fes ordres fecrets, fans que nous fâchions
la cauie de cette févérité; Tacite n’en accufe que
leur zèle pour la république : d’autres prétendent
au*Augujle fuivit la maxime odieufe de fe défaire
Iae ceux que l’on a offenfés ; aufli ce fénat que
Cineas avoit pris pour une affemblée de rois , ne
fut plus qu’un ramas de flatteurs. Après, lui avoir
déféré le glorieux nom de pere de la patrie, celui
$ Augujle qui ne s’appliquoit qu’aux chofes fàintes ,
après lui avoir conféré le droit illimité de n’avoir
pour règle de fes adions que fes propres volontés,
ils fe propoferént de faire fentinelle tour-â-tour,
•tant de jour que de nuit, aux portes du palais.
Ce décret aviliffant allpit paffer fans un bon mot
de Labeon. Augufle n’y aurçit certainement pas
fouferit. Il n’auroit pas placé auprès de fon l i t ,
pendant fon fommeil, des membres du feul corps
qu’il craignît. Une preuve que ces témoignages
d’amour n’étoient que le tribut de la flatterie, &
que le fénat & ce prince fe regardoient toujours
comme deux puiflances ennemies, c’eft qu’il défendit
à tout fénateur de fortir d’Italie lans fon
agrément.
Ce fut au commencement de fon feptième confulat
que, voyant le peuple charmé de la douceur
de fon gouvernement, il fe rendit par lé confeil
d’Agrippa & de Mécène, au fénat qu’il avoit rempli
de fes créatures. Après avoir prononcé un
difeours étudié, il propofa aux pères confcrits de
confentir à fa retraite : mais il n’y avoit aucun
fénateur qui ne fentît le danger de délibérer fur
une matière de cette importance. Tous fe jettérent
à fes pieds & le conjurèrent de continuer à faire
les délices de l’empire. Sans doute qu’il affeda
cette modération pour découvrir s’il ne lui reftoit
point d’ennemi dans le fénat. Le modefte tribun
fe fit une douce violence; mais il déclara qu’on
prétendoit en vain le charger pour toujours d’un
fi pénible fardeau, qu’il n’agréoit l’autorité qu’à
condition qu’on recevroit fa démiflion dans dix ans,
promettant de mettre la république dans un état
fi floriffant qu’elle n’auroit plus befoin de chef.
Ce terme expiré, il offrit la même feène, & toujours
ainfi de fuite jufqu’à fa mort. Quoiqu’il eût dégradé
le fénat, il affeda pour ce corps une con-
fidération qu’il n’avoit pas. Il voulut toujours que
ce fût le confeil de la nation. Peut-être en fentoit-il
la néceflité. Il feignit de vouloir partager avec lui
l’honneur du gouvernement. Il lui afligna les provinces
les plus tranquilles & les moins belliqueufes,
.& fe réferva toutes celles^ qui exigeoient la pré-
fence des armées. Par cette feinte modération, il
fe réfer voit toute l’autorité militaire, & mettoit
cette compagnie dans les fers, lorfqu’il fembloit
la révérer.
Cependant ce n’étoit pas affez pour Augufte
d’avoir changé la face de Rome, ou , pour,nous
conformer au flyle ordinaine , les deffinées du
monde, il crut fa gloire intéreffée à perpétuer fon
ouvrage. Il n’avoit eu de fes débauches qui furent
fréquentes dans le commencement de fon règne,
ni de fes différens mariages, aucun enfant mâle;
les intrigues de fa femme lui firent préférer Tibère
fon beâu-fils, à fon petit-fils Poftumus Agrippa.
Lorfqu’il fentit fon âge décliner & fa fanté s’afioiblir,
il fit reconnoître Tibère pour fon collègue. Ce
fameux; décret, quiperpétuoit l’efelavage des Romains
, fut èonçu en ces termes. « Sur la requête
« du peuple romain, nous accordons à C. "Jul.
» Céfar Tibère, la même autorité fur toutes les
» provinces & fur toutes les armées dè l’empire
» romain , dont Augujle a jou i, dont il jouit
« encore, & que nous prions les dieux de lui
« conferver ». Tibère ayant fu cette difpofition
favorable, fe rendit quelque temps après à Noie,
où il trouva l’empereur dans fon lit de mort.
Velleius Paterculus prétend qu'Augujle le reconnut
publiquement pour fon fucceffeur, & lui fit jurer
de le prendre pour modèle : mais Tacite aflure
que l’on n’a jamais fu fi Tibère, en arrivant à
Noie, trouva l’empereur mort ou malade, Livie
ayant fait garder les avenues du palais , & publier
de temps en temps des nouvelles favorables de la
fauté de l’empereur. Cet auteur ajoute que lorfque
cette princene artificieftfe eut pris toutes fes me-
fures, elle fit annoncer dans le même inflant la
mort de l’empereur & le couronnement de Tibère.
Augujle vit approcher fa dernière heure avec une
fermeté qui furprend dans un prince qui avoit
acheté l’empire par tant de crimes. Il s’entretint
avec fes amis, & leur donnoit des confeils fur
leur conduite publique & privée. En parlant de fes
propres adions, il leur dit qu’il avoit trouvé Rome
de brique, & qu’il la laifloit de marbre. Il faifoit
allufion aux raonumens dont il l’avoit décorée, &
aux édifices fuperbes dont les débris nous étonnent
encore. Mais il en avoit banni le fanatifme républicain
, vrai germe des grandes vertus & des
grandes avions. Avant d’expirer il fe fit apporter
une glace , & retrouffant fes cheveux à la manière
des adeurs : « Si j’ai bien joué mon rôle, dit-il à
fes amis , battez des mains, la feène eft finie ».
Ainfi mourut cet homme qu’on pourroit appeller
le prodige des fiècles. Il étoit dans la foixante-
feizème année de fon â g e , la cinquante-fixième
depuis fon premier confulat, & la quarante-troi-
fième depuis la journée d’Adium. On nous dif-
penfera de faire ici fon éloge & fa cenfure, fes
adions parlent. 11 enchaîna, par fes propres liens,
le peuple le plus fier qui fût jamais, & fonda la
monarchie la plus vafte, la plus riche, la plus
puiffante qui eut été avant lu i, & qui ait fubfifté
depuis. Cet empire acquit tant de grandeur, que
les plus grands empires n’en font qu’un foible
débris ; les arts en tout genre furent portés à
une perfedion fi étonnante, que dix-huit fiècles
n’ont pu rien y ajouter. Augujle a furpaffé par fes
fervices, & par fes vertus tous les rois ; aufli un fage a-
t-il-dit, en parcourant fa vie, que ce prince auroit dû
ne jamais naître, ou ne jamais mourir. ( M-y . )
AUGUSTIN, (Saint) évêque d’Hippone. La
vie entière de ce père de l’églife, appartient à
l’hiftoire de la religion, qui eft confiée à d’autres
mains. Il vivoit dans le quatrième, & le cinquième
fiècles.
Un autre faint Auguftin, moine bénédidin ,
à la fin du fizième, fut envoyé par le pape faint
Grégoire, dans la,Grande-Bretagne, pour convertir
les Anglo-Saxons, qui avoient ramené le paganifme