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ies Sacrifices que la faperfluion offroità la divinité;
î?1 ^^ idoles reverses etoient fonvént- avilies
& traînées dans la boue, parce que tout ce qui
dérogé a la nature s n’a qu’une exiîîence pafiagere.
Leur législation 13’ert point parvenue juiqu’à
nous , ce qui fuppofe qu’ils n’avoientque desufages
ou des loix fort informes. Nous ne fomines pas
jnieux inftruits de leurs rites facrésj on fait feulement
qu'ils étoient idolâtres & fort fupërflitieux,
& que leurs principales divinités, étoient représentées
fous la forme d’une mule, d’un cheval,
. d’un paon, d’un faifan & d’une caille ; ils rendoient
■ lln c,u particulier aux poiffons, en mémoire de.
w deeffe Derceto , qui fut ainfi métamorphofée :
,Sémiramis étoit adorée fous la figure d’un pigeon.
Dn peut juger de leurs pench ns pour l’apotkéofe,
quand on les voit déifier tous leurs rois, fans même
en exclure le vohiptueuxSardanapale : les AfijriensI
en les plaçant dans le' c ie l, ne firent que fuivre
l ’exemple de leurs voifins.
. Ce pays | autrefois fi riche & fi fécond, n’offre
plus que des plaines incultes & fiériles, où quelques
hàbitans épars traînent une vie obfcure & indigente
; foit que le fol fe fait épuifé par fa propre
fécondité, foit que fa fituation entre plufieurs peuples
rivaux , qui en ont fait le théâtre des guerres ,
ait répare cette etonnante révolution , .on ne voit
plus que quelques viles bourgades , dans les lieux
où l’on admirôit Ninive, Ctefiphon, & tant d’autres
villes riches & peuplées, dont l’hiftoire a con-
facré^ les noms & la magnificence. Ce pays étoit
arrofé par plufieurs grands fleuves, dont les plus
çonfidérahles étoient le Tigre , ainfi nommé à
Caufe du grand nombre de tigres qui infeflbient fes
bords ; le Lycus & le Caprus , connus aujourd’hui
fous le nom des deux Zabes. On y trouvoit un
lac qu’on croit être l’Averne ; fes eaux étoient fi
meurtrières, que l’oifeau ou l’auimal qui en bu-
voient, & qui refpiroient les vapeurs qu’elles exha-
loient, tomboient morts fur le champ.
L’hifioire des rois d'AJfyrie n’eft qu’un tiffu de
fables révoltantes, raffemblées par Ctefias, qui a
été copié par tous les écrivains poftérieurs. Tout
y paroît en contradi&ion avec ce qui eft çonfigné
dans nos annales facrées , qui ferpient. des guides
fûrs pour l’hiffoire orientale, fi elles ne s’étoient
pas prefque entièrement bornées aux faits qui regardent
le peuple de Dieu ; ainfi l’on eft obligé
de fuivre Ctefias, qui a plutôt écrit ce quj étoit
cru que ce qui étoit arrivé.
. Ninus, qu’on fuppofe avoir été le premiçr roi
d'AJfyrie, pourroit n’être qu’urj héros fabuleux ,
créé par l’imagination des G r e c s q u i trouvoient
dans le nom d’une ville, celui de ion fondateur;
ainfi de Ninive ils purent tirer celui de Ninus. Les
traits, dont ils enjbelliffent fon hiftoire, montrent .
qu’ils ont réalifé un fantôme ; ils difent que Ninus
•lut le premier qui .attenta à l’jndépendance dés
peuples , qui, jüfqu’alors, n’avoient point eu de
guerres à foutenir; ils ajoutent q u if craignit d’être
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arrête dans fes expéditions par les Arabes, qui
étoient les plus belliqueux de la terre : tout efl
contradiéKon dans ce récit. S’il efl vrai quç ce fut
la première guerre que les liommes eurent à fôii-
tenir, comment les Arabes pouvoient-ils avoir la
réputation d’un peuple belliqueux ’ C’efl encore à
Ge prince qu’on attribue la fondation de Ninive'&
de Babylone; mais comment, dans.des temps fi
voifins de la naiffance du monde, pouvoit-on
raffembler un million d’habitans dans une même
enceinte.? c’efi fuppofer que les campagnes étoient
■ peuplées de nombreux cultivateurs, pour fournir
;aux befoins dé cette -prodigieufe multitude;'c’efi'
fuppofer que les arts qui ont befbin 3u fecours
J de 1 expérience 8c du temps , parvinrent fubitement
I à leur dernier dégré de perfeélion. Les fuperbes
monumens qui embellirent ces deux v illes, les
rafineniens d’un luxe délicat & recherché , introduits
dans la cour du monarque 8c des grands,
: font autant de témoignages des erreurs ou des
impoftures des premiers écrivains.
ô n dit que ce prince, dévoré de l’ambition des
conquêtes, fe mit à la tête de fept cens mille hommes
de pied, & de deux cens mille chevaux: il avoit
encore dix mille chariots armés. Ce fut avec cette
multitude qu il fit une irruption dans le royaume
de Babylone, rempli de villes riches & peuplées ,
dont il fit la conquête ; enfuiÉe il fubjugua l’Ar-
menie, la Baélriane , la Mèdie, & tous les pays
•fitués entre le Nil & le Tanaïs : ce qu’il y a de plus
furprenant , c’efi que les rois, fes ennemis, lui
oppofoient des millions de combattans. L’imagination
la plus féconde ne peut concevoir que dans
un temps ou la terre manquait d’habitans , on ait
pu raffembler des armées fi nombreufes ; les hom-»
mes indociles & féroces auroient-ils renoncé à leurs
foyers, à leurs femmes ; à leurs enfans , pour aller
chercher à l’extrémité du. globe, des richeffes qu’ils
trouvoient fous leurs mains ? Les fociétés alors
étoient peu nombreufes ; l’autorité des rois étoit
trop bornée pour raffembler fous le même dra*
peau, tant d’hommes difperfés & fatifaits des pro- .
duélions de leur fol. Comment faire fubfifler des
armées fi nombreufes ? Les routes n’étoient point
frayées ; les montagnes & les bois oppofoient des
barrières par-tout renaiffantes ; les champs étoient
incultes & fier îles ; la navigation , encore dans fon
enfance, n’offroit. point le moyen de transporter’
les produétions d’une terre féconde dans les pays
arides; ainfi toutes ces armées & ces expéditions
font autant de fables, qui, comme l’ivraye, croiffent
dans les champs de l’hiftbire.
Après la mort de Ninus, Sémiramis fut placée fur
le trône ; cette princefîe, que lafupériorité de fes ta-»
lens fait compter parmi les plus grands hommes, fut
amenée captive d’Afcalon, ou elle étoit née, à
la cour, de Ninive; le roi Ninus frappé de l’éclat
de fa beauté, la fit entrer dans fon lit ; il en eut
un fils dont il lui confia en mourant la tutelle :
cette prinççffe ennoblit fon fexe, en fe nioptrant
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digne de commander à des hommes. Occupée du
bonheur de fes fujets , elle ouvrit aux provinces
une communication réciproque, en bâtiffant fur
le Tigre & l’Euphrate , plufieurs villes dont la
magnificence immortalife fa mémoire. Après avoir
affuré le bonheur de fes fujets, elle fuccomba à
la tentation d’être comptée'parmi les conquérans:
fes expéditions militaires paroiffent fabule.ufes, du
moins on a droit de révoquer en doute le nombre
d’hommes qtTelle employa contre les Mèdes 8c les
Indiens. On affure, fans pudeur, que fon armée
étoit compofée de trois millions d’hommes de
pied, d’un million de cavaliers , de cent mille chariots
armés de faiilx , & de trois cens mille hommes
pour les ''conduire ,8c pour différens ufages. L’ambition
de régner la rendit injufle envers fon fils
Ninias, à <jui elle refufa de remettre le fceptre,
dont elle n étoit que dépofitaire. Ce fils dénaturé /
arma la main d’un eunuque pour lui ôter la vie;
on répondit qu’elle avoit été tranfportée au ciel,
fous la forme d’une colombe : cette fable trouva
beaucoup d’incrédules : ainfi Ninias, pour fe jufti-
fier, publia qu’elle avoit voulu l’engager à commettre
un incefte avec elle; le fcandale de fa vie
accrédita ce bruit; on l’avoit vue, dit-on, dans les
plaines de Médie, s’abandonner à la brutalité de
l’officier & du foldat.
Tes différentes couleurs, dont l’hiffoire peint cette
reine célèbre , prouvent qu’il y en a eu plufieurs
dont on a confondu les traits ; de-là vient ce mélange
de grandeur & de foibleffe,- de moeurs &f de débauches,
dont l’alliance efl impoffible ; quoi qu’il eiî
foit j Sémiramis, après fa mort, reçut les honneurs
de l’apothéofè : elle fut adorée dans la Palefline ,
où elle avoit pris naiffance, & dans VAJJyrie, qu’elle j
avoit rendue heureufe par fes bienfaits. Elle étoit
repréfen ée fous la forme d’une colombe, fymbole |
de la lubricité ; les peuples d’Afcalon regardoient 1
comme des ficrilèges'ceux qui tuoient un pigeon,
ou qui mangeoient de fa chair. Ses flatues étoient
fans ornement; elle étoit repréfentée nue & les
cheveux épars r\ ce défordre pouvoit bien être une
image de fa vie licentiéufe. ,
Ninias, fils d’une mère qui réunifient les talens
& le courage des grands hommes/ ne porta fur
le trône que des foibleffes & des vices. Les rois,
jufqu’alprs gardés par l’amour de leurs fujets, avoient
•reffemblé à des pères au milieu de leur famille.
Ninias introduifit l’isfage de fe faire garder par des
hommes armés, qui fembl eiit annoncer aux rois
que tous les citoyens font leurs ennemis. Ce
prince , trop efféminé pour avoir de l’ambition , fe
renferma dans l’ombre de fon palais; où affoupi
dans les voluptés ; 'il ne vivôit qu’avec fes femmes
& fes^Concubines, ce fut en fe rendant ifcvifible
à-fes peuples, qu’il crut fe dérober au mépris
public. ■
a Trente générations s’écoulèrent, fans qu’il parut
un roi digne de l’être-: leurs noms, comme
leurs allions, font tombés dans l'oubli, Ce yuide.
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I qui fe trouve dans l’hifloire d'AJfyrie , a fait préfumer
à de judicieux critiques, que cet empire n’eut
plus de roi après Ninias : leurs conjectures ont
toutes, les couleurs de la vraifemblance; on ne voit
parmi cesjxûs ' aucun légiflateur, aucun ambitieux'.
Comment, pendant douze cens ans, cet état auroit-j
il pu refier fans troubles domefliques , fans guerres
étrangères ? Comment tant de rois tributaires
auroient-ils été fi long-temps dociles'au joug im-
pofé par Belus & Sémiramis ? S’il a éprouvé les
fecouifes & les agitations qui ébranlent les autres
empires, pourquoi les écrivains de l’antiquité auroient
ils gardé un filence unanime fur ces révolutions?
Plus il avoit ffétendue, plus il devoit in-*
téreffer la curiofité, plus fes refforts compliqués
etoient fujets à fe déranger. C ’efi fuppofer que
tous les rois de la terre étoient aufïi dégradés que
les monarques Affyriens; fuppofition plus difficile,
que de concevoir, que, depuis Ninias, jufqu’à
Sardanapale, ce trône ne fut point occupé. L’op-
pofition qui fe trouve dans les deux liftes de leurs
anciens rois, favorifè cette conjeélure; l’une contient
trente-fix rois , & l’autre quarante & un. Oiï
n’eft pas plus d’accord fur la durée de cet empire
; les uns lui donnent treize cens ans , & les"
autres réduifent ce nombre à cinq cens virîgt ; mais
comme tous n’ont pour guide que Ctefias, ils
n’onî fait que répéter fes erreurs.
Après une éclipfe. de plus de mille ans, on v o it
. reparoitre fur,le trône à’AJfyrie, un Sardanapale,
dont les vices & les moeurs infâmes ont immorta-
lifé la mémoire On donne encore aujourd'hui fon
nom aux princes efféminés & débauchés. Ce tyran-
inyifible, environné d’eunuques & de concubines ,.
-n -toit occupe qu’à la recherche des voluptés, 8c
de celles même qui- révoltent la nature, & que la
pudeur défend de nommer. Fatigué du poids dit
fceptre , il prenait là quenouiHe & fe fardoit pour
difputer aux femmes le prix dps grâces & de la
beauté. Tel efl le portrait que des auteurs outrés
en ont Jaiffé pour mous peindre un prince voluptueux,,
qui facrifioit à fes plaifirs les foins de
fon empire. Ce monarque , av ili, fit un peuple de
mecontens., Arbace , Mède de nation , honteux:
d obéir à un maître efféminé , forma une conjuration
avec Belefis, gouverneur de Babylone , prêtre
8c guerrier , qui avoit la réputation de pénétrer
dans les fecrets de l ’avenrr : les peuples fe rangèrent
en foule mus leur drapeau. Les conjurés furent,
fouvent défaits ; mais foutenus de la faveur de
la n a tio n ils fe relevèrent toujours de leur chûte..
Sardanapale, réveillé par le bruit du danger,, fit:
voir que le goût des voluptés n’éteint pas toujours
le courage ; il donna des preuves d’un génie véritablement
fait pour k guerre, & . après avoir remporté
trois viéïoires, il effuya un revers qur l’obligea
de fe renfermer dans Ninive; Il y fut affiégé-
par l’armée rebelle, dont les efforts euffent été im-
puiffans , fi le débordement du Tigre n’eût ren-
yerfé la. muraille. Le monarque, voulant préyeoiir