
» le coeur ; une parefle affe&ée ] qui éloigne ,
«commeautant d’idées frivoles, tout ce qui s’ap-
-9> pdle fortune, honneur , vertu , hienféance ».
Anacréon a cependant trouvé des apologiftes,
«même furi'article des moeurs. Elienveut qu’il n’ait
eu pour Smerdias qu’une amitié pure, 8c il ne
iauroit fouffrir qu’on l’accufe ou d’incontinence
eu d’intempérance. M. leFèvre , père de madame
Dacier, a auffi juftifié Anacréon ; & un favant an-
,-glois a foutenu que ce poète étoit fohre 8c chafte ;
i l a de même juftifié les moeurs de Pindare &
•de Sapho, & traité d'ignorans ou de gens ftupides
-ceux qui doutoient de leur vertu. Anacréon mourut
à quatre-vingt-cinq ans, étranglé, dit-on, par un
pépin de raifin. 11 eft difficile de fixer les époques
xle là naiffance & de fa mort.
AN A LA B E , f. m. ( Hifl. moi. ) partie de l’habillement
des moines grecs. L'analabe étoit en
-Orient, ce qu’efl le fcapulaire en Occident; il étoit
-percé dans le milieu, d’une ouverture pour paffer
la tête, & s’ajuftoit fur les épaules en forme de
croix. Analabe vient de , dejfus, & de ïmuZuvu,
■ je prends. (A . R.')
ANANEL , ( Hifl. facrée. ) grand-prêtre des
Juifs, fut revêtu de cette dignité par Hérode le
-Grand, au bout de deux ou trois ans, il fut con-
•traint de la céder à Ariftobule, beau-frère d’Hé-
rode, à qui celui-ci la donna à la follicitation d’A lexandra
fa belle-mère, & de Marianne fa femme;
mais Ananel la reprit un an après, lorfque le roi
eut fait mourir Ariftobule. Il ne la garda pas longtemps
; Hérode l’en dépouilla pour en revêtir Jefus,
fils de Phabet .ou Phabi. Ce prince ombrageux
craignoit l’autorité des grands-prêtres qui étoient
perpétuels , & s’arrogea dé droit de difpofer à fort
gré de cette dignité. { A —-R. )
AN AN ÏA S , ( Hifl. facrée. ) fils de Nébédéè,
fouverain (àcrificateur des Juifs, fuecéda à Jofeph,
fils de Camith : il étoit fort aimé des Juifs à caufe
de fa grande générofité. Quadratus , gouverneur
de Sy r ie , étant venu dans la Judée à Toccafion
des différends qu’il y avoit alors entre les Samaritains
& les Juifs, envoya à Rome le grand-prêtre
Ananïas , qu’on accufoit d’être l’auteur de ces trou-j
'blés , pour rendre compte de fa conduite à l’empereur
Claude. Il fe juftifia & revint abfous. Depuis
fon retour il fit comparoitre devant lui &
maltraiter l’apôtre S. Paul. Il fut gagner l’affeéHcn ;
d’A lbin, gouverneur de la Judée, & eut toujours
un grand crédit fur fon efprit : il le dut en partie
à fe s richeffes. Quelques-uns de fes gens en abusèrent
pour commettre impunément de grandes
violences ; il ne jouit que fept ans de la fouve-
raine facrificature. Agrippa l’en dépouilla pour la
donner à Imael, fils de Phabé , l’an 6z de i’ère vulgaire.
{A . R .)
Ananïas , ( Hifl. des Juifs. ) fumommé le Sa-
ducéen, eft célèbre dans la révolte des Juifs contre
les Romains, de laquelle il fut un des plus ardens
promoteurs. Il alla lolliciter auprès des Idumééns,
des fecours en faveur des rebelles, 8c obtint ce
qu’il demandoit. Ce fut lui qui, par fon éloquence,
perfuada à Métilius, capitaine des troupes Romaines
, aftiégé dans le palais royal de Jérufalem, de
fe rendre avec fes gens, à condition qu’on lui laif-
feroit la vie fauve, à lui & à fa troupe. Métilius
fut la dupe de fa confiance; lorfqu’il fe fut rendu,
les faôieux égorgèrent tous les Romains, & il n’échappa
lui-même à leur fureur qu’en promettant de
fe faire Juif.
Il eft encore fait mention, dans l’écriture-fainte, de
quelques autres Ananïas, ou Ananie, moins célèbres
que ceux dont on vient de parler. (A . R. )
ANANUS, ( Hifl. des Juifs. ) fils de Seth, grand-
prêtre des Juifs, appellé Anne dans l’évangile, pofi
féda la grande facrificature pendant onze ans, &
eut cinq de fes fils-grands-prêtres, dont un porta
auffi le nom ri Ananus. Après avoir été dépofé de
cette dignité, il en conferva le titre, & eut toujours
beaucoup dé part aux affaires. Il étoit beau-père de
Caïphe, & ce fut chez lui que Jefus-Chrift fut d’abord
mené,, lorfqu’il eut été arrêté-au jardin des olives.
Ananus fon fils, qui ne fut grand-prêtre que trois
mois, & que le confeil des Juifs nomma enfuite
gouverneur de Jérufalem, fit lapider S. Jacques,
frère, c’eft-à-dire parent de Jefus-Chrift , félon la
chair, avec quelques chrétienscomme coupables
d’impiétés : violence qui lui fit perdre le pontificat.
L’hiftorien Jofephe loue extrêmement la prudence
de ce gouverneur : il en parle comme d’un homme
très-jufte, ami de la paix, zélé pour le bien public
, très-vigilant 8c très-attentif aux intérêts du
peuple : ce qui prouve qu’il s’étoit bien corrigé de
ce zèle impétueux & violent qu’il montra lorfqu’il
étoit grand-prêtre.
L’écriture parle encore de .quelques autres Ananus.
( A . R .)
ANAXAGORAS, ( Hifl. anc. ) fut difciple d’A -
naximènes, & Périclès, Euripide, & félon quelques
uns , Socrate furent fes difciples. Il plaçoit le
bonheur fuprême dans la contemplation, & avoit
pour principe de ne Te. mêler d’aucune affaire publique,
principe plus agréable dans une monarchie,
que convenable dans une république; on lui
reprochoit cette indifférence pour fa patrie, au
contraire , dit-il , en montrant le ciel , ce f l pour
moccuper uniquement de ma véritable patrie. C’eft
dans le même fens qu’il fe difoit né pouf contempler
le fo leil, la lune & le ciel. Ce fut lui , félon
Paint Clément d’Alexandrie, qui rranfporta le premier
la philofophie, de Milet à Athènes ; félon Diogène
Laërce ; ce fut le philofophe Arch clairs, difciple
d'Anaxagoras. Mais la philofophie étoit alors au
berceau. Une contemplation affidue & les obfer-
vations les plus raifonnées ne conduifirènt Anaxagoras
qu’à Soupçonner que le foleil eft uné maffe
de feu, ( idée qui fe préfente d’abord à tout le
monde ) & qu’il pourroit bien être un peu plus
grand que le Péloponèfe, (paradoxe qui étonna &
qui feandalifa beaucoup la Grèce, dans ce qu’il
tontenolt de vrai ) que la lune a des collines, o c .
des vallées,& pourroit bien avoir des habitans, (idée
qui ne fe préfentoit pas alors à tout le monde, oc
qui nous étoit affez étrangère à nous-mêmes avant
le livre de la pluralité des mondes , ou même elle
xi’èft préfentée qu’avec précaution , 8c comme une
conje&ure hazardée. ) Les d eu x , félon Anaxagoras,
étoient de pierre, & c’étoit la vîteffe feule de
leur mouvement qui les empechoit de tomber ;
( où tomberoient-ils ?) ils enlevoient des pierres de la
terre, ils les allumoient 8c en faifoient des aftres ;
Anaxagoras eft l’auteur du fyftême des homæome-
ries, ou parties fimilaires dont il difoit que chaque
efpèce de corps étoit formée, fyftême que Lucrèce
expofe 8c réfute dans le premier livre de Ion
poème. Anaxagoras difoit encore que la neige
eft noire, parce que ce n’eft qu’une eau conden-
fée , 8c que le noir eft la couleur propre de 1 eau ;
delà il concluoit que nos fens nous trompent, oc
que ce n’eft pas à eux, mais à la raifon à juger des
chofes ; mais la raifon peut-elle jamais nous -dire,
8c cela contre le témoignage de nos fens, quelle
eft la couleur d’un corps ? Ce qui fait le plus.
d’honneur à ce philorophe, c’eft d’avoir été le premier
qui ait remarqué dans toute la nature ^ des
traces d’intelligence, 8c qui ait mis en dogme qu une
intelligence Supérieure a difpofe la matière, lui a
donné le mouvement 8c a débrouille le chaos; il
eil eut le iur-nom, à’Entendement bu d'intelligence,
foit parce qu’il voyoit par-tout de l’intelligence,
foit parce qu’il- en falloit beaucoup pour apperce-
voir 8c développer cette grande vérité, à travers
les préjugés qui l’obfcurciffoient 8c qui attn-
buoient tout au hazard. C’eft cette belle idée que
Virgile préfente en plufieurs endroits.
Effe apihus partem dtvince mentis , & haujlus
jEthereotkixere , deum namque ire per omnes '
Terrafque , traSufque marls, c&lumque profundum•
Hincpecudesij armenta , viros, genus omneferarum ,
Quemquc fibi tenues nafeentem arceffere vitas :
Scilicet hue reddi delude ac refoluta referri
Omnia.
G eorg, lib. 4»
Tuncipib, ccelum ac terras , campofque liquentes ,
Lueentemque globum luna J titaniaque aftra
Spiritus intus a lit ; totamque infußa per artus
Mens agitat molem , & magno fe corpore mifeet.
Inde hominum j pecudumque genus, vitatque volantum ,
E t qua: marmoreo fei t monftrafub cequorepontus !
(Emeid. lib. 6•
Quant à la pierre tombée du foleil, fur la côte
appellée la rivière de la Chèvre, pierre miracu-
leufe, dont' la chute prédite , dit-on, par Anaxa-
goras , préfageoit la défaite (qu’il n’avoit pas prédite)
de la flotte Athénienne, détruite par Lyfandre,
cette tradition , (rapportée par Pline, par Plutarque,
par Diogène Laërce, prouve feulement que
de toute ancienneté , le peuple eft en poffemon
d'attribuer des prédi&ions abfurdes aux hommes
qui ont la réputation d’être verfés dans laftronor
mie, & fur-tout d’inventer des prediaions ce des
préfages après des évènemens funeftes. Bayle rap-
porte à ce fujet la note d’un commeijtateur qm
fuppofe la prédiflion, & qui n’en eft pas étonné.
Il ri y a y dit-il, aujourd'hui, f i petit aflrologue qui
rien fit autant. Pline plus fenfé, dit que la pre-
diâion CI Anaxagoras eût été un plus grand mira*?
c le , que la chute de la pierre..
Les Grecs étoient intolérans ; Anaxagoras fut
accufé d’impiété , parce qu’il difoit que le foleil
étoit une maffe de feu ou de matière enflammce-;
on ne fait pas bien certainement s’il fut condamné
, pu abfous ; tout ce qu’on fait, c’eft que Peur
clés .entreprit de le défendre, 8c que par la , il le
mit en danger. Jupiter, dans le dialogue de Timon
de Lucien, dit « J’ai brifé deux pointes de mon
» foudre, en le lançant trop brufquement contre
» le philofophe Anaxagoras, qui vouloit perfua-
| ri der à fes difciples que nous autres dieux, nous
» n’exiftons pas. Mais il fe mit à couvert fous 1 au-
» torité de Périclès, 8c cependant j’allai mettre en
» poudre le temple de Caftor 8c de Pollux , qui ne
» m’avoit fait ni bien ni mal ». ,
Ceux qui difent.qu’Anaxagoras fut condamne,
même à mort, rapportent de ce philofophe un mot
qui annonce du fan g froid 8c du courage. En apprenant
la fentence des jugés, il y a long-temps, dit-
il , que la nature a prononcé fon arrêt de mort
contr’eux auffi bien que contre moi. Son mot a
la mort de fes fils : Je favois bien que je les avois
engendrés mortels, eft , ou d’un père peu^fenlible ,
ou d’un philofophe plein de courage. Il etoit
d’une gravité remarquable ; Cicéron dit de lui -
Maxïmâ fuit & gravitatis & ingenii gloriâ. Elien
8c Plutarque difent qu’on ne le vit jamais rire ni
même fourire ; fi c’eft depuis la mort de fes fils ,
fon mot eft jugé , il eft une preuve de: courage 8c
non pas d’indifférence ; c’eft ainfi qu on raconte
du roi d’Angléterre , Henri I , que depuis le malheureux
naufrage qui fit périr prefque toute fa
famille , on ne le vit jamais fourire ; mais le fait
ne peut guères être vrai de la vie entière dun
homme, au moins quant au fourire ; car, pour le
rire, on affure que Fontenelle, qui avoit toujours
fur les lèvres le fourire philosophique, n’a jamais
ri aux éclats, 8c qu’il en convenoit en tâchant de
i donner du ridicule au rire éclatant, gui n’en eft
guères fufceptible quand il eft fincère 8c qu il part
' de rame. Au refte, l’antiquité rapporte auffi de
Pythagorc , d’Heraclite, qui pleuroit toujours, 8c
de Craffus, l’ayeul de celui qm fut tué par les
j Parthes , qu’ils étoient agélafles , c eft-a-dire , quils
n’ont jamais ri. .
Il dédaignoit le luxe 8c fur-tout celui des bati-
mens ; quand on lui vantoit la beauté d’un édifice,
ouïy répondoit-il avec froideur a c'efl un monument
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