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tju’il aimeroit mieux être chien que d’être François.
■ J humilierai leur orgueil, ajoutoit-il , 6* f i leur roi
ne devient fage , je le châtierai comme un petit garçon-,
je lui ôterai fon royaume.
On connoît cette' lettre de Boniface VIII à Phi-
ïippe-le-Bel. » Boniface , évêque, ferviteur des fer-
» ^viteurs de Dieu, à Philippe , roi des 'François :
» Crains Dieu & obferve fes commandemens. Nous
9) voulons que tu fâches que dans les chofes fpi-
»» rituelles oc temporelles tu nous es fournis. La
» : collation dès bénéfices ne te regarde point, &c.
« & fi tu en as conféré quelques -u n s , nous en
9) révoquons la donation & la déclarons nulle ;
m ajoutant que ceux qui penfent autrement, font
des fats & des infenfés ».
• Et cette réponfe de Philippe-le-Bel à Boniface
iVHI : »' Philippe, par la grâce de Dieu, roi de
France , an nommé Boniface 3 qui fie fait' appeller
fouverain "pontife, falut fort modique & même
aucun. Sache ta grandiflime fatuité , que pour le
*> pouvoir temporel, nous ne reconnoiflons per-
fonne. Nous conférerons les prébendes & les
■»> bénéfices auxquels nous avons droit de nommer,
& nous en affûterons les revenus à ceux que
nous. ;en.‘aurons pourvus , croyant qu’il n’y a
que. des fats & des infenfés qui puiffent nous
»> difputer ce pouvoir «.
Jean du T ille t, évêque de Meaux, admire avec
âiorreur la merveiüeufe impudence d’un tel homme ,
'qui n avoit pas honte d’affurer que le royaume de \
3?rance était ’tenu en foi & hommage de la majeflé \
papale , & fujette à icelle. La bulle unam fantfam ,
jit i 1 8 novembre 1302, corifacra toutes ces prétentions.!
•
Boniface. n e s'en tint pas à des écrits & à des
ffifeours, il accabla la France de cenfures, il dé-
pofa Philippe-le-Bel, il donna fa couronne au roi
-^’Angleterre ; cette concefiion n’eut point lieu,
Edouard I avoit d’autres affaires. Boniface offrit
^àlors le trône de la France à l’empereur Albert
«l’Autriche ; il ne l’aimoit pas, il .s’étoit toujours
intéreffè, contre lui pour Albert. de Naffau , fon
compétiteur, dont il lui reprochoit la mort ; il
.avoit dit aux ambaffadéurs d’Albert, que l’éleéion
rde leur maître était nulle , & qu’il falloit le traiter
e n homicide. Mais Philippe - le - Bel avoit fait des
.démarches pour procurer l’empire à Charles de
.Vàlôis.fon frère, au préjudice d’Albert. Boniface
jugea que le reffentiment d’Albert, devoit le rendre
-propre à fervir fa haine contre la France ; il fup-
.pofa qu’Albert avoit comme lui une ame ambi-
tiéufe & implacable ; il fe trompa, l’empereur fe
feuvint du refus que faint Louis avoit fait de l’empire
, il crut devoir rendre ce procédé généreux
au petit-fils de faint Louis. Ce refus n’eut peut-être
après tout qu’un mérite de prudence & non de
générofité.- Le royaume de France efl trop beau, dit
: Mézerai, pour être enfermé dans un morceau de parchemin.
Cependant un pareil morceau de parchemin
ayoit caufé de grandes révolutions en Sicile,
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On prétend qu’Albert craignant de défobliger
Boniface par l’éclat d’un refus trop abfofu ,lui répondit
qu’il accepteroit la couronne de France, fi
le pontife vouloit rendre l’empire héréditaire dans
la maifon d’Autriche. J ’accepterai vos bienfaits, f i
vous m’en accordeç encore d’autres, paroît une pro-
pofition un peu étrange ; mais c’étoit, félon un
hiftorien moderne , dire refpeâueufement au pape,
que l’un étoit auffi peu pofîible que l’autre. Ob-
fervons que ce même pape avoit paru féconder
autrefois les démarches faites pour procurer la
couronne impériale à Charles de Valois, & qu’il
avoit promis tour-à-tour à ce prince , l’empire de
Conftantinople & l’empire d’Allemagne, mais alors
tout étoit bien changé.
Tout ce que Boniface & Philippe-le-Bel pouvoient
renfermer dans leur coeur, d’orgueil & de haine ,
étoit épuifé par leur querelle ; ils n’avoient plus
d’amis ni d’ennemis que relativement à cet objet.
La fàmeufe difpute du facerdoce & de l’empiré
n’étoit plus entre les empereurs & les papes; elle
étoit entre Boniface & Philippe-le-Bel, & Philippe
étoit feul le vengeur des rois.
Il fallut lever des troupes contre le pape, H
fallut le forcêr dans Anagnia; mais ce fut Sciarra
Colonne qui donna un foufflet au pape, & non
point Nogaret, ambaffadeur de France , & alors
général des François contre 1$ pape. Nogaret empêcha
même Sciarra Colonne de tuer Boniface; il
fe contenta de dire au pape avec l’indignation que
lui infipiroit l’arrogance opiniâtre & inflèxible de
ce pontife vaincu & prifonnier : » Chétif pape ,
» confidère la bonté de mon feigneur le roi dé
» France, qui bien que fon royaume foit fort
» éloigné de to i, te garde par moi & te défend
» de tes ennemis , ainfi qué: fes prédéceffeurs ont
» toujours gardé les tiens ». Pour Colonne, il
étoit l’ennemi perfbnnel du pape, auffi bien que
tous fes frères. Boniface les avoit dépouillés , prof-
crits, emprifonnés, il en avoit dégradé deux du
cardinalat, & ne voulut jamais confentir aux deux
feules conditions que Sciarra Colonne lui impofoit
pour lui laiffer la vie. L’une étoit de rétablir fes
frères, l’autre d’abdiquer le pontificat. Le pape
mourut de honte & de rage de fe voir entre les
mains de fes ennemis. Sa mort eft du 11 o&obre
1303. Il avoit quatre-vingt-fix ans.
On fit le procès à fa mémoire , à la follicitatiôn
de la France, à l’inftigation des Colonnes & fur
l’accùfation de Nogaret. Benoît X I , fucceffeur de
Boniface, mourut pendant le cours de ce procès ;
Clément V , (Bertrand d’Agoût) dans les conventions
qu’il fit avec Philippe-le-Bel, promit de
fuivre ce procès ; mais un pape ne fe détermine
guères à flétrir la mémoire d’un de fes prédéceffeurs.
L’affaire finit par tranfadion. Les bulles de
Boniface contre la France -& contre Philippe-le-Bel,
furent révoquées ou modifiées ; l’abfolution accordée
au roi & à Nogaret, les Colonnes rétablis.
Boniface pouyoit avoir çommis des aimes pq$
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litîques, il avoît furement outragé les fols de la
terre ; on l’accufa d’avoir outragé le roi du ciel &
tourné la religion en ridicule. On l’accufa d’héré-
fie, d’impiété, de blafphême. On prétendoit que
le pape Cèleftin V , qu’il avoit engagé par fes artifices
à abdiquer, lui avoit dit : Tu es monté fur
le trône pontifical en renard, tu régneras en lion , tu
mourras en chien.
C ’eft Boniface VIII qui a infiitué le jubilé l’an
1300. Cette inftitution paroît tirer fon origine des
jeux féculaires que les anciens Romains célébroi,ent
de cent ans en cent ans; Depuis l’abolition du pa-
ganifme, les peuples n’avoient pas perdu l’ufage
de venir de tous côtés à Rome célébrer l’année
feculaire ; mais fandifiant cette folemnité, ils fai-
foient leurs dévotions fur le tombeau des apôtres
faint Pierre & faint Paul. Boniface faifit cette oc-
çafion de fe montrer au peuple dans la plénitude des
deux puiffances, fpirituelle & temporelle. Il parut
alternativement, oc à plufieurs reprifes, tantôt en
habits pontificaux , donnant la béhédidion au
peuple ; tantôt en habits impériaux, faifant porter
devant lui l’épée & le feeptre, réclamant l’un &
l’autre pouvoir, & efpérant que cette çérémonie
accoûtumefoit les fidèles à les reconnoître en lui
l’un & l’autre.
Boniface, ( Saint) efl auffi le nom de l’apôtre
de l ’Allemagne , archevêque de Mayence, légat
des papes Grégoire II, Grégoire I I I , & Zacharie,
•qui facra dans Soiffons Pépin le Bref. Il fut tué.
dans le cours de fa million par les idolâtres de la
Frife en 754. Il étoit né en Angleterre vers
l’an 680. On a de lui des fermons dans la collection
de dom Martène ., & des lettres imprimées
féparénient.
* On a de Balthafar Bonifacio, vénitien, archidiacre
de T revife, puis évêque de Capo-d’Iftria,
Hifloria Trevigiana & Hifioria Ludicra.
BONNECORSE , poète françois , décrié par
Boileau ;
Ven ez , Pradon 8c Bonnecorfe,
Grands écrivains de même force, &c.
Il eft l ’auteur de la Montre d’amour, dont Boileau
s’eft encore moqué :
L’un prend l'édit d’amour, l’autre en faifit la montre.
Il fit contre le Lutrin un poème intitulé : le Lu~
triget. Mort en 1706. Ses poéfies ont été imprimées
em 1710..
BONNEFONS, ( Jean) poète latin moderne,
dont les poéfies font à la fuite de celles de Théodore
de Bèze dans l’édition des auteurs latins de
Barbôu. On eftime fur-tout fa Pancharis ; elle a
été traduite en vers françois ignorés, par un poète
ignoré , nommé la Bergerie. Bonneforts, né en Lfflk*
à Clermont en Auvergne, fut lieutenant-général
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de Bar-fur-Seine. Il mourut en 1614. Il eut un fils,
qui fit auffi des vers latins.
BONNET, f. m. (Hifl.mod.) forte d’habillement
de peau ou d’étoffe, qui fert à couvrir 1*
tête.
L’époque de l’ufage des bonnets & des chapeaux
en France fe rapporte à l’an 1449 >ce ^lIt à l’entrée
de Charles VII à Rouen , qu’on commença à en
voir : on s’étoit jufqu’alors lervi de chaperons on
de capuchons. M. le Gendre en fait remonter l’origine
plus haut ; on commença dit-il, fous Charles
V à rabattre fur les épaules les angles des chaperons
, & à fe couvrir la tête de bonnets, qu’011
appella mortiers, lorfqu’ils étoient de velours, &
Amplement bonnets, s’ils étoient faits de laine. Le
mortier ^étoit galonné ; le bonnet ati contraire n’avoît
pour ornement que deux efpèçes de cornes fort
peu élevées, dont l’une fervoit à le mettre fur la
tête, & l’autre à fe découvrir. Il n’y avoit que le
ro i, les princes, & les chevaliers qui portaffènt
le mortier.
Le bonnet étoit non-feulement l’habillement de
tête du peuple, mais encore du clergé & des gradués
, au moins fut-il fubftitué parmi les do&eurs-
bacheliers, &c. au chaperon qu’on portoit auparavant
comme un camail ou capuce , & qu’on laifla
depuis floter fur les épaulés. Pafquier dit qu’il fai-
foit anciennement partie dii chaperon que portoient ’
les gens de robe, dont les bords ayant été retranchés
, ou comme fuperflus, ou comme embarraf-
fans, il n’en refta plus qu’une efpèce de calotte
propre à couvrir là tê te , qu’on accompagna de
deux cornes pour l’ôter & la remettre plus com- ‘
modément, auxquelles on en ajouta enfuite deux
autres ; ce qui forma le bonnet quarré dont il attri- '
bue l’invention à un nommé Patoùillet; ils n’étoient
alors furmontés tout au plus que d’un bouton au
milieu , les houpes de foie dont on les a couronnés
étant une mode beaucoup plus moderne, & qui
n’eft pas même encore généralement répandue en
Italie. Le même auteur ajoute que la cérémonie
de donner le bonnet de maître ês-arts ou de doSleur
dans les univerfités, avoit pour but de montrer
que ceux qu’on en décoroit avoient acquis toute
liberté, & n’étoient plus fournis à la férule des ‘
maîtres ; à l’imitation des Romains 'qui donnoient
un bonnet à leurs efclaves lorfqu’ils les affranchif-
feient ; d’où eft venu le proverbe vocare fervuttt
ad pileuni, parçe que fur les médailles , le bonnet
eft le fymbole dé la liberté, dont on y repréfente
le génie , tenant de la main droite un bonnet par
la pointe.
Les Chinois ne fe fervent point comme nous de
chapeaux, mais de bonnets d’une forme particulière
, qu’ils n’ôtent jamais en faluant quelqu’un ,
rien n’étant, félon eux^ plus contraire à la poli-
teffe que de fe découvrir la tête, Ce bonnet eft
différent félon les diverfes faifons de l’année : celui
qu’on porte en été a la forme d’un cône ter- '
verfç; il eft fait d’une efpèce de natte très-fine &
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