
1rrita l’orgueil $ Artaxerxès, qui famma la ville de
Cos de lui livrer Hippocrate. Les habitans, lenfi-
bies au facrifice qu’Hippocrate leur avoit fait de
fa fortune, aimèrent mieux s’expofer par leur refus
au reflèntiment d’un monarque puiffant. Arta-
xencès éprouva que les rois peuvent avoir befoin
d’un médecin qui peut fe paffer d’eux.
La guerre du Peloponèfe depuis fept ans em-
brâfoit la Grèce acharnée à fe détruire ; les deux
partis également incapables d’en foutenir le fardeau.,
follicitèrent le fecours dyArtaxerxès, .gui feul pau-
voit faire pencher la balance : ce prince 'flatté d’étre
l’arbitre de la Grèce, fàifoit des préparatifs formidables,
pour donner plus de poids à fa médiation,
lorfque la mort l ’enleva à la Perfe. Il fut fans doute
un grand roi, puifqu’il fut aimé de fes fujets, &
qu’il préféra la gloire d’être leur bienfaiteur , à la
vanité d’être un conquérant. Quoiqu’il cultivât les
lettres , & qü’il aimât à-les récompenfer, il manqua
<fhiftoriens pour nous tranfméttre fes talens &
fes vertus ; il ne nous eft connu que par les
Grecs, peintres infidèles, dont là jalouie malignité
défiguroit les phis beaux traits de l’étranger. Xer-
cès II qui lui fuccéda, fut-le feul fils qu?rl eut de fa
femme légitime , mais il en eut dix-fept autres de
fes concubines : les loix, en réglant l’ordre des
fucceffions ,.prévenaient les abus de l’incontinence.
Un monarque entouré de -femmes dévouées à fes
plaiïirs ,-s’abandonnok à la licence de fes penchans,
fans compromettre fa gloire ; une poftérité nom-
breufe étoit honorable,-&laftérilité imprimoit line
efpèce d’opprobre qu’il étoit doux de prévenir.
L’évangile a tout reâifié & tout épuré à cet égard.
O * . )
( Artaxerxès mourut l’an 450 avant J. G.) Artaxerxès II, furnommé Mnemon, ‘à caufe
•de fa prodigieufe mémoire , fHiJl. de Perfe. ) étoit
fils d’Ochus qui, à fon élévation au trône, avoit
pris le nom de Darius Nothus. Etant auprès de fon
père alors expirant, Artaxerxès lui demanda par
quel fecret il ri’avoit éprouvé que des profpérités
pendant un règne de dix-neuf ans-; » j’ai, répondit
le monarque , » toujours pratiqué -ce que la juftiçe
n & la religion exigeoient de moi «.Le nouveau roi
.en montant fur-le trône ( l’an 405 avant J .C .) eut
fa famille •& des rebelles à punir ; fon frère Cyrus,
qui avoit fermé le projet de l’affafiîner, fut découvert
& condamné à la mort ; mais le monarque
clément , à la follicitation de fa mère, le renvoya
dans fon gouvernement de l’Afie-mineure. Cyrus
plus fenfibie à l’affront de la -condamnation qu’à la
grâce du pardon, leva une armée de cent mille
barbares , & les Lacédémoniens lui fournirent encore
des troupes Sc des vaiffeaux ; cette armée ,
après une marche de cinq cens lieues, qu’elle
exécuta en quatre-vingt-treize jours , arrive dans
les plaines de Babylone, où elle trouve Artaxerxès
prêt à lui livrer bataille. Les Grecs attaquent avec
tant cl’impétuofité , que l’aile qui leur eft oppofée
-eft défaite & difperlée j dans ce premier fuccès^
ils proclament Cyrus ro i, en frappant fur leurs
boucliers ; ce jeune prince apperçoit fon frère, il
fond fur lui , tue le capitaine de fes gardes, & eft
tué à fon tour par Artaxerxès d’un coup de javeline
: la rébellion fut éteinte dans fon fang.
La cour de Perfe offrit encore une fcène aufli
'fanelante. Artaxerxès .avoit epoüfé Statira, dont
le Frère étoit mari ci’Am eft ris , foeur 'du monarque;
ce frère pour ..aftouvir la paflion inceftueufe
■ dont il brûloir pour fa foeur, eflaya d’einpoifonner
fon époufe Âmeftris : il fut découvert & puni. Sa
famille, qui n’avoit point eu de part à fon crime,
fut enveloppée dans fon châtiment , & Suze, au
milieu de cette confufion , fut le théâtre des in-
ceftes, des adultères, des meurtres .& des empoi-
fonnemens.
Ce fut après la défaite de Cyrus, que le s Grecs
firent, cette^ belle retraite, .célèbre fous le nom de
fia retraite des dix mille. Artaxerxès ne vouloit partager
avec perfcnne le cruel honneur d’avoir tué
fon frère ; un Carien qui fe vanta de lui avoir
.porté le premier coup , fut livré à Parifatis, mère
de Cyrus , :& qui avoit . juré la perte de ceux qui
avoient eu part à la mort de fon fils : xe foldat
malheureux, fans être coupable,, éprouva pendant
huit jours les tourmens les plus horribles, & il ne
ceffa de fouffrir, qu’en ceflant de vivre. L’eunu-
-que , qui, par l’ordre de fon maître, avoit coupé
;la tête & la main à 'Cyrus,,-fut écorché tout vif*
Artaxerxès opprima les Grecs de l’Afte mineure ,
pour les punir du fecours qu’ils avoient prêté à
fon frère. La rivalité qui chvifdit fes généraux,,
s’oppofa aux fuccès qu’il devoit fe promettre de la
fupériorité de fes forces contre une poignée de
Lacédémoniens ; il fe , fortifia de l’alUaHce des Athéniens,
jaloux de la grandeur de Sparte. Ils lui en-'
voyèrent Conon pour commander fa flotte fur les
côtes de Phénicie & de , Syrie. Les Spartiates, fous.
les ordres de Defcyllidas, pénétrèrent dans la Carie,
& d’un autre côté , Agelàs^avec une autre armée,
parut devant Ephèfe avant qu’on eût une armée
à lui oppofer : rien n’arrêta Tes conquêtes, & les
Perfes n’eurent .-d’autre reffource, que de s’abâiffer
,à demander la paix, qui leur fut refùfée. Artaxerxès
étoit perfuadé qu’il ne pouvait détruire les Grecs
.qu’en les armant les uns contre les autres : il eut
plus de confiance dans fon or que dans fes foldats.
Thebes, Argos, Corinthe, corrompus par fes lar-
geffes, trahirent la caufe commune de la Grèce.
La flotte Perfane , fortifiée de celle de fes alliés j
mit à la voile fous les ordres de Conon., il y eut
une .action fanglante près de Cnide, ville de l’Afie
mineure ; la mort du général des Lacédémoniens
mit le défordre dans leur flotte : cinquante de
leurs vaiflèaux forent coulés à fond , leur plus
grande perte fut la défection de leurs alliés.
La politique ÿArtaxerxès dans toute cette guerre
fut de femer la divifion parmi 'les Grecs, & d’ap-
I puyer les uns pour àfFoiblir les autres. Ce prince
devenu l’arbitre de la Grèce ? fans en prendre le
titre %
titre, exigea que pour dédommagement des dépen-
fes de la guerre , toutes les yilles Grecques de
TÂfie lui fuffent foumifes, & de toutes les lies , il
ne fe réferya que Chypre & Clazomène ; ce fut
à ce prix qu’il confentit de rendre aux autres villes
la liberté de vivre chacune fous leurs loix; Scyros,
Lemnos Sç lmbros , furent remifes aux Athéniens,
& chaque peuple qui avoit été de fes alliés eut part au
partage : ce futainfi qu’affe&ant une -modération qui
n’étoit qu’apparente, -il diéla des loix à la Grèce ,
trop affoiblie par fes divifions pour ne pas y fouf-
crire. Ce fut pour mettre v,ee traité en exécution
qu’il tourna fes armes contre Exagoras, roi de Chypre
, à qui il vouloit enlever fon île ; ce prince ,-
pôffeffeur d’un petit état, ofa foutenir tout le poids
de la guerre, contfe un monarque dominateur de
l ’A fie, & arbitre de la Grèce ; il fuccomba, mais
çvec gloire , & les Perfes, forcés d’admirer fa
magnanimité , le laiffèrent pôffeffeur de Salamine.
La Perfe triomphante au-dehors, avoit au-dedans
un vice de conftitution qui annonçoit fon dépé-
riffement ; une rébellion, éteinte était la femence
d’une rébellion nouvelle. Goas voyant dans les
fers Teribafe, dont il avoit époufé la fille , craignit
d’être enveloppé dans fa difgrace ; il lui parut plus
sûr de fe révolter que de s’abandonner à la discrétion
de fes calomniateurs ; toute la milice fe déclara
pour lui ; l’Egypte lui fournit dès troupes,
les Lacédémoniens , à qui il promit l’empire de
la Grèce, fe laiffèrent. éblouir par fes promeffes ;
tout annonçoit dans la Perfe une prochaine révolution
, lorfque Goas fut affafliné par un de fes
officiers : fa mort diflipa l’orage ; mais il s’en éleva
un autre aufli effrayant. Les Cadufiens qui habitaient
entre le pont Euxin & la mer Cafpienne,
étoient fiers & belliqueux , comme tous les peuples
pauvres ; ils ne vouloient s’affujettir qu’à leurs ufa-
ges , & frémiffoient au nom d’un maître ; &
comme les Perfes n’avoient aucun titre pour
leur commander, ils ne fe croyoient point obligés
d’obéir.
Artaxerxès marcha contr’eux avec une armée de
trois cens mille hommes de pied, & de deux cens
mille chevaux ; quoiqu’il ne trouvât point de rebelles'
à combattre, il eut les plus grands obftacles
à furmonter. Le pays , pauvre & ftérile, ne put
fournir des fubfiftances à une armée, fi nombreufe ;
fes foldats furent réduits à manger les bêtes de
fomme ; la tête d’un âne fut vendue jufqu’à
foixante dragmes. Artaxerxès humilié d’une expédition
où il falloit effûyer des travaux fan'S fruit,
tourna fes armes contre l’Egypte. , dont le roi Acho-
ris lui oppofa une vigoureufe réfiftance ; Artaxerxès
qui avoit plus de confiance dans la valeur & la
difeipline des Ç rec s , que dans fes propres fujets,
voulut que leur nombre dominât dans fon armée,
& pour mieux les intéreffer à fa deftinée , il rendit
à leurs villes tous leurs privilèges, & les rétablit
dans leur ancienne indépendance : cette politique
lui concilia tous les coeurs, & lui fournit
-'Hißoire. Tom. I. Deuxième Part.
d’intrépides défenféurs. Vingt mille Grecs, commandés
par Iphicrate, fe réunirent à cent mille
Perfes fous les murs de Ptolémaïs ; cette armée,
capable de tout exécuter, ne fit rien de mémorable
; la méfintelligence des généraux arrêta toutes
les opérations ; Iphicrate fut accufé de corruption,
& il accufa à fon tour d’incapacité Pharnabafe,
général des Perfes ; Artaxerxès épuifa fes tréfors
fans gloire & fans fruit.
Douze ans après cette malheureufe expédition,
la guerre cqptre l’Egypte fe ralluma ; Tachos qui
occupoit alors le trône de Memphis , fe fortifia de
l'alliance des Lacédémoniens, qui lui fournirent
un corps de troupes , commandé par Agéfilas. La
Grèce fut feandalifée de voir un roi de Sparte à
la folde d’un roi barbare ; ce général, âgé de plus
de quatre-vingts ans, fuccomba à la vanité de fe
voir l’arbitre de deux rois puiffans ; mais dès qu’il
parut à la cour de Memphis, il n’effuya que des
dégoûts , & fes confeils dédaignés favorifèrent les
progrès des Perfes, qui pouffoient leurs conquêtes
dans le fein de l’Egypte, en même-temps que Tachos
, contre l’avis d’Agéfilas, faifoit de la Phénicie
le théâtre de la guerre : Artaxerxès ■, accablé dé
chagrins doméftiques, deyenoit chaque jour plus
infenfible à la gloire de fes armés. Ses enfàns
voyant fa fin approcher, fe difputoient fon héritage,
il en avoit cent-quinze de fes concubines, & trois
d’A toffa, fa femme légitime. Il crut pouvoir prévenir
leurs divifions en défignant fon fucceffeur ,
fon choix tomba fur l’aîné, nommé Darius, qui
dès le moment fut couronné de la tiare, & prit le
titre de roi. Ce jeune prince bruloit d’un feu fecret
pour une des concubines de fon père, & fur le refus
qu’il effuya , il conçut l ’horrible projet d’un parricide
: il fut découvert & puni avec les plus
diftingués de la Perfe , qui s’étoient rendus fes
complices. Tant de fang n’étouffa point les haines
& les révoltes ; Ariafpe & Ochus, nés d’un légitime
mariage , avoient une égale ambition de
régner ; Arfane, né d’une concubine, leur parut
un compétiteur dangéreux. Le père avoit pour
lui un amour de préférence, qui étoit juftifié par
fes moeurs & fes talens : Ochus & Ariafpe fe
délivrèrent de ce concurrent par le poifon. Le pere,
juftement, irrité , menaça de punir ce fratricide ;
Ariafpe, pour prévenir fon reffentiment, aima
mieux fe donner la mort que de la recevoir de
la main d’un bourreau, Anaxerxès qui n’avoit plus
que fon unique héritier à punir, ne put furvivre
à la honte de fa famille fouillée de tant d’atrocités.
Il mourut l’an 361 avant Jéfus - Chrift, âgé de
quatre - vingt - quatorze ans, dont il avoit régné
quarante * fix. Ce fut un prince généreux & politique
qui refpeâa les lo ix , la juffi.ee & les dieux
(T-iV.)
Artaxerxès Ochus , ( Hiß. d e Perfe. ) Ce
prince détefté des grands & du peuple, eût trouvé
de- grands obftacles pour arriver au trône, s’il
n’eût caché pendant dix mois la mort d’Artaxerxès
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