
propofer de punir l’aflaffin ; il mourut en 1410 au
milieu de ces horreurs , & du moins il ne vit point
les fureurs & les maflacres des Armagnacs & des
Bourguignons. Ses états feuls avaient été heureux
en France fous le règne de Charles VL
Jean I , fils & fuccefleur de Louis I I , fut fidèle
au parti des Orléanois contrôles Bourguignons ;
il fut fur-tout fidèle à fa patrie contre les Anglois.
Pris â la bataille d’Azincourt, il mourut en 1433
dans les fers â dont il ne tenoit qu’à luidefortir,
s’il eût voulu reconnoître Henri Y I pour roi de
France.
Charles I , fils de Jean, n’avoit que quinze ans
quand il fut privé des leçons de fon père par le
défaflre d’Azincourt : elles lui euflent été néceflaires
dans les temps d’orages & de ténèbres où il
parut ; il fut arrêté par les Bourguignons, lorf-
qu’ils furprirent Paris en 1418 , & il n’obtint la liberté
qu’à condition d’époufer la fille du duc de
Bourgogne Jean.- La mort de ce duc, affafiiné à
Montereau, retarda le mariage. Lorfque le dauphin
eut été proferit par le traité de Troies , tous
les princes du fang, enveloppés dans cette prof-
cription , s’unirent au dauphin. Le duc de Bourbon
fut le principal infiniment du falut de l’état, en
réconciliant Charles V II avec le duc de Bourgogne
Philippe-le-Bon ; mais s’il rendit au roi des fervices .
fignalés, il les lui vendit cher; il fut, avec le fameux
connétable de Richemont,le fléau des favoris;
( Voyei l’article Artus de Bretagne , comte de
Richemont) Ils parurent, fe plaire à fervir le roi
'& à l’infulter, au moins dans la perfonne de fes
miniflres & d e fes courtifans, qu’ils lui donnoient,
qu’ils lui ôtoient à leur gré. Bourbon alla plus loin.
Mécontent d’avoir trop peu de part à l’adminif-
tration , il entra dans la confpiration, connue fous
le nom de la Praguerie, & dans laquelle on fe fer-
voit du nom du dauphin Louis, pour combattre
fon père. Bourbon, preffé par les armes du ro i,
Sollicita fon pardon, & ne l’obtint que par le fa-
•çrifice. de quelques places. Le bâtard de Bourbon ,
fon frère , nommé Alexandre , qui s’étoit fait chef
des grandes compagnies > & avoit exercé beaucoup
de violences à la tête de ces brigands, fut noyé
par ordre du roi. Le duc de Bourbon rentra encore
dans les fa&ions & s’en repentit encore. Le roi le
voyant fournis, reprit pour lui toute fa tendrefle
& ne fe reffouvint plus que de fes fervices; il
les récompenfa, en donnant Jeanne , fa fille , en
mariage au çomte de Clermont, fils du duc de
Bourgogne , qui fe montra digne de cet honneur
par fes exploits contre les Anglois. Son père en
fut témoin & y applaudit. 1,-e duc Charles, I mourut
à Moulins le 4 décembre 1456.
Jean,fon fils, commence à paroître dans l’hiftoire,
dès l’an 1444. Il fuit cette année Charles VII au
liège, de Metz. En 1449 & 1450, d eut une
grande part à la conquête que ce roi . fit de la
Normandie fur les Anglois, & contribua beaucoup,
avec le connétable de Richemont, à la vi&oire
de Formigny ; ce fut même au comte de Clermont
que l’honneur de cette vi&oire fut afluré par la
décifion du confeil de Charles VII. Le titre de connétable
donnoit à Richement le commandement général
des armées ; mais le comte de Clermont avoit un
commandement particulier en Normandie, & une
commiflion exprefle pour faire, dans cette province
, la guerre aux Anglois : c’étoit lui-même qui
avoit appellé à fon fecours le connétable ; il pré-
tendoit en conféquence que le connétable n’étoit
qu’auxiliaire à fon égard, & que c’étoit lui qui étoit le
général. Il étoit gendre du roi, & cette confidéra-
tion put. influer fur le jugement par lequel il fut
décidé que la fpécialité devait Vemporter fur la généralité.
Jean fut proclamé vainqueur , & on l’ap-
pella dès-lors le fléau des Anglois. Il fe glorifioit
d’être le difciple du fameux comte de Dunois
comme fon aieul l’aVoit été de du Guefclin ; il
contribua beaucoup avec Dunois, à la réduction
de la Guyenne en 1451, & dans les années fui-
vantes. En 1455 , il dépouilla le rebelle comte
d’Armagnac de les états, & le força de chercher
un afyle hors de la France. Toujours fidèle fous un
roi jufte & fage, tel que Charles V I I , triais rebelle
à fon tour fous un roi brouillon & defpotique tel
que Louis X I , le duc Jean ( on le nommoit ainfi
depuis la mort de fon père) entra en i4<5‘4, dans
la ligue du bien public.
Il faut avouer, qu’à l’exemple des autres princes
8ç feigneurs ligués, il étoit plutôt entraîné par un
reflentiment perfonnel, que guidé par aucunes vues
de bien public ; Louis XI lui avoit très-injuftement
ôté le gouvernement de Guyenne que Charles VII
lui avoit donné pour prix de fes fervices. C’étoit par
de femblables violences que Louis XI avoit révolté
tous les grands vaffaux de la courone. Le duc de
Bourbon fut celui qu’il accabla le premier ; il le
réduifit à la néçeffité de traiter. La duchefle de
Bourbon fut médiatrice entre fon mari & fon frère r
la trêve fut conclue à Moiffiac; mais la bataille
de Montlhériayant fuivi de près,le duc de Bourbo#
fe repentit d’avoir ligné ce traité. Il reprit les armes,
& furprit Rouen, qu’il remit à Monfieur, dont les
intérêts , ainfi que ceux du -public , fervoient de
prétexte à la ligue. Les traités de Conflans & de
Saint-Maur des FofTés difîipèrent ces troubles, du
moins pour un temps. Louis X I , attentif à divife*
fes ennemis, parvint à détacher le duc de Bourbon
de la ligue ; ce duc réconcilia Louis XI, avec for}
frère, en déterminant Monfieur à fe contenter
pour appanage de la Guyenne , au lieu de la
Champagne & de la Brie.
Le duc de Bourbon, beau-frère à la fois & de
1 Louis XI & de fon rival, Charles-le-Téméraire,
refta fidèlement attaché au premier ; mais lorfqu’a-
1 près la mort du duc de Bourgogne , il vit Louis XI
s’obftiner à opprimer & à dépouiller Marie de
Bourgogne, au lieu de réunir par un mariage avec
le dauphin, les états de cette princeffe à la couronne
, il s’éloigna de ce roi injufte, 8c fe retira
dans
dans le Bourbonnois. La haine, de Louis XI l’y
alla chercher. Doyacy miniftre de fes vengeances,
Doyac-, né' vaflal du duc de Bourbon, s’en rendit
Üaccufateur. Il imputa au duc des aftes de fouve-
raineté, des attentats à i’autorité royale,tout ce
qu’il crut propre à irritèr contre le duc , le jaloux
Louis XI. On décréta les miniflres & les officiers
du duc | &c on crut par - là hü tendre un piège
inévitable.; s’il les avouôit, il feroit enveloppé
dans la condamnation qui feroit prononcée contre
eux; s’il les-défavouoit, ceux-ci n’en feroient que
plus difpofés à le trahir ; ils cédeioient plus volontiers
aux inftances, aux promefles, aux menaces
qu’on employeroit pour les engager1 à dépofer
contre lui. Leduc prit le^parti d’obéir au decret;
sûr de fon innocence, il livra lui-même fes officiers
à la juftice ; ils fe juftifièrent & le juffifièrent fi
pleinement, qu’il fallut les mettre en liberté, en
déclarant l’accufation calomnieufe. Mais Louis X I
fe montra complice du calomniateur, en le Comblant
d’honneurs & de biens ; il voulut que Doyac
préfidât aux grands jours qui furent convoqués à ■
Montferrand, fa patrie. Le peuple indigné de voir
-cet homme obfcur & coupable à la tête d’un
tribunal, compofé de princes du fang & des plus
grands' feigneurs de l’Auvergne, l’infulta publiquement.
Doyac obtint un arrêt de réparation ;
mais au commencement du règne fuivant, il apprit
qu’on n’abufe pas toujours impunément de la faveur.
Les princes, devenus plus puiflans fous un jeune
roi, firent, à léur tour, livrer Doyac à la juftice;
il eut les oreilles coupées*, & fut fuftigé d’abord
à Paris, & enfuite à Montferrand, au feimde cette
même patrie, où il avoit-pris plaifir à paroître
dans un éclat fi difproportionné à fa naiflance.
Quolqù’aux termes de la loi. de Charles V , ou
plutôt félon l’interprétation qu’on donnoit à cette
lo i, Charles VH !, étant dans fa quatorzième année,
fût réputé majeur, on fe difputoit, finon la régence
, du moins 1’adminiftration du royaume. Le
due de Bourbon la réclamoît, parce que tout le
monde croyoit avoir droit d’y afpirer ; au lieu
de la régence qui fembloit ne pouvoir appartenir
qu’à une reine-mère, quand il y en avoit, ou
qu’au premier prince du fang, le duc dq Bourbon
obtint l’épée dç connétable, qui avoit toujours été
l’objet de fon ambition. Dans les divifions qui
éclatèrent entre la dame de Beaujeu , Anne de
France & le duc d’Orléans, le due de Bourbon
embraflà d’abord la eaufe du duc d’Orléans, qui
étoit celle de tous les princes du fang ; mais il fit
bientôt fa paix. La goutte , dont il reflentoit depuis
quelque temps de fréquentes 8ç violentes atteintes,
le réduifoit à l’inaâion. Il motirut le premier avril
Ï488, âgé d’environ foixante-deux ans, fans pof-
têrité légitime.
Sa fucceffion pafloit naturellement au cardinal
de Bourbon, Tablé de fes frères, & , après lui, au
firp. de Beaujeu, mari de la célèbre Madame.
Hifloire. Tom. I. Deuxième Part, •
Madame s’empara de la fucceffion entière. Le car“"
dinal tranfigea, & mourut fix mois après.
Pierre I I , duc de Bourbon, connu auparavant
fous le nom de fire de Beaujeu, lui fuccéda. Son
hifloire n’eft que celle de la duchefle de Bourbon,
daine de Beaujeu, fa femme, & fa vie fert feulement
d’époque aux évènemens du règne de
Charles V I I I , & d’une partie de celui de Louis XII.
Moins impérieux, moins violent, plus pacifique,
plus conciliant que la 'duchefle, on croit qu’avec
moins de déférence pour elle & plus d’autorité, il
eût prévenu les guerres civiles qui enfanglantèrent
les commencemens du règne de Charles V III ; il
eut l’honneur de s’oppofer à l’expédition ruineufe
de Naples ; il fut furnommé prince de la paix & de*
la concorde , titre dont ce fiècle belliqueux ne
connoifloit pas tout le prix. Pierre II mourut en
im- . HR
En lui finit la branche aînée de la maifbn de
Bôurbons qui avoit fubfifté avec un éclat toujours
croiflant , pendant plus de deux fiècles. Charles I
fon père, fans compter cinq filles légitimes, trois
fils bâtards & trois filles naturelles, avoit eu fix
fils légitimes , & en avoit laifle cinq ; cette nom-
breufe poftérité étoit déjà moiflorinée.
Suzanne, fille de Pierre I I , & d’Anne de France
( Madame ) , époufa Charles de Bourbon-Montpenfler,
qui fut ce célèbre connétable de Bourbon, fi utile
6c fi fatal à François I. La branche de Montpenfièr
defeendoit de Jean I quatrième duc de Bourbon 8c
le cinquième des princes de cette maifon, à compter
de Robert de Clermont, fils de faint Louis. La
troifième fils de Jean I , nommé Louis de Bourbon,
fut la tige de la jnaifon de Monfpeijfier. I f eut
pour fils , Gilbert de Bourbon, comte de Mont-
penfier, mort à Pouzzols en 1496, dans le cours
des guerres de Naplçs ; celui-ci fut père du côn-?
nétable & de plufieurs autres princes. Le çonhé-?
table avoit eu pn frère aîné, pommé Louis, qui,
étant allé prier fur la tombe dé fon père à Pouzzols,
avoit été tellement faifi de douleur & de regret:
au foüvenir des maux que ion père avoit foufferts
dans cette contrée, qu’il en mourut, à dix-huit
ans, 8c convainquit de faux, dit M^eray , cette
croyance , que l’amour ne remonte point, Çharfes ,
devenu l’aîné de fa branche & l’héritier de la branche
aînée, recueillit toute ç'ettç riche fucceffion, foit de,
fon chef, foit du chef de fa femme. La paflîon
qu'il eu? le malheur d’infpirer à la duchefle d’An-
goulême, mère de François I ; la perfécution qu’elle
lui fit éprouver pour fe venger de fes mépris ; la
défe&ion du connétable ; la bataille de Pavie & la
captivité, de François I , monumens de la vengeance
de ce même connétable.; la fierté fauvage
& guerrière de ce prince,, que François I & toute
fa cour appelloient le prince mal• endurant, & qui
fe montra tel à leur égard ; fa mort violente à
l’aflaüt de Rome , le procès fait en France à fa,
mémoire, fa réhabilitation ordonnée par le traité,
de Çambray, enfin toute l’hiftpire de ce gra*4
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