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un herbage,qui en Eté en engraifferoitcinquante,
parce, qu’ils n’y trouvent que peu d’herbe & de
la vieille herbe, qui fuffit pour les entretenir,
mais qui n’eft pas propre à engraiffer, comme
celle du Printems.
Les boeufs d’Hiver font vendus gras dans le
courant du mois de Juin. Ils font vendus beaucoup
plus cher que dans le refte de l’année,
parce que le Limoufin & les autres Provinces,
qui engraiffent de pouture, 8c qui ont fourni
Paris depuis Noël', n’en ont plus alors.
Indépendamment, des boeufs Normands, qu’on
met dans les herbages avant l’hiver, on achète
encore dans cette Province de petits boeufs &
des vaches au Printems & en Eté pour les en-* ]
graiffer uniquement à l’herbe. Les vaches font
mifes dans des herbages féparés de ceux, des
boeufs, toujours avec un taureau , tant pour
les défendre des loups, que pour couvrir celles
qui deviendroient en chaleur ; car on remarque
que les vaches n engraiffent que quand
elles font pleines. Ces petits boeufs & ces vaches
engraiffés dans ces deux faifons, fe vendent
depuis le mois d’Août jufqu’en Novembre ;
leur nombre efî affez considérable , pour faire
diminuer alors le prix des gros boeufs, amenés
aux herbages de Normandie de diverfes
Provinces.. On croit avoir obfervé que les petits
boeufs. & les petites vaches ne s’engraiffent
pas auffi bien dans les bons fonds, & que les
gros boeufs s’engraifferoient mal dans les herbages
médiocres. Il faut à ceux-ci de l ’herbe
très-fubftancielle, qui ne convient pas à ceux-là.
Selon les cantons & les fonds , l’herbe de
Mai ou celle de Septembre eft la meilleure.
L ’expreffion du pays eft d’appeller forte l’herbe
la plus nourriffante; on préfère les herbages,
qui donnent le plus de bonne herbe en M a i,
parce que les boeufs, dont l’engrais finit après
çe mois, ont plus de valeur.
Les herbages fe louent depuis vingt livresjuf-
qu à zoo livres l’acre de ié o perches de vingt-
deux pieds -, d’après cette différence de prix ,
on conçoit qu’il y en a une bien grande dans
celle des fonds, On proportionne le nombre
des boeufs à l’étendue & à la qualité de l’herbage
; comme cette qualité varie félon les fonds,
les années, .& la faifon , il eft impoflible de
déterminer ce qu’on met de boeufs par acre
dans un herbage.
Les herbagers défirent avoir des herbages de
diverfe-qualité. A l’arrivée des boeufs maigres,
qu’ils tirent des autres Provinces, ils les mettent
dans les herbages les moins gras d’abord ,
ou dansies parties les moins graffes d’un herbage
, afin que par degrés ces animaux s’accoutument
à une nourriture au-deffus de celle
quils avoient dans leurs pays -, ils en arrivent
-fatigués ; les premiers jours y.ik reftent pref-
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que continuellement couchés ; ils ne fe reli,
vent que pour aller chercher leur ftriél nécef,
faire -, bronter & boire. Lorfqu’ils font délaffés
ils errent dans l’herbage à leur gré. Quelque!
herbagers font tirer un peu de fang à ces animaux
, afin de les rafraîchir 8c de les mieux
difpofer à prendre l’herbe 8c à s’engraiffer. Au
bout de quelque teins, on les fait paffer dans un
fécond herbage qui eft meilleur, 8c quelquefois auffi
dans un troifième, dont l’herbe eft exquife
lorfqu’on veut les faire tourner promptement J
la graiffe , füivant le langage du pays. I l y a
des herbages qui ont cette propriété à un dé-
gré éminenf, ceux qu’on loue jufqu’à deux
cens livres l’acre , font de cette claffe. Plus des
trois quarts des boeufs, que la NormandieenJ
graiffe, font étrangers à cette Province ; on va
les chercher en Mars, en Avril 8c en Mai, danj
le Maine , l’A njou, le Poitou, la Saintonge,la
Bretagne, la Marche, le B erry, le LimoulinJ
On les trouve à des foires, qu’on peut regarder
comme les échelles du commerce desbeftiaui,
Ils font plus grands que ceux qui font nés en
Normandie, 8c reviennent à meilleur marché
aux herbagers : ils ne font nourris pendam
qu’ils font dans les herbages, que de l’herbe,
qu’ils y paiffent. On les envoie à Poiffy après
la vente des boeufs d’hiver.
Lorfqu’il n’y a ni fontaine, ni ruiffeau dans
un herbage , on y pratique des marres danj
les endroits où il eff facile d’y ramaffer & d’y
retenir les eaux des pluies-, fi ces marres font
taries , on mène les boeufs trois fois par jour
boire où il a de l’eau le plus près.
A mefure que les boeufs engraiffent, ils di
viennent plus friands ; ils n’aiment point l’herbe
ombragée par les arbres, ni celle qui vienl
dans remplacement où ils ont nouvellement
fienté. On fauche ces herbes .dans l’Eté pour faire
du foin, qu’on appelle pour cette raifon rem
dans quelques pays 8c refus dans d’autres ; c’ejl
ce fo in , qu’on fait manger aux boeufs d’engraii
d’hiver, quand le tems eft mauvais 8c la terre
couverte de neige. L ’herbe qui revient dans
remplacement où les boeufs ont fienté lew
plaît -, ils la mangent volontiers.
On ne met de fumier dans les herbages, <n
celui -qu’on tranfporte au Printems dans 1«
emplacemens les plus maigres ; il eft produit par
le féjour des boeufs 8c des moutons à l’érable
en Hiver. Un herbage marécageux ne vaudroit
rien , parce qu’il produirait des plantes groH
fières ; mais il peut être aquatique fans être ma-J
récageux ; il fuffit qu’il y ait beaucoup de four*
ces ; alors il donne une grande quantité d’herw
ordinairement bonne ; cette herbe a moins
fubftance , fi l’été eft pluvieux-, parce quelle
trop abreuvée d’eau ; les boeufs s’y engraine^
moins bien ; dans ce cas celle des
moins frais..a la préférence. Dans les années b"
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ciides, les herbages à fources reprennent l'avantage
fur les autres 8c font plus favorables à
l’engrais. La plupart des propriétaires d’herbages
n’aiment pas que leurs fermiers élèvent
'des poulains ; on fpécifiç , dans les baux, le
nombre de chevaux qu’un fermier pourra
mettre dans un herbage. La fiente du cheval
« f a i t dit-on, pouffer de maavaifes herbes, tan-
R d is que celle du boeuf n’en fait pouffer que de
I bonnes; les chevaux fouvent courent les boeufs
» .& le$ inquiètent; ils font friands delà meilleure
1 berbe.Ces deux dernièresraifons font les meilleures.
‘ Les boeufs de la province de Normandie
I ffont plus corfés 8& plus en chair , quand
I l'on les met dans les herbages. Ceux qui vicn-
I Suent des autres provinces étant dans un état
I [de maigreur, ont. befoin d’abord de prendre
I Ichair ; ils prennent enfuite de la graiffe. Les
I Ipremier«, qui font les hoeufs d’h iv e r , font gras.
I *au mois de Juin ; on les vend depuis le com-
I 'mencement de Juin jufqu’à la fin d’A o û t; les
1 ? autres s’engraiffent fucceffiyement 8c s’envoient
j aux marchés de P oiffy, depuis le commencement
1 [ de Septembre jufqu’à Noël, en forte que laNor-
1 i mandie fournit Paris pendant fix à fept mois,
i, Le tems de l’engrais des boeufs eft plus
| i long, quand on les met dans l’herbage au mois
1 [.de Novembre , que quand on les y met en
■ [ Mai ; ceux qu’on y met en Mai quatre mois feu—
1 ; lement à s’engraiffer, parce qu’ils ont prefque tou*
i [jours beaucoup de bonne herbe ; les autres pendant
1 [l’hiver n’acquèrent, pour ainfi dire , que de la
;j difpofition à engraiffer ; ils n’engraifiènt réelle- 1 - ment qu’én Avril & M a i, où ils ont l’herbe
a pduvelle,
\ On ne donne prefque aucun foin aux boeufs,
1 qtfon engraiffe dans les herbages ; ils font en-
9 [fermés dans des enclos formés de baies 8c de
1 jfoffés. Un gardien, dont l’habitation eft ordinai-
I Femen^ dans l’herbage même, les compta tous
* 3es matins, examine s’il y en a de malades, pour
.^ re raPPort au maître , rabat les tau-
•ajpinières , retourne les fourmillières, afin de les
.^détruire 8c pour que la totalité de l’herbage fe
■ ‘couvre d’herbe. Le loyer de l’habitation , 8c la
«liberté d’avoir toujours une vache dans l’her-
■ f a§e » f°nt le falaire de ce gardien. Si l’her-
eft fans eau, on mène les boeufs boire où
■ J J en. a ‘, comme je l’ai dit. Lorfque la gelée
À J f herbe, on les empêche de la brouter,
1 , P/S cas on leur jete du foin*ou on les rentre
a f r tv fur-tout fi la terre eft couverte de neige.
I Ua Normandie eft fans doute la province qui I :^n^ aino le plus de boeufs à l’herbe feulement ;
,ja b on verra plus loin que d’autres provinces
m ; engraiffent auffi de cette manière.
Engrais au pâturage & à t étable.
< *^e -PlT/s donner à mes Lecteurs un détail
dgnculÿire,, Tomt IL
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plus exaél, mieux- fait 8c mieux préfenté, de
la manière d’engraiffer les boeufs partie au pâturage
8c partie à l’étable, qu’en copiant un mémoire
de M. Defmareft , de l’Académie des.
Sciences 8c de la Société d’Agriculturc de Paris,
fur le régime auquel on fou met le£ boeufs,
qu’on engraiffe en Limoufin ; ce mémoire eft
imprimé dans le trimeftre cl’Eté des Mémoires de
la Société d’Agriculture, année 1787. M. Defmareft
n’avoit pas befoin qu’on vérifiât ce.
qu il attefte ; mais des circcnftances m’ayant
mis à portée de m’inftruire de la manière d’en-
graiffer clans le Limoufin 8c dans les Provinces
voifines, j’ai reconnu que l ’on pouvoir compter
fur ce que conrenoit cet excellent mémoire ;
au lieu d’un témoignage, les Lecteurs en auront
deux.
« Il y a des marques extérieures auxquelles les
marchands de boeufs de réforme 8t les propriétaires
des métairies s’attachent enLimoufin*, pour
diftinguer un boeuf propre à être engraiffé ;_ 8c '
ces marques réunies autant qu’il eft pofiible , les-
trompent rarement. Ils veulent, par exemple,
qu’un boeuf ait la tête groflè , le mufle court 8c
arrondi, la poitrine large , les jambes 8c les pieds
gros, le ventre rond, large 8c abattu en-defîous,
c’eft ce qu’ils appellent un bon dejfous. On juge-
par-là qu’il eft grand mangeur ou que la nourriture
lui profite bien. Ils obfervcnt auffi qu’il
ait la côte large 8c élevée en arc ; les bancbçs
non-pointues, de grades feffes, l’échine large
8c unie jufqu’aux épaules, la veine qui eft entre
l’épaule 8c les côtes, qu’on nomme vulgairement
la main y ferme 8c d’un gros calibre. C eft une
mauvaife marque lorfqu’elle eft roulante &.quelle
cède fous les doigts. »
ci On les acheté dans les foires de Février , de
Mars, d’Avril, de Mai 8c de Juin, fur-tout iorfo
qu’on a intention de les faire travailler à la culture
pendant quelques mois , afin de les accou-
mer mfenfiblement à une forte nourriture| on
a foin pour lors de les ménager pour le travail,
afin qu’ils fe tiennent frais 8c bien en chair. On
les nourrit au foin fec , jufqu’à ce que l’herbe
foit affez avancée dans les pacages peur qu’ils y
puiffent trouver une nourriture abondante. On
obferve de ne mettre les boeufs dans les pacages,
qu après le tems où la rofée eft difiipée: mais le
mois de Mai paffé, onjes laiffe nuit 8c jour dans
les pâturages fermés de haies, 8c dès-lors ces boeufs
ne font plus occupés aux travaux de la culture.
Ils mangent alternativement, 8c fe couchent pour
ruminer ou fe repofer. Certains boeufs avancent
beaucoup leur graiffe dans ces herbages , au point
qu’au fortir de ces herbages, on les expédie pour
Paris. Les environs de Saint-Léonard 8c de Sain t-
Junien , fourniffent, dans les mois dé Juin 8c ds
Juillet une affez grande quantité de ces boeufs
çngaiffés ainfi à l’herbe. Voilà le premier & le