
On appelle Fruitiers en Suiffe les hommes qui
-veillent fur les vaches, & qui s’occupent à les
traire & à fabriquer Us fromages. Ce mot répond
* Çelui de Buronitf en Auvergne, comme le
mot Fruiterie répond à celui de Buron qui eft
le lieu où fe font les fromages. ,
Un des grands foins des fruitiers, c ell de sap-
provifionner du bois nécefiaire pour faire les
fromages. Il y a des Alpes, qui en font totalement
dépourvues-,d’autres, o q l’on n’en a qu avec
tien de la peine-, il faut l’aller chercher jufqua
deux lieues, par des chemins très-difficiles -, d’autres,
où il eft facile de s’en procurer. C’eft pour cela
qu’on a diffingué les alpes en alpes à vaches,
alpes à engrais, alpes à taureaux, & alpes a
brebis : les vaches à lait font conduites dans les
premières, les boeufs ou les vaches qu’on engraifle
dans les fécondés, les élèves de lu n & de 1 autre
le x e , & les chevaux même, dans les troifièmes,
.enfin les bêtes à laine & les chèvres dans les quatrièmes.
Quelquefois toutes ces efpèces de bétail
paiffent dans les mêmes alpes, mais dans des enclos
différens. Des alpes à vaches peuvent le
changer en alpes à engrais, ou en alpes à taureaux,
& vice versâ, folon quelles le dépouillent
pu qu’elles fe repeuplent de bois. . ..
La garde des beftiaux eft prefque mutile,
quand la montagne a des barrières naturelles,
formées par des rocs efearpés, des torrens profonds,
ou des haies. Elle n’eft pas plus néceffaire,
fi on a pu partager la montagne en enclos artificiels,
comme dans l’Emmenthal & l’Oberland.
Mais lorfque lesalpes font trop étendues & pleines
de rochers & de hauteurs efearpées, entre lefquels
fe trouve de bonnes places, on doit avoir^con-
tinuellement l’oeil fur les animaux, afin qu’ils ne
xombent pas dans des précipices, ce qui arrive
quelquefois, malgré les attentions des vachers.
Les places les plus dangereufes font réfervées aux
jeunes bêtes, moins pefantes & moins précieufcs
que les vaches à lait. Les plus difficiles a grimper
& les plus efearpées fout la pâture du menu
bétail. Les vachers redoutent beaucoup les mo-
mens, où il tombe de la grêle, ftarce qu alors
les bêtes effarouchées, courent çà & là pour
chercher un arbri, & peuvent fe précipiter dans
Leur courfe incertaine.,
Les meilleurs endroits des montagnes font ceux,
qu’on appelle parcs: c’eft-là où èlt placé le chale
t; c’eft-là d’où l’on emmène les vaches dans
les places, qu’on appelle journées , 8t qu’on fait
brouter tour—à-tour ; c’eft-là où elles reviennent
pour fe faire traire & pour pafler les nuits. Ces
endroits font les mieux fumés & produifent le
plus d’herbe. On en ménage la pâture pour les
mauvais tems: on a foin de pratiquer de petits
fonciers, qui conduifent les animaux du parc, ou
de l’étable aux pâturages. . •
On trait les vaches une fois le matin & une
-fois le foir, à des heures lues. La plupart viennent
d’elles-mêmes & avertiflent les fruitiers p ,l
leurs mugiflemens. Dans quelques montagnes on I
aconftruxt des vacheries capables de contenir oit I
toutes-les vaches, ou une partie du troupeau; I
on les y attache pour les traire : ^quand i l
vacherie eft grande, elles peuvent s’y retirer
dans le mauvais tems. Leurs excrémens. font
ramaffés foigneufement, & répandus en Automne
fur les endroits, qu’on defire le plus fertilifer.
Si la vacherie eft petite, on fait entrer, par imt
porte, un certain nombre de vaches, pour le!
traire, & on les fait paifer par une autre porte,
■ pour les remplacer par de nouvelles jufqu'à ce que
toutes foient traites.
Les fruitiers laborieux & prévoyans, recueil,
lent fur les meilleures places un peu de foin,
qui leur fert, s’il furvient de la neige penda»
l’Eté; ce qui n’eft pas rare. On n’a pas ces rei-
feurces dans l’Oberland, où les vaches viennent
fe faire traire au parc & non dans les étables,
& où par conféquent on ne ramaffe pas d’engrtii
pour fertilifer des places propres à donner dit
foin. On a vu , au mois d Août 17-4, dans h
Lauvine, tomber de la neige pendant trois jouis
confécutifs. On fut obligé de ramener lesbefhaut
aux logis d’Hiver. Ordinairement fi la neige ni
pas d’épaiffeur, on fe contente de ne pas mena
le bétail dans les parties hautes, jufqu’à ce qu’élit
foit fondue , & on le fait defeendre ces jours-là.
Dans quelques alpes, il y a.des endroits biet
expofés au Soleil, qu’on appelle pâturages k
neige, où elle difparoit aux premiers rayons è
cet aftre ; on les conferve pour les cas de néceflitè
On a même dans quelques circonftances, pouf!
l’induftrie, jufqu’à rouler de greffes boules *
neige pour découvrir l’herbe.
Dans les alpes baffes, les troupeaux reftenl
depuis lé milieu de Mai, jufqu’à la Saint-Michel
& quelquefois plus long-tems encore.
Dans les hautes montagnes le féjour eft de 11
femaîhes, ou de quatorze au plus. Communément
les vaches y montent à la Saint - J e a n & el
defeendent vers le 21 Sepembre. : j
En Ruffie, fuivant M.Macquarre, on contta
les vaches au mois de Mai, jufqu au mois d’Oj
tobre, dans les. prairies où elles relient jour«
nuit. On y les fait parquer dans des endroits dit-
férens. Les propriétaires les vont traire au mite
des champs. On les ramène à la maifon, qm»
elles font prêtes à vêler, afin de les veiller. !
midi, on les mène boire à la rivière, ou au m
feau le plus près ; quand le tems eft très-mauvais,
on leur fait paffer la nuit fous des MJ-
gards conftraits dans la campagne. A l’arrivée »
neiges, ces .animaux rentrent dans leurs éta«
mal clofes & mal défendues des intemp®"
de l’air, pour n’en fortir qu’au mois de Wk
En général on les nourrit à l'étable de pam 1
d’avoine têt de foin. Cette dernière nournl^
fi E T
I à diferétion. Les payfanj ne foignent pas bien
" leurs vaches; les gens riches ydonnent plus d’attention
ils ont des érables bien conftruites, fuf-
Sfamment élevées, ayant des-fenêtres & des ven-
| roules, pour former des courans d’air : on fait
aux animaux de la litière avec de la paille de
feigle, qu’on renouvelle tous les deux ou trois
B E T m
jours ; on cure les vacheries auffi tous tes deux
ou trois jours.
L’efpèce de vaches Rufles plus petite que la
nôtre eft plus vigoureufe & plus.forte, ce qui
eft dû au froid exceffif quelles éprouvent.
Les vaches Rufles ne lont pas les feules, qui
paflent plufieurs mois dans les prairies fans rentrer
à l'étable -, en France, il y a des pays où cet
ufage a lieu , particulièrement dans une partie
du Hainault. EIIçê refteht au pâturage depuis
le mois de Mai, jufqu’ à la Saint-Martin & au-
delà, quand la faifon le permet.
H es, qui font prefque toute tannée a la pâture,
mais couchent toutes les nuits dans les étables.
Dans les pays de forêt ou de communes, les
vaches couchent toutes les nuits dans leurs éta-
! blés. Elles vont de jour paître dans les commua
■ nés plus ou moins long-tems dans l’année, félon
que les communes font plus ou moins libres. Car
il y en a qui font interdites au mois de Mars,
afin que l’herbe s’y élève. On la- fauche au mois
de Juin. Les vaches alors s’y rendent tous lés
matins, y paflent la journée & en reviennent le
foir, depuis la fàuchaifon jufqu’au mois de Mars.
Elles font aux champs huit mois de tannée. La
neige feule &les grandes gêlées les empêchent de
fortir. D’autres communes ne fe fauchent jamais.
Les pâtis des bois font auffi acceffibles prefque
toute l’année. Il y a peu de jours où les vaches
ne s’y rendent. Des gardiens les y conduifent &
les lurveillent. On attache des fonnettes à chaque
bête., fur-tout quand on les mène paître
dans les bois, “afin d'éviter qu’il ne s’en égare.
Elles boi vent aux étangs ou aux ruiffeaux, qu’elles
I rencontrent. Les propriétaires d’un certain nom-
1 brede vaches, lorfqu’ils ont des pâturages parti-
! ailiers , les v font garder par des ferviteurs, ou
des fervantes, à leurs gages. Les vaches des pau-
« yres gens fe réunifient en un troupeau commun.
Chacun contribue aux frais du gardien, qui le
matin annonce fon départ par le fon d’une corne &
qui le foir ramène au village tout le bétail. On
•trait les vaches le matin avant leur départ & le
loir après leur retour.
Dans ces polirions, les vaches coûtent peu à
1 .nourrir. On leur met le foir quelques alimens dans
■ les auges, tantôt de la paille de froment, ou de fei-
H ^ e | J?u d’avoine -, tantôt des herbes, qu’on a
H î ama"~ en Eté & qu’on a fait faner, tantôt des
■ nranehages | ou feuilles d’arbres ou de vigne, &c.
* * on les reffoureçs du pays. Quand elles fonj
prêtes à vêler ou peu de tems après, on leiff
donne du fon ou un peu de grain. En général »
ces vaches font mal foignées & l’on compte trop,
fur la pâture des champs.
Vaches qui font toujours à V étable, exceptés quel-*
ques mois de Vannée , pendant lefquels elUt
font à la pâture, le jour feulement.
M.me Crétté de Palluel, Fermière, déjà citée,
dont la ferme eft dans les cnvirôns de Paris., pour
donner du vert à fes vaches, commence ’ cfe le
premier A vril, fuivant fon Mémoire imprimé,
par les feuilles de gros navets, femés dans l’Automne
précédent & qui montent à cette époque.
Elles ont enfuite le feourgeon ou orge d’Hiver,
la chicorée fauvage, dont la culture comme four-
rage, a été introduite par M. Cretté de Palluel,
Voye\ Chicorée sauvage , la dragée , le trèfle,
la vefee & autres plantes, qu’elle fait couper
& porter dans les râteliers. On leur en donne deux
fois par jour & deux fois de la paille. Elles arrivent
ainfi jufqu’à lafauchaifon des prés ; on leur
en abandonne quelques-uns après la première
herbe. Aux approches de l’Hiver, elles mangent,
indépendamment de la paillé , de gros navets jusqu’aux
fortes .gêlées. On réferve pour la faifon
la plus. rigoureufe, les pommes de terre-& les
betteraves. Voye[ Pomme de terre & Betterave.
On coupe ces. racines par tranches. Lorsqu’elles
font épuiSées, on a recours aux regains
des prés & des luzernes & au trèfle qu’on a fane
en le mêlant fur le terrain, qui l’a produit avec
de la paille d’orge ,ou d’avoine. Vcye\ Trefle^
M.me Cretté de Palluel, auffi près de la Capitale
, où .les veaux, le lait, & le fromage font
toujours de débit & ont beaucoup de valeur , St
d’où l’on rire abondamment-des engrais pour faire
rapporter aux terres toutes fortes de denrées,
utiles à l’amélioration du bétail, offre ici un
exemple , que fans doute , on n’imitera pas
entièrement par-tout • mais- qui peut indiquer
des efpèces de plantes , qu’on n’auroit pas ima-,
giné de cultiver en 'grand poitr cet objet. Cette
Dame recommande avec railon beaucoup de propreté
dans les vacheries, de renouveller fouvent
la litière, de donner de l’air, de faire boire de
l’eau pure aux animaux, pourvu quelle ne foit
pas fraîchement tirée.
Je^ connois des polirions moins heureufes, où
avec peu de reffource , les vaches font bien foi-,
gnées, non pas généralement, mais par des cu ltivateurs
intelligens. Je les fuppofe rentrées dans
leurs étables ;, .où elles reftent ordinairement depuis
la Touffaints jufqu’à la Saint-Jean, ne formant
que pour aller boire une ou deux fois le
jour. Ces animaux ont à-peu-près trois pieds dix
pouces de hauteur, lix pieds de longueur & cinq
pieds de groffeur. On leur donne pendant tout
J’Hivçr trois fois par jour des .bâks . dç fr-omcaj