
àlkali fixe de tartre expofé la nuit à l’air libre,
au milieu des plaines de ces quartiers, n’y tombe
pas en déliquefcence. Il tombe fous le fens que
î'établiflement de l’éducation de la ..cochenille filveftre
, & de la culture des Caéliers, qui y font
propres, fuffira feul pour enrichir, en peu de
temps une foule d’habitans de ces quartiers, maintenant
fi miférables; puifque ces Cadtiers prof-
pèrent dans les terres les plus maigres & les plus
arides, & fupportent très-bien cette fécherefle
extrême - puilque cette même fécherefle extrême
efi aufli favorable à l’éducation de la cochenille
qu’elle efi contraire aux autres cultures ; puifo
que Ceux de ces quartiers qui font maintenant
les plus à plaindre , à caufe d’une fécherefle non-
interrompue de neuf mois confécutifs, font ceux
qui, par cette même caufe deviendront les plus
floriflants, quand les colons voudront y éduquer
de la cochenille filveftre ; cette caufe rendant ces
quartiers plus favorables à l’éducation de la cochenille
que la province de Guaxaca même. Cette
Colonie le peuple de plus en plus d’habitans,
fans reflources que l’indigence y amène de France
dans i’efpoir de s’y enrichir. Les autres grandes
cultures ont envahi toutes les meilleures terres,
c’eft-à-dire, celles qui font arrofées,& arrofables.'
L e nombre des terres, mêmes médiocres , fuf-
ceptibles de ces autres cultures diminue tous les
jours, tandis que le nombre des cultivateurs augmenté
inceflamment. Une foule de ces nouveaux
colons & des anciens mènent une vie languiflante
& pauvre, parce qu’ils ne-font pas en état d’établir
des fucreries, dès cacaoteries, des indigo-
teries, des caffeteries,, &c;, Faute des capitaux
éhormes dont Ces cultures exigent les avances,
faute de nègres en nombre fufftfant, faute de
terreins-_ convenables , & c ., ces colons, feront
bientôt à leur aife en élevant de la cochenille
filveftre. Qui pourra les empêcher de s’emparer
deVette riche reflource, dont il efi fi facile de
profiter ? Il ne faut pour établir cette éducation
& la culture des Cacliers qui y conviennent , ni
hiife dehors onéreufe , ni grandes habitations,
ni bons terreins, ni terreins arrofés ou arrofa-
bles-, ni des foules de nègres, ni des quantités
d’uftenfiles, de machines, de conflruélrons dif-
pendicufes, ni des travaux lourds, ni des opérations
difficiles & délicates qui demandent des
hommes habiles' & exercés depuis long-temps,
&C. ; il faut tout cela pour les autres cultures'
de la Colonie. L ’indien, cultivateur du Mexique
fioriflant par l’éducation de la cochenille , n’a
befoin de rien de tout cela ; la terre la plus aride
ofi pour lui une terre de profpérité; une. bêche
Qu une houe pour labourer fa Nopalerie, un
couteau pour farciér & pour récolter , quelques
vafes grofiiers, ou de terre, ou de fruits de cale-
baflier, ^quelques ferpillières, un baeçuet, un
chauderon, pour recueillir fa récolte & la rendre
nwrchaHde ; voilà tout l’attirail qui lui efi néceflaire.
Le plus lourd des travaux qu’il ait • ,
faire efi la plantation de fa Nopalerie ; & J
travail n’efi pas plus onéreux que la lîmple plan-]
tation d’un jardin potager : tout le refte fe réduit
pendant des années, à des farclages , à des pr&l
menades ,.à des ouvrages en un mot auxquels uni
enfant de dix ans peut fuffire. Le plus grand ou-
vrage, après la plantation, c’efi la récolte & jv
a vu que ce n’eft autre chofe , pour ainfi dire 1
que ramaffer de l’or en fe jouant. La récolte ç’
pour lui le terme de fes travaux ; c’eft au com
traire pour le fucrier, &c., le commencement
des travaux les plus grands. Le cultivateur dej
cochenille n’a que faire de yaftes & nombreux!
magafins pour ferrer fa récolte -, la moindre café
y fuffit. Il ne lui faut pas de nombreux équipages
pour la tranfporter-, un cultivatur du Mexique
arrive de cinquante lieues dans les terres
portant au marché de Guaxaca pour trois centslouii|
d’or de Cochenille fur un feu 1 mulet. Il ne craint pas J
que fa récolte fe corrompe ou périfle de cent ma-j
nières, dans fes magafins avant qu’il puifle Jfi
vendre ; il en trouve ledébit le jour même qu’ilj
l’a recueillie, s’il le defirè. 11 n’a pas befoin de
répéter nombre de fois des manipulations oné-J
reqfes, pour préferver fa récolte de la corruption
, ni de craindre qu’elle perde fa valeur pari
un laps de tems * fitôt quelle efi fèche il peutl
la lainer des fiècles fans y toucher, & être fûy
qu’elle ne s’altérera en aucune manière. L’envie,
ennemie de tout bien , a objeélé à Thiéry que les
vivres étoient moins chers à Guaxaca qu’au
Port-au-Prince, & que, par conféquent, la culture
de la cochenille feroit moins lucrative au
Port-au-Prince , qui ne pourroit donc foutenirl
la concurrence avec Guaxaca ? Thiéry répond
péremptoirement, en expofant des faits contraires
& certains, que voici : il s’eft alluré que If
journée de corvée fe paye à Guaxaca à raifonl
de vingt fix fous tournois ; la paye de la corvée!
efi enjout pays la plus baffe. Un nègre de ferme
fe loue .à Saint-Dominguè pour trois cents livres,
monnoie de la Colonie, c’eft-à-dire , pourcent!
foixan té douze livres dix fous tournois, par année
, outre fa nourriture, qui ne coûte pas plus!
de cinq fous par jou r , même dans les villes. HJ
ne coûte donc pas plus de • quatorze fous fixj
den. tournais par jour. Le prix de la main-d’oeuvre!
efi donc beaucoup plus bas à Saint-Domingue qui
Guaxaca. D’ailleurs on a vu plus haut qùun
arpent & demi 'de terres arides rapporte plus,"el
feize cents livres tournois par an en cocheniliei
filveftre. Une pareille étendue des meilleures ter-
res en Cultures les plus: lourdes & les plus *u'l
cratives, en fucrerie , par exemple, ne raPEor J
pas davantage. On a encore objeélé qu’il y
onéreux d’attendre pendant vingt mois depuis j
moment de la plantation de; Caétiers jufquH
moment de la première récolte de cochon» ■!
Mais d’abord on peut attendre facilement qW
jcJ avances font aufli peu confidérables ; enfuite
b attend encore plus long-tems le moment de
ja première récolte de café, & cela n’empêche
bas d’en entreprendre la culture. On a encore
bbjeélé les pertes que l’on éprouve quelquefois
L Mexique de la part des pluies. Mais, i .* ces
Certes font prefques nullès à l’égard de la coche-
Ejlle filveftre, & dans l’évaluation faite plus haut
| i rapport d’une Nopalerie d’un arpent & demi
ifemée en cochenille filveftre, on a mis ces pertes
feu ligne de compte. 2.° Ces pertes même à l’é -
\ard de la cochenille fine , ne font évidemment
fien en comparaifon des pertes énormes qu’éproulent
trop fouvent ceux qui s’adonnent à toute attire
culture. Dans le cas où une récolte d’un argent
de cochenilles fine efi détruite par la pluie,
a perte du cultivateur fe réduit au tiers de fa
lécolte annuelle -, à la valeur dè trente livres
tournois pour la cochenille qu’il a femée , & à
Quelques journées de négrillons employés à cette
Temaille. ' On ne fait que trop que les pertes
Véprouyent fouvent les planteurs d’indigo, de
■ pton, de cannes à fucre , & c ., font incom-
•arablemént plus défaftreufes. Le cultivateur de
«ochenilles efi très-éloigné d’éprouver jamais de
«rtes qui puiffent le ruiner ; il n’en efi pas de
ême, àbeaücoup prés, des autres planteurs.
J II efl donc de la plus grande évidence .qu’un
ïand nombre de colons de Saint-Domingue,
autres Colonies Françoifes de l’Amérique |
iéridioiiale, ne peuvent trop s’empreffer d’em-
îaffer les moyens de reflources & d’abondance, i
Jffi faciles que riches., qui leur font donnés par :
jbiéry dans l’éducation de la cochenille filveftre, j
I la culture des CaéHers qui y conviennent. En ■
pendant cette éducation & cette culture, fur-tout
^ns les cantons arides, qui ne peuvent entretenu'
les autres cultures, ils feront le bien de la
?Hon,& plus encore ,1e leur. Les cendres de
Péry attendent la profpérité de ces colons
|inme une glorieufe couronne civique, que fon
fvouement généreux & infatigable a bien mé-
jtée.
jLelecleur s’étonne fans doute, qu’en expofant
| avantages que les colons retireront de l’édu-
, tio.n d® la cochenille filveftre, je ne dife rien
latiyement à la cochenille fine qui a été le
.nncipal but & le principal fruit de tous les
|vaux de Thiéry. Je mettrai fin à cet étonne-
P l ™ leèleur, par un autre étonnement plus
k v eîl j * apprenant que , depuis la mort de
Ljfry, 1 on a laiflé perdre l’efpèce de- la cochées
à Saint-Domingue; tant il efi vrai
^ nimc efi fouvent bien difficile à; rein-
e Cr ^^llrenfoment que la cochenille filveftre
ai-vf11 • l).er^re ^ans cette Colonie. Si l’on
jrnt laniais par la fuite à récupérer la Coche-
” ne> ('ont la perte ne peut qu’augmenter
«rets>. de tous les bons Citoyens , for la
mort prématurée de Th ié ry , il efi indubitable
qu’on retirera encore -de plus grands avantages
de cette cochenille que de la cochenille filveftre ;
- puifque, comme on a vu plus haut, la cochenille
fine, en n’occupant la Nopalerie que pendant
fix mois de l’année , produit, en trois récoltes,
autant pefant que l’autre en fix récoltes &.
qu’ainû elle rapporte, fur un arpent & demi ,
deux mille quatre cent quarante livres tournois
par an , c’eft-à-dire , un tiers plus que l’aurre y
fans que fon éducation coûte plus de peines ou
de dépenfes.
Culture y en Amérique , des Cacliers autres que
ceux propres h Téducation de la cochenille..
Excepté les CaéHers. propres à l’éducation c'e
la cochenille , on cultive jufqu’à préfent peu de
Caéïiers en Amérique , foit parce que les espèces
les plus recommandables, par la bonté de
leurs fruits, ou pour la beauté de leurs fleurs
ou autrement, y fon t, comme les autreséfpèccs,
très-nombreufes dans les terres communes , vagues
, & incultes qui occupent par tout de vaftes
efpaces , foit parce que les cultivateurs de ce
pays tout entiers occupés à la culture des plante*
qui font des objets de commerce, de lucre, & de
fortune , négligent totalement celle des plantes
d’agrément •, vu fur-tout que la plupart des
planteurs d’Amérique ont toujours devant les
yeux leur retour en Europe , ne regardent l’Amérique
que comme un pays de panage, qu’ils
fe foucient, par conféquent, peu d’orner-, ils ne
s’arrachent aucunement à y multiplier les plantes
qui n’auroient d’autre utilité que d’en Tendre te
léjoi^r plus agréable & d’y rendre la vie plus
douce en augmentant fes jouiflânees. Ils ne regardent
pas le tems pendant lequel ils habitent l’A mérique
comme un tems deftiné à jouir dé la vie;
c’efi 1e tems uniquement de travailler à leur fortune
; ils penferont à vivre quand elle fera faite •„
& alors ils retourneront en Europe y étaler leur
opulence : d’ici à ce tems, rien n’a de prix pour
eux que l’or feul. C’eft par les mêmes raifons
qu’ils y négligent aufli la culture des Bananiers,
& de plufieurs autres plantes très-utiles & très-
agréables à plufieurs égards, mais qui ne proclui-
fent point d’or. Cette négligence diminuera à
mefure que les colons s’attacheront davantage à
ce fi fertile pays. Leshabitans des Barbades cultivent
autour de leurs maifonsle Caélier triangulaire,.
N." 2$, à caufe de la bonté de fon fruit. Dans l’ii!e
de Saint-Euftache on cultive le Ca&ier en raquette
à longues épines, n° 25 , C , pour en faire des;
clôtures & même des enceintes de villes, ou des.
fortes de fortifications. Il efi très-pirobabîe que
l’on cultive cà & là, en Amérique , le Caèlier a.
grande fleur , N.° 20, & le Caélicr queue de
fou ris, N:° 21, à caufe delà beauté de leurs fleurs r
on a vu plus haut qu’on pe cijltive le CaéL'ar