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il y aura une compenfation qui lui fera avantageait;.
La Canne à fucre n’a pas feulement a louf-
frir de l’influence des pluies ou de la féche-
reffe trop conftdérables. Elle a encore à redouter
les vents, la rouille & plufieurs fortes
d’animaux. En Novembre & Décembre ,
il règne aux Antilles , après les grandes pluies,
des vents qui renverfent beaucoup de Cannes.
M. Moreau de Saint-Méry, a vu à Saint-Chrif-
tophe les Cannes hautes attachées par les feuilles
les unes aux autres, dans tout le pourtour
extérieur d’une pièce de Canne. Les Cannes
abattues pofantfur un fol humide , ou poitrrif-
fent ou font la proie des rats. C'eft un inconvénient
que M. de Cafeaux évite encore dans
ion économie, puifqu’il ne préfente alors aux
efforts de ces météoies que de jeunes Cannes
plantées en Mai ou Juin, & moins faciles à ren-
verfer, parce quelles réfiflent moins que les
Cannes d’un an dans la culture ordinaire. An
refte, dans les Mes fujetes aux vents qui peuvent
incommoder les Cannes , ne pourroit-on
pas en protéger, jufqu’à certain point, les terres
par des plantations qui en rompraient les
premiers efforts ? Je fens que cela efl difficile,
« les vents n’ont lieu que dans les couliffes ref-
ferrées des montagnes. Au refte , il efl aifé de
fentir que je ne parle ici que des vents ordinaires
-, car nulle puiffance ne peut arrêter les
effets de ces terribles ouragans, qui défolent les
Antilles de tems en tenis.
La rouille efl une maladie qui attaque les
feuilles des Cannes, comme celles de beaucoup
d’autres plantes. J’en développerai les caufes &
les fuîtes au mot R o u i l le .
Les cultures des terres -grades & humides ,
fur-tout dans les années pluvieufes, y font le
plus fujetes. On préviendra une partie de les
effets , fi on a foin de rendre la terre plus di-
vifée par des mélanges de fables, de cendres, de
f u m i e r non-Confommé, & mieux encore, en
procurant de l’écoulement aux eaux.
Les pucerons ralentiffent la végétation de la
Canne à fucre en dévorant les feuilles. Mais
aux Antilles, ils tiennent rarement contre les
vents impétueux de Novembre & de Décembre.
11 fe forme dans l’intérieur des Cannes, des
vers qui diminuent l’abondance du fucre, & en
altèrent la qualité. Les Cannes plantées en
Oélobre & Novembre , lorfqn’elles contiennent
de ces vers , fe gangrennent après la chute de
de la flèche. M. "de Cafeaux ptnfe que le véritable
préfervatif (croit de planter en Mai ou
Juin.
D’autres vers , au Mois d’Août , |attaquent
anfli les jeunes Cannes plantées, en Mai ou Juin .-
on les appelle v e r s b rû lo n s . Lorfque le mois
fl’Août efl fec & feulement coupé par de petits
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grains de pluie, plus capables d’occafionner dam (
la terre ce degré d’humidité chaude, propre fcl
féconder les oeufs des infeéles, que celui qiffj
feroit néceffaire au développement des plantes.!
Ces ravages n’ont pas lieu tous les ans, maisI
feulement quafld le mois d’Août n’eft pas affeil
pluvieux. Si ces années devenoient plus fré-l
quentes , M. de Cafeaux préfume qu’on y re*|
médieroit en faupoudrant d’un peu de chaux I
vive ou la plante , ou la terre dont on la chauffe,!
foit au premier, foit au deuxième farclage.
Les fourmis, aux Antilles, ont été le fléau le|
plus redoutable des Cannes à fucre & des Cul-I
tivateurs de Cannes. Ni les pluies, ni les vents!
ne pouvoient empêcher leurs ravages.
Ces infeéles ne s’attachoient pas au tronc de!
la Canne, mais ils creufoient fous la fouchel
comme pour s’y loger *, ils dépouilloient les!
principales racines de la terre qui les environnent;!
fa plante fufpendue fe defféchoit, & cédoitJ
fi on vouloit l’arracher^ à des efforts peal
conftdérables.
Dans les Ifles, tant Françoifes qu’Angloifes,!
if y a eu plus de 1,000,coo de récoinpenfejl
promifes à celui qui auroit trouvé le moyen de|
détruire les fourmis.
On croit qu’elles avoient été apportées dans!
des ballots de marchandife venus en con-|
trebande. Quatre am après, on n’auroit
trouvé un pied quarré de fuperficie, fur lequel!
on n’en eût compté plus d’un cent, indépen*!
damment de celles qui travaillent fous terre,!
Elles étoient multipliées à la Grenade à uni
point confîdérable , quand M. de Cafeaux al
compofé fon livre. On avoit eflayé infruélueuJ
femeht divers poifons. Les Américains s’étoienn
occupés de les empêcher de pénétrer dans les!
terres, qui alors en étoient encore exemptes,!
en v laiffam de grands intervalles pour les!
occuper par des cultures qui n’étoient pas dn|
goût de ces animaux, ou poitr y faire des rran«
chées larges & profondes, qui te rempliffoietiB
d’eau au moment des pluies, & dans lefquelle*
beaucoup de fourmis fe noyoient. Je fins per-«
fuadé qu’on avoit tenté tout ce que l’intérêB
éclairé peut avoir indiqué de moyens; mais«
falloir , pour ainfi cRre , une pluie corrolive »1
abondante fur les quarrés qui en étoient înj
fefiés. M. de Cafeaux a eu l’elpérance de la fait®
naître , en confcillant de planter & de mnli>m
plier le Mancenilier ; arbre dont les feuilles oa
les fruits nombreux font cauftiques : quand”1
pleur, il découle de fes feuilles une eau q111!
appliquée fur la peau , la brûleroit. On pouvoir
félon lui, en planter les fruits qui lèvent
prennent promptement, près les 11ns des
dans des retranchemens, allez épais, pourcmj
pêcher les fourmis de paffer au- delà, & en
encore dans les lietix infeétés. Dès fa fécond®
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[année les Manceniliers auraient couvert la terrejfe
ifeur ombre; c’étoit à l’Amérique à juger de la
Ivaleitf & des inconvéniens de ce moyen.
On a remarqué que les plantations faites en
■ octobre, Novembre & Décembre, dans des ter-
|rains remplis de fourmis, donnent toujours la
■ plus grande efpérance jufqu’en Février. La raifon
■ en eit fimple ; c’eft que les pluies fréquentes
■ tombées pendant trois mois,en pénétrant la terre,la
■ rapprochent toujours des racines, àmefureqtteles
■ fourmisl’enlèvent. Les plantes aidées delà faifon ,
■ croiffent jufqu’à cette époque ; mais, quand la
Iféehereffe arrive, rien ne retarde & n’arrête pen-
Idant trois mois !e travail des fourmis ; la terre
Ife fou tient à mefure qu’elles fouillent' ; les plantes
■ d'ailleurs, privées d’humidité, ne font plus que
■ languir & périflenr. Dans la méthode ae M. de
■ Cafeaux, les ravages des : fourmis, font moins
■ fâcheux. Quand les Cannes plantées en Mai ou
[en Juin , éprouvent la fécherefle, elles ont déjà
[lgs trois quarts du fucre qu’elles doivent avoir ;
■ leurs racines font plus fortes & retiennent plus
■ d’humidité, lés plants étant ferrés & peu éloignés
les uns des autres. Les premiers rejetions
■ qu’on coupe à dix ou onze mois jouiffent du
■ même bénéfice du renouveau ou du retour des
pluies ; car , :en Amérique, le renouveau eft la
■ îaifon des pluies, pendant laquelle toute la végétation
fe rénouvelle. M. de Cafeaux confeille,
»près le premier grain de pluie qui fuivra la
■ deuxième coupe , de mettre le feu à la pièce
■ fourtnillée , d’enrafer aufli-tôt tous les jets de de
pien labourer en toat fens.
_ Lorfque toute une habitation eft entièrement
jfourmilîée , il eft néGeffaire de replanter chaque
■ innée le tiers des Cannes, au lieu de n’en replanter
qu’un fixième , parce que, dans les replantations
fréquentes , la fouille des foffes
■ meublit également la-terre, & détruit les refaites
des fourmis. D’ailleurs, dans ce cas, avant
Te planter on brûle ; on brûle encore après la coupe
Jcs Cannes plantées & après celle des rejetions,
»n rafant les jets à chaque fois. Tous ces foins
■ Ninuent le nombre des fourmis, & empêchent
BulJS ITe fe multiplient aufti confidérablement.
ï A1nf1raifonnoitM.de Cafeaux pendant lesannées
fuies fourmis ravageoient une partie des habita-
ionsdes Antilles. Heureufement., il y a cinq ans,
fue branche d’ouragan a fait difparoître-ces in-
f-des entièrement, fans qu’on ait fu comment;
pais le mal peut revenir. Il eft bon qu’on fe
J 11 occupé des moyens d’en diminuer les effets.
P r o d u it s d e la C ann e a S u c r e ,
. & u fa g e d e c t s p r o d u it s ,
J II ne paraît pas qu’on tire d’autre parti des
! ln.es lu Canne à lucre , que de les brûler
I : e'cbamp pour ameublir & fertilifer le ter-
f m Par fes cendres.
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On emploie les feuilles des Cannes qui tombent
, défféchées fur le champ , pour entretenir le feu
des chaudières à fucre, & pour d’autres befbins
domefljques. S’il en refte, on les^ brûle comme
les racines. Les beftiaux des habitations vivent
des têtes de Canne ; on les leur donne vertes.
Quand on a exprimé le fucre des tiges en
les faifant paffer au moulin, on les amoncèle
&on Jesconferve pour brûler fous les chaudières,
c’eft le combuftible de beaucoup d’habitations.
A la Grenade, on en couvre quelquefois les cafés.
Indépendamment du fucre qu’on retire des
tiges de Cannes., elles fourniffent aufti un
douzième ^ de fyrop. On connoît les qualités
& l’emploi du fucre dans l’économie domeftique ;
les fyrops font en partie vendus en cet état
& confommés par le peuple , & en partie dif-I
tillés, pour procurer une liqueur fpiritueufe,
connue parmi nous fous le nom de T a f i ia . On
lit , dans les Voyages du Capitaine Cook, qu’il a
fait de la bière avec la Canne à fucre aux Iftes '
Sandwich, dans la Mer du Sud. Je croirais plutôt
que c’eft une liqueur fermentée, analogue
à l’Hydromel.
M. l’Abbé Raynal affure que, « dans une habitation
établie lur un bon fol, & fuffifamment
pourvue de noirs, de beftiaux, de toutes les
chofes néceffaires, deux hommes exploitent un
quarré de Cannes, c’eft-à-dire environ trois appelas
; ce quarré 'doit donner communément
loixante quintaux de fucre brut ( non-raffiné. )
Le prix moyen du quintal, rendu en Europe ,
fera de vingt livres tournois, déduction faite'de
tous frais. Voilà donc un revenu de fix cens,
livres pour le travail de chaque homme. Cent
cinquante livres auxquels on joindra le prix
des fyrops & des taffias, fuffiront aux dépenfes
d’exploitation , c’eft-à-dire , à la nourriture des.
efclaves, à leur dépériffement, à leurs maladies,
à leurs vêtemens, à la-réparation des uftenfiles,
aux accidens même. Le produit net d’un arpent
& demi de terre fera donc de quatre cens quatre-
vingt livres ; on trouverait difficilement une culture
plus avamageufe. » Suivant M. de Cafeaux ,
& fans doute dans fa méthode, un acre du meilleur
terrain, en Cannes plantées,-donne foixante
à foixante-dix formes de fucre ; un acre de re-?
jettons en donne la même quantité. Voye%
Arpent , pour connoître la valeur de l’Acre,
On conçoit que M.. l’Abbé Raynal, en di-
fant que deux hommes exploitent un quarré
de Cannes , ne veut pas faire entendre qu’en
une année, ils n’en cultiveraient pas davantage ;
mais l’exploitation d’un carré de Cannes, fup-
pofe, indépendamment de leur culture, d’autres
travaux, qu’il eflime & qu’il compenfe. Suivant
M. Moreau de Saint-Méry, une habitation de
deux cens carreaux de terre en a environ cent-
vingt en Cannes ; un attelier de trois cens Nègres
eft bien peu de chofe.pour la cultivep.Pcurcoo-
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