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compofer la leffive ; quand elle manque, on en
accufe une multitude de caufes plus ou moins
ridicules qui n’y ont aucune part : trompé fou-
vent par ce mot vague du Jel qu’on a donné
indiftinélement à toutes les matières qui ont une
forte d’énergie, les ménagères croient que le le! qui
agit dans les Cendres quelles emploient eft le
même que celui qui fert dans la cuifine ; or,
pour donner plus de force à leur leffive, elles
y jettent quelques poignées de fel marin, lorfque
ce feroit de la potafie, des Cendres gravelées, ou
du fel de foude qu’il faudroit employer.
Cendres lejjive'es ou chances,
Quelque bien leffivées que foientles Cendres, .•
elles retiennent toujours une petite portion de
matière faline, & la preuve qu’on peut en donner
, ç eft qu’elles fe vitrifient parfaitement au
feu ordinaire des verreries, fans aucune addition <
quelconque. Si ces Cendres qui ontferviau blan-
chifiage, à la fabrique du l'alin ou du favon font
expofées à l’air fous des hangars à l’abri de la pluie,
elles reprennent un peu d’énergie, fur-tout fi on
•a foin de les remuer & de les arrofer de tems
en tems avec de l’eau des égoûts, & celle quia
fervi aux ieffives. Dans cet état elles ont plus
d’aétion.
Ce n’eft pas que les charrées nepuiflent, au fortir
de la leffive, être portées fur les terres eom-
paéles,& exercer la faculté d’engrais ; mais il faut
t convenir qu’elles y deviennent bien plus propres
après un certain tems d’expofidon à l’air, & au
moyen des additions dont il s’agit : carépuifées
comme-elles le font-de potaffe, on ne doit plus'
efpérer de l«s rendre de nouveau, propres aux
fols auquel elles conviendroient, même quand
en les auroit calciné. Il ne faut point négliger
cette opération , lôrfqu elle peut fe pratiquer
ians beaucoup de frais, vu quelle augmente ,
l’aélion des charrées. Mais; encore une fois,
les Cendres qui ont perdu leurs fels à la leffive
n’en reprennent point étant rebrûlées, ainfi
qu’on l’a avancé fans preuve : elles redevienr-
nent feulement plus propres à être répandues
fur les prairies. '
Cendres conjidérées comme engrais.
L ’expérience ne permet plus de douter combien
les Cendres contribuent à rendre fertile un
terrein , fu r - to u t quand il eft de nature glai ^
feufe ; c’eft à elles qu’on doit la fertilité des Campagnes
fituées au pied du mont Etna &du Yé-
fuve.
Il eft donc reçu en Agriculture, & c’eft une
vérité que l’expérience confirme tous les jours,
que les Cendres, qu'elle qu’en lbit l’origine,
font d’une utilité réelle comme engrais; cepen-
C E N.
dant il exîfte plufieurs cantons dans le Royaume
o ù , malgré la polfibilité de-s’en procurer aifé :• ■
ment, elles ne font point autant recherchées
qu’elles mérireroient de l’être. Cette indifférence
iemble venir de l ’ignorance dans laquelle on
eft fur la manière de les employer, on aura peut-
être eu l’imprudence d’enmettre trop à-la-fois :
car cet engrais préfente fôuvent par fon bas prix,
la faculté d’en abufer , tandis que, dans d’autres
cantons où il coûte davantage, la dofe en aura
été reflreinte de manière à n’obtenir aucun effet :
telles font vraifemblablement les caufes principales
qui ont empêché long - tems 1 adoption de
l'ufage des Cendres comme engrais, par-tout ou
il eft facile de s’en procurer.
Quelques perfonnes ayant femé fans fuccès de
l’avoine dans des Cendres, non leffivées, dans du
fable fortement chargé de pqtaffe & de falpêtre,
en ont conclu que toutes ces matières, non-feulement
retardoient l ’accroiflëment des végétaux ,
mais qu’elles l’empêclioient abfolument.
On fait qu’en Egypte il y a des cantons ou
le fol eft tout couvert de fel marin , & ces cantons
font entièrement ftériles. C’eft à cet propriété
vraifemblablement qu’eft dû 1 ufage dans
lequel étoient les Romains, de répandre beaucoup
: de fel marin fur un champ où il s’ëtoit commis
quelque grand crime dont ils von —
loient perpétuer la mémoire, en le frappant
de ftérilité pour un certain tems. Cette circonf-
tance renouvelle mes inquiétudes fur l’abus qu on
peut faire, dans ce moment-ci,. du fel marin ,
comme engrais de terres. Jouiffons même de ce
bienfait de la Nature, dont la »privation a été
fi long-tcms pour nos campagnes une véritable
calamité. Spécialement defiiné à tous les animaux
de la baffe-cour, il fert à-la-fois & de préfervatif
& de remède affocié.aux Sauvages; il enlève la
fadeur, & prolonge la durée de ceux qui font
trop humides ; en donpant plus de ton d énergie
aux parties organifées, le lait eft plus abondant,
plus crémeux, la chair plus délicate &
plus fucculente ; enfin le fumier de leur litière
devient plus efficace dans fes effets.
Si lef Blanchiffeufesemploient, mais très-inuti-'
lemenr, du fel marin dans leurs Ieffives pour
augmenter la force des Cendres, les Fermiers
auxquels on a donné le confeil de fuivre la même
méthode pour donner à cet amendement plus
•d’effet , n’en tireront pas plus davantage. En
mêlant le fel marin aux matières combuftibles,
il peut, durant l’ignition, éprouver au commencement
de décompofition & de combinaifon avec
* les Cendres, çe qui le rendroit propre alors à
la faculté fertilifante.
Nous avons fous, la main le pouvoir de compofer
à volonté des engrais, avec une infinité de
fubftances végétales & animales, qui, réduites à
un certain
ira certain état, & jointes aux terres labourables,
concourent à leur fécondité: la Chymie ne nous
en offre-t-elle pas encore dans une îoule-de fubftances
, qui, prifes féparénient, font'oppoféès
à la faculté fertilifante, & qui, par leur réunion,
forment un excellent engrais ? telle eft cette ef-
pèce de combinaifon favon neufe qui ré fui te du
mélange de la potaffe, de l’huile & de la terre.
Quel bénéfice incalculable pour les campagnes,
au lieu de^ chercher à économifer fur les engrais,
leurs habitans s’appliquoient davantage à multiplier
les reffources de ce genre & à les rendre
plus profitables par un emploi mieux entendu?
voilà les premiers foins dqs Cultivateurs. Combien
d’années fe font écoulées avant de favoir
que le marc des pommes-& des poires, employé
autrefois à remplir les trous & à combler les
ravines, pourroit procurer comme engrais, dans
les contrées à cidre & à poires, lé même avan-
tage que le marc de raifinsdans les pays vignobles?
Je n héfiterai point de le dire ; fi la Capitale fe
trouvoit placée au fein d’un pays comme la Flandres,
où l’on fait fi bien apprécier les engrais , il
fêroir poffible, avec le fimple fècours de ceux
qu’on perd journellement dans l’air que nous
refpirons .& dans l’eau que nous buvons, de faire
croître une grande partie du lin & du chanvre,
que l’on rire à grands frais de l’Etranger , quoique
la France dût être pour fes voifins le
magafin générai de ces objets; mais bornons-
nous à indiquer quelques règles générales , d’après
/lesquelles on doit fe déterminer fur le choix des
différentes efpèces de Cendres , fur leur emploi
proportionné a la nature du fol & des p-roduc-
tions, fur le climat & les afpeéts, fur la faifon
& la manière de les répandre ; enfin fur leur
manière d’agir.
Quantité de Cendres à répandre.
Elle eft relative à la qualité des Cendres, à celle
du terrein & des productions. Il eft plus prudent
de/ lés fixer par des effaré dans les endroits où
l’ufage de cet engrais eft une nouveauté; on ne
peut donc établir, à cet égard, que des généralités.
Ainfi, on dira, ri® qu’il faut trois feptiersenviron,
mefure de Paris, de Cendres de tourbe pour un
arpent de terre labourable ou de prairie ; i.° que
la même étendue de rerrein n’exige que la moitié
de Cendres rouges ou houille d’engrais, un tiers
de celles de bois flotté, & un quart de celle de bois
neuf ou de plantes.
Saifon pour répandre les C end’es.
La faifon de répandre les Cendres fur les terres
labourables varie fuivant leur nature, & celle
de productions qu’elles doivent rapporter. Si c’eft
une terre légère & qui abforbe fon eau , il feroit
bon, i.® d’en répandr-e fur le pied d’un feptier
Agriculture, Tonte I I .
par a'rpént au commencement de Février &
avant le labour ; 2.0 une pareille quantité'
après que les grains auront été femés. Si la
terre , au contraire , eft compacte & qu’elle retienne
l’eau à fa furfkce, on pourra employer le.
procédé décrit, ayant feulement l’attention d augmenter
les dofes fuivant le befoin, & de ne faire
ufage des Cendres que dans un état très-fec. On
obfervera cependant, dans le premier cas, c’eft-;
à-dire, lorfque le terrein eftfec, d’attendre, pour
jeter les Cendres qui doivent reflër à la fur.-!
face du terrein, qu’il fàffeutl tems de brouillard,
| ou qui prometre une pluie prochaine.
Quant à la manière de répandre les Cendres,
elle n’eft pas fans inconvénienr ; mais le femeur
s’en garantira aifément en fe couvrant le
vifage d’un fichu de foie ou d’une toile fine
& èn femant contre le yenr. Quelques. perfonnes
ont confeillé de femer fous le. vent,'
c’eft-à-dire de jeter l’engrais du côté où le vent
pouffe ; mais l’expérience a bien-tôt démontré î
que la première de ces pratiques eft pré-'
férable.
Manière d’agir des Cendres.
L’efficacité dès Cendres, appliquées ordinairement
, ou au fol fatigué pour le .reftaurer ,
ou.aux plantes qui languiffent pour les fortifier,
n’eft plus aujourd’hui Un problème, mais il ne
paroît pas qu’on foit également d’accord fur
leur véritable manière d’agir: je defire que mes
obfervations , à cet égard, puiffent mettre fur'
la voie ceux qui font occupés de l’examen des
engrais, matière d’une importance majeure, puif-
qu’elle eft le plus puiffant agent de la végétation,'
& la bafe de la fécondité de nos récoltés.
En fe rappelant les parties conftituantes des
1 Cendres , il eft facile d’expliquer leur manière
d’agir. Confidérées comme engrais, elles peuvent
êîre comparées en quelque ïorte à la marne |
elles contiennent du moins les différentes terres
qui conftituent ordinairement cet amendement
- naturel ; mais elles ont de plus des fubftances
lalines déliquefeentes, à raifon des végétaux'
dont elles font le réfidu , & du procédé mis en
ufage pour leur combuftion, ce qui augmenre
leur aèfivité & doit rendre circonfpeéTfur le
choix & dans l’emploi. Les Cendres ont donc,
\ comme tout ce qui jouit de la propriété fert -
lifante , la faculté de foutirer de l’immenfe ré-
fervoir de l’atmofphère, les vapeurs qui y circulent,
demies retenir, de les conierver avéc
l’humidité qui réfulte de la pluie, de la neige,
de la rofée, du brouillard, d’empêcher que ccrte
humidité ne fe raffemble en m alle, qu’elle n<t
fe perde , foit en s’exhalant dans le vague de
l’air ou èn fe filtrant à travers les couches inférieures
, & laiffant les racines à f e c , de la dif-
tribuer uniformément & de la tranfmettre d’une
ü m a n n i a