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fucre, qu’il nous fera difficile de ne pas parler
de cette précieufe denrée. »
» Il eft démontré que la Canne tire fon origine'
des Indes orientales; les Chinois, dès la
plus haute antiquité , ont connu l’art de la
cultiver & d’en extraire le fucre ; art qui a
précédé cette plante en Europe de près de deux
mille ans. n
» Les anciens Egyptiens, les Phéniciens; les
Juifs, les Grecs, les Latins, n’ont point connu
la Canne, & c’étoit d’une efpèce de Bambou
que Lucain a dit : quique bibunt tenerâ dukes ab
arundine fiiccos. n
» La Canne n’a paffé en Arabie qu’à la fin
du treizième fiècle, époque à laquelle les marchands
qui faifoient le commerce de l’Inde ,
enhardis par l’exemple de Marc-Paul, allèrent
s’approvifionner des denrées orientales chez les
Indiens, d’où.ils rapportèrent la Canne qui fut
cultivée d’abord dans l’Arabie heureufe ; de-là en
Nubie, en Egypte & en Ethiopie, où l’on fit
du fucre en abondance. »
» Barthema dit qu’en 1505 , on faifoit
dans.les environs de Douar & Zibit, villes
confidérables de l’Arabie heureufe, un très-riche
commerce de fucre.
» Suivant Giovan-Lioni, en 1-500 , la Canne
étoit cultivée dans la Nubie, en Egypte & au
Nord du Royaume de Maroc', & on faifoit un
grand commerce de fucre dans toutes ces I
Contrées, n
» Ce fut à la fin du quatorzième fiècle qu’on
porta la Canne en Syrie, à Chypre , en Sicile ;
le fucre qu’on en tira, étoit, comme celui/i’A-
rabie & d’Egypte, gras & noir. »
« Don Henri, Régent de Portugal, ayant
fait la découverte de Madère, en 1420, y fit
tranfporter des Cannes de Sicile, où onlesavoit ,
introduites depuis peu. (1) Elles y furent cultivées
avec fuccès amfi qu’aux Canaries, & bientôt
ces Ifies mirent dans le commerce du fucre
qui eut la préférence fur tous les fueres de ce
fems-là, particulièrement celui de Madère. »
Ces fuccès ne fe font pas foutenus, car, en 1767,
il n’y avoit plus qu’une fucrerie dans Ja dernière
Jfle. Le térrein y donnant plus d’argent en vin
qu'efi fucre, on â eu raifon de multiplier la
vigne & d'abandonner la culture de la Canne
à fucre qui convient mieux aux Mes d’Amérique.
» Les Portugais portèrent la Canne à l’Me
Saint-Thomas fitôt qu’ils l’eurent découverte,
&, en 15,10, il y avoit plus de foixaqte manufactures
à fucre. »
. n La Canne fut auffi plantée en Provence
mais la température de l’Hiver força d’en aban-
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donner h culture. ( 1 ) Elle fut cu ltiv ée en EfJ
pagne, & il y a encore aujourd’hui dans J
Royaume, en Sicile & à Madère, desmanufad
turcs à fucre. »
- » Chrifiophe Colomb ayant fait la découvert^
du nouveau Monde, un nommé Pierre d’EtiencJ
porta la Canne, en 1506, à Hi/panicla, aujourJ
d’hui Saint-Domingue. Un Catalan , nommé
Michel Balieftro, fut le premier qui en exprima
. le fuc, & Gonzalès de Veloza fut le premier
qui en retira du fucre. $
” Sloane rapporte’, fur le témoignage dé
Martyr, que la Canne croifioic merveilleufo
ment bien à Saint-Domingue , qu’elle étoit
groffe comme le poignet, & que la môme touffe
donnoit vingt à trente rejetions , randis que
celle de Valence en Efpagne, n’en , donnoit
que cinq à fix. II. dit auffi q u ’e n 1518, il y
avoit dans cette Me vingt-huit fucreries. «
» Il ne paroît pas que la Canne fût naturelle
à aucune -partie de l’Amérique , quoique le
Pere Labat dife qu elle a été trouvée dans quelques
Mes; le témoignage des Voyageurs peu
connus qu’il cite, ne fuffit par pour démontrer
ce qu’il avance'à ce fujet. r>
» M. Geoffroi a écrit que Pifon regardoitla
Canne comme indigène au Bréfil. D’après les
propres expreffions de Pifon, on peut conclure
que la Canne eft étrangère au nouveau-Monde
& qu’elle y a été portée. »
» Quoique, dit-il, les Cannes ne foient pas
propres ni indigènes aux Canaries, à Saint-
Domingue, & moins encore a Ta Nouvelle-
Efpagne, mais ^ qu elles foient étrangères à
toutes ces Provinces & qu’elles y aient été]
apportées ; cependant, comme on les a trouvas
en premier lieu aux Mes Canaries, il eft
à propos d’en parler, m’étant propofë de traiter
de toutes les plantes de ces contrées qui peuvent I
être d’ufage en Médecine, n
» Il paroît donc certain que la Canne efl
étrangère, non-feulement à - l'Amérique , mais
quelle 1 eft auffi a l’Europe, à l’Afrique &à
toute la partie de l’Afie qui eft en-deçà du |
Gange. r>
» Telle eft la marche que la Canne a fiiivie
pour fe répandre dans toutes les parties du
Monde, depuis l'époque où elle fut portée en
Arabie. C'eft à la culture de celte plante pré-1
ciéüfe , c’eft à la richefie de fes produits que
les Colonies & la France doivent lçur prospérité.
»
Defcription de la Caque a Sucre.
» Avant que de fe livrer à la culture d’une j
plante, il faut la connoître fous tous fes rap-
( 1 ) Oberfoa. (G Miller,
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Horts, il faut l’avoir étudiée dans toutes fes
■ Lrries, dans toutes fes fonètions. Alors la con-
■ noiffance des foins qu’elle demande, eft facile ,
■ & l’application eft toujours fui vie du fuccès. »
■ » Pour conduire le Cultivateur à ure con-
Hioiffance parfaite de l’hiftoirc cle la végétation de
Ha Canne, il convient non-feulement de confidérer
H ’enfemble de toutes fes parties, l’état & le rap-
Hport de chacune d’elles, d’examiner leur ftruc-
Hiire intime, d’étudier la marche des diverfespé-
Hriodes de leur développement fuccelîif ; mais il
■ faut encore faifir toutes les modifications qu’elle
■ éprouve en tant que plante , & fuivre celles
■ que reçoit le corps muqueux, produit de fes
■ fondions , au plus haut degré d’élaboration
■ qu’il puifle atteindre. C’eft la conversion de ce
■ corps en fel effenriel qui, jufqu’à ce jour, a été
■ l’unique objet de la culture de la Canne; elle
■ mérite donc-de la part du Cultivateur l’attention
■ a plus particulière. Nous allons préfenter au
■ lefteur un précis'de toutes ces chofes, afin-
■ qu’il puiffe le faire une idée bien exaéte de la
■ Carme, de fes produits & de fa culture. »
■ »La Canne, connue je l’ai dit, n’eft point
■ baturelle au Nouveau-Monde; & elle ne .s’y
■ rouve que dans l’état cultivé. Elle y fleurit,
Biais les organes de là fructification font privés de
■ quelques-unesdes conditions effentiellesàlafécon-
■ ation du germe qui eft ftérile ;' elle fe reproduit
■ e boutures & fe multiplie avec une merveil- j
■ eufe fécondité. Elle aime la température de la
■ one Torride, & elle peut s’étendre dans les
■ ones tempérées jufgu’au quarantième degré de
■ aiitude , &. même encore au-delà. Sa conftitu-
■ on eft plus ou moins robufte , fuivant Ja na-
■ ure du fol & les circonftances dans lefquelles il
■ e trouve. Sa végétation eft confiante'; mais elle
■ ft plus ou moins rapide, félon fa Situation &
■ a température de la faifon. Confidérée unique-
■ ent comme phmte , elle met cinq à fix mois
B? parvenir à fon entier accroiflement, & elle
■ eunt, fi la culture ne l’éloigne pas trop de
■ état naturel, & fi elle fe trouve à l’époque de
■ a floraifon qui eft en Novembre & Décembre.
■ e terme de fa floraifon marque celui de la vie,
■ ont la durée eft plus ou moins longue fuivant
■ p circosftances, lorfqVclie ne fleurir pas. Con-
■ oérée dans l’état cultivé, le terme ; de fon
■ ttroiffement eft relatif à fa conftitution plus
■ ll moins forte , & il s’étend de douze à vingt
■ 01S- Elle dépérit d’autant plus promptement
■ ùe fa conftitution eft plus foible, & c’eft à
■ époque de fon dépériffement qu’il convient de
■ récolter. Elle porte trois fortes de fucs, l’un,
■ jjrement aqueux ; l’autre , extraélif ; le troimuqueux.
La. proportion & la qualiré de
■ s deux derniers tient à un nombre infini de
■ tconflances particulières dont la connoiffance
■ 0rte le pluS grand jour fur les foins que de-
■ ^e fa culture de cette plante. » _• ; 1 '
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» La Canne, comme tous les Rofeaux, eft
formée de plufieurs feélions dont l’enfemble pré*
fente au premier afpeét, une fouche avec des
racines, &. une tige avec.des feuilles., n
” Chaque fcéiion marquée à l’extérieur par
un bourrelet, eft nommée noeud-Canne. Chaque
noeud-Canne préfente un noeud proprement
dit, qui a deux à trois lignes d’étendue, &
dont la fui face offre de petits points particu—
; Jiers difpofés en quinconce fur deux ou trois
rangs. Ces points , en fe développant, forment
des racines. On remarque fur ce noeud un
• bouton plus gros qu’une lentille & terminé en
pointe ; il renferme le germe d’une Canne nouvelle.
Le noeud, proprement dit, eft fuivi d’un
entre-nuud , dont 1 étendue varie depuis un
pouce jufqu’à fix ; cet entre-noeud eft terminé
par. une feuille qui s élève quelquefois jufqu’à
quatre pieds dans l’Atmofphère. Cette feuille
eft divifée en deux parties par une nodofiié
j particulière ; la partie inférieure, qui n’a jamais
plus d’un pied de longueur, enveloppe la tige
& lui fert de gaine. La fubûance externe ou
1 écorce de la Canne eft formée de vaiffeaux
ligneux très-ferrés; La fubftance interne eft
formée, de vaifieaux ondulaires, dont Ja difpofi-
tion eft telle, qu’ils préfentenrautant de couches
horizontales , fou tenues a diftances égales par
des vaiffeaux ligneux qui les traversent.
Les cavités de ces vaifleaux font hexagones
comme les alvéoles des Abeilles fans fe communiquer
entr’elles, elles renferment le fuc
fucré. n
Les vaiffeaux ligneux fe divifent également
à diverfes hauteurs en deux parties ; l’une fuit la
direélion verticale, l’autre fe porte horizontalement.
Ces dernières forment une cloifon en
allant fe réunir en faifeeau, & ce faifccau qui
perce l’écorce paroît fous la forme d’un bouton
que -nous avons remarqué plus haut, à la fur-
face du noeud proprement dit. »
j) Le ^ nombre de feélions qui forment la
Canne s’élève quelquefois à quatre-vingt. »
5) La fouche de la Canne eft formée de fec-
tions comme la tige ; ( nous ferons remarquer
plus bas ce qu’elles ont de particulier ) elle a
fix à huit pouces de longueur ; elle eft courbe
& fe termine en fufeau. C’eft d’elle que partent
des racines très - nombreufes, cylindriques
1 ougues, de huit à dix pouces au plus, & d’une
ligne de diamètre à-peu-près,. »
■ ” tige de là Canne , lorfqu’on la récolte
fe divife en deux parties ; l’une dépouillée de
feuilles, celle dans laquelle le fucre eft tout
foi me, préfente quelquefois jufqu’à 50 noeuds-
Cannes; l’autre.eft nommée tête de Canne. Elle
eft formée de noeuds-Cannes, qui font à divers
degrés d accroiflement, & dont les feuilles vertes^
au nombre de 12 à 15^ s’élèvent fur deux plans
oppofés en forme d’éventail, jj