
mife en réferve. Les grains qu elle contient
font noircis de Carie ; on ne peut les employer
pour femence : ils ne font pas en grande
quantité. M. Dolléans, Curé de Montboiffier ,
avant fait battre huit cent foixante—quatre gerbes
fur le cylindre, ne retira de la paille, quand il
la fit battre enfuite au fléau, que trois minots tie
froment, mefiire de Chartres, ou environ cent
cinquante livres.
En employant cette manière combinée de battre,
un homme, fuivant M. le Curé de Montboiffier,
peut battre en un jour un cinquième de plus,
que s’il battoit les gerbes uniquement au fléau.
Je crois qu’il fe fatigue davantage , parce crue,
non-feulement tout ion corps agit, mais fes mains
font toujours remplies, & par conféquent fes bras
chargés.
Je n’ai point effayé jufqu’à quel point ce battage
fur le tonneau ou fur le rouleau pouvoit
diminuer l’effet de la contagion de la Carie *, mais
on entrevoit facilement que cet effet doit être
confidérable : on m’a bien certifié que des Fermiers,
qui en faifoient ufage, en aidant cette
opération d’un bon chaulage, ne récoltoient point
d'épis cariés, & je fuis très—difpofé à le croire.
5j.° Dépuration par le battage au fléau'avec de la
terre en poudre.
Dans la Gazette de France, du 8 aü 10 Octobre
1787, on a annoncé une manière de détacher
le grain Carié, qui confifte à répandre fur les
gerbes infetfées, avant de les battre au fléau,
une terre féchée au four & pulvérifés, à la dofe
d’une ou deux poignées par gerbe. Suivant l’annonce
, le grain, bien criblé enfuite & féparé
de la terre, n’eft point noirci’, mais la terre,
chargée de la poudre de Carie , prend une couleur
brune. On trouve cette terre au village de
Traizay , près Alluye-én-Beauce, entre Chartres,
Orléans & Vendôme. Pour nétoyer trente muids,
chacun de douze fetiers, chaque fetier de deux
cens livres, il faut un tombereau de terre, pris
à la carrière, ou la moitié d'un tombereau, fi
on la fait fécher à la carrière. L’annonce ne dit
pas quelle eft la continence du tombereau. L’ufagc
auroit bien-tôt appris ce qu'il feroit néceffaire
d’en employer.
D’aprcs les informations, que j’ai fait faire fur
les lieux, cette terre n'eft autre chofe, que celle
dont on fe fert pour faire de la tuile & de la
brique, c’eft-à - dire , un mélange d’argille , de
terre franche & de fable. Il eft facile de s’en
procurer dans beaucoup de pays *, mais elle doit
avoir l’inconvénient de gâter les bâles du froment,
qu’il n’eft plus poffible de donner enfuite aux
befiiaux, de durcir le grain, qu’il faudroit peut-
être mouiller un peu, fi on vouloit le moudre,
& de le rendre rude à la main , & par conféquent
peu marchand. Le froment ainfi épuré, n'eft bon
que pour femence. Quelques Fermiers,, à ce
qu’on affufe, ajoutent à la terre un quart de
farine d'orge non bluttée, c'eft-à-dire , dans la-
truelle le fon refle •, l’effet en eft plus certain, & ie 1
froment conferve plus de qualité comniercialé.
Cette manière d'empêcher les grains fains de |
fe noircir d&-Carie, n’eft pas particulière à un
canton de la Beauce : on la pratique aufli dans
le Comté d’Eu, & auprès d'Argeman en NonI
mandie. Vraifemblablement elle eft connue dans 1
beaucoup d’autres pays.
C'eft par une aèlion méchanique que le fro-1
ment fe dénoircit dans cette opération. La terre I
eft fèche, & la poudre de Carie qui entache le
grain , eft une matière gradé. On ne peut ffoiffer
le grain contre la terre & la terre contre le grain,
que la poudre de Carie ne s’attache à la terre;
on n’aura donc pas de peine à croire qne ce j
moyen n'ait eu du fu'ccès. Les Fermiers qui l’ont
employé, n’ont pas négligé de chauler enfuite le I
froment dénoirci, perfuadés fans doute que la!
totalité de la Carie n’étoit pas enlevée.
Au lieu de jeter la terre fur les gerbes, avant ;
de les battre, quelques perfonnes mêlent la terre i
au grain battu. Il fe dénoircit aufli dans cette I
opération, & par cette raifon, produit moins
d’épis Cariés; niais il conferve de la Carie, comme J
on peut le voir dans le réfultat de l’expérience j
fuivante.
Au mois d’Oélobre 1787 , je divifai un champ
en cinq parties, pour les enfemencer avec duI
froment, produit par des tiges Cariées & très-en-
tachées.
Je ne-fis aucune préparation à celui de laj
première partie ; un tiers de fes épis fut Carié. I
Celui de la deuxième partie fut'feulement j
froilfé avec beaucoup de foin dans la terre franche
, très-dure , féchée au feu & puivérifée ;]
il ne fut pas dénoirci en totalité. Il donna uni
quart d'épis Cariés.
Avant de froiffer dans la même terre la fe-J
mence de la troifième partie , j’enlevai à lamainl
les grains Cariés. Cette femence ne fut pas dé-l
noircie en totalité ; elle donna aufli un quart
d’épis Cariés. *
Ce qui étoit defliné pour la quatrième par-l
tie, fut mis dans l'eau, afin de donner la faci-1
lité d’enlever les grains qui furnageroient, &
fur-tout les grains de Carie ; on le froiffa en-
fuite avec la même terre. Le froment parut plnfl
dénoirci que celui de la deuxième-& de la trôij
fième partie, parce que la terre fèche en te.
chargeant de plus d’humidité, avoit enlevé pM
de poudre de Carie ; néanmoins il donna encore
un quart d'épis Cariés.
Quant à la femence de la huitième partie,
j’en fis ôter d’abord à la .main les grains de Carie
; puis on la froiffa dans de la terre , puis
la mit tremper dans l’eau de chaux. Elle produim
environ ving épis cariés par gerbe, c’eK-à-ojrf>
1 un 240e.
Il eft donc évident qu’en froiffant de la terre,
ou avec des gerbes. Cariées, ou avec des grains
de froment entachés de Carie, on les prive feulement
d’une partie de la poudre contagieufe ;
c’eft toujours une avance, parce qu’il refle moins
à faire au chaulage. Des deux manières, la première
me paroît préférable , parce que le mélange
de la terre avec le grain après le battage,
ne produit qu’un froidement très-foible.
On affure que, pour rendre marchand du froment
entaché de Carie, des Fermiers ou des
Coipmerçansy mêlent unboiffeau de chaux puivérifée
fur leize feptiers de froment, me-
füre de Paris ; qu’ils laiffent ce mélange quatre
ou cinq jours fans y toucher, qu’enfuite ils le
gaffent au crible à petirs trous, puis, à plqfieurs
réprifes, au crible d’archal. Il n’efl pas poffible
de croire que du froment ainfi traité, foit marchand,
à caufe de la rudeffe qu’il acquière.
Je fais que des Commerçans, pour donner au
bled de la maini c’eft à-dire, pour qu’il gliffe
dans la main, caraétèie qui indique du bled de
bonne qualité, font humeéter avec un peu de
crème la pelle avec laquelle on le remue. Je
foupçonne que les Marchands & les fermiers
dont il s’agir, ont recours à ce moyen,.
4.® Dépuration par le Moulin.
Pour purifier ou éther ainfi le grain Carié „
les Meûmers prennent pour leur falaire un trente-
deuxième , c’eft-à-dire , moitié moins qu’ils ne
prennent pour la mouture du froment ; ce qui
prouve que l’aéfion du moulin eft double ; le
grain éprouve communément un vingt-quar
trième de déchet. 11 y a quelques grains qui s’é-
crafent. M. Salin Dauvin , Garde-Magafin des
Vivres, dont je tiens ces détails, m'a envoyé en
même-tems un échantillon de froment purifié
par le moulin, & un de froment non purifié. J’ai
fçmé-féparément l’un & l’autre en 1787, fans les
chauler; J’ai trouvé un quart d’épis Cariés dans
le produit du dernier, & pas un feul dans celui
du premier. Je n'en conclus pas-que le froment
dépuré par le moulin n’ait jamais befbin
de chaulage. En 1788, année où ^ài récolté ces
produits, les cultures, avoient moins de dif-
pofirion à la Carie., Le froment de New-Brifack
étoit de la récolte de 1785 ; les bleds vieux en
général, à contagion égale, produifent moins de
Carie que les bleds nouveaux. Ces deux cir-
conftances ont pu remplacer le- chaulage.
5.0 Dépuration par Us criblages.
Lorfqu’on paffe du froment entaché de Carie
au crible rond, formé de peau & percé de
petits trous, le mouvement de rotation qu’on
lui donne, détache quelques portions de la poudre
de Carie qui s’échappe , &; aucune à la fur-
face , la plupart des grains de Carie qu’on ôte
avec la main. Prefque toute la poudre de Carie
refle adhérente aux grains fains, fi on fe
contente de les cribler une ou deux fois. Mais
on parvient à éclaircir entièrement le froment
par ces mêmes criblages répétés un grand nombre
de fois pendant le cours d’une année, 5c
fur-tout quand il fait bien chaud, la chaleur
defféchant la poudre & le grain. Indépendamment
des criblages, quelques Fermiers de la
Haute-Alface & de beaucoup d’autres pays, font
jeter leurs fromens avec force contre les murs
des greniers , jufqu à ce qu’ils les aient éclaircis.
Rien n’eft plus expéditif. pour cribler que le
fil d’archal. Difpofé en plan , incliné & formé
de fils-de-fer, affez preffés lès uns contre les
autres, il reçoit fupérieureinent le grain, qui
ne parvient en bas qu’après avoir été balioté &
froiffé. En répétant un grand nombre de fois
cette opération, on vient à bout de le dénoircir
entièrement.
Pour favoir quel degré de purification on
pourroit obtenir par ce moyen , j’ai femé
en 1782 , du froment qui avoit été très-en-
taché de Carie, mais paffé douze fois au crible
d’archal & du même froment paffé trente fois
à ce crible : ce dernier- étoit tellement dénoirci,
qu’il n’y avoir plus lieu d’efpérer qu’aucun cri