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Lavage des laines.
On ne peut difconvenir que les Efpagnols ne
foient nos maîtres dans l’art de laver le? laines.
Une grande habitude, un intérêt puiffant , &
peut-être des facilités locales leur donnent en
cela beaucoup d’avantages fur les autres nations.
Je me fuis procuré des détails qu’on ne trouvera
pas déplacés i c i , à ce que j’elpère -, ils peuvent
fournir des. lumières aux propriétaires des troupeaux
& aux fabricans François.
Aufli-tôt que les tondeurs achèvent de couper
les toifons, on les remet aux apoertadores,
nom qu’on donne aux ouvriers, qui les lient &
qui féparent les différentes qualités. Ces ouvriers
font tellement exercés , qu’ils voient à ,
quelle partie de l’animal appartient le flocon de
laine qu’on leur prél'ente. Lorfqu il a été quef-
lion plus haut de confidérer lès laines en elles-
mêmes , j’ai dit que les Efpagnols en reconnoif-
foient de quatre fortes fur une même bête, &
je tenois cette affertion & la diftinébion de ces
quatre fortes d’un Mayoral Efpagnol. Quelques
perfonnes prétendent qu’il n’y en a que de trois
fortes, peut-être .parce quelles ne comptent pas
celle des jambes & des hanches, qui eft la quatrième
qualité. Toujours ëft-il vrai, que toute
Bête à laine a pltifîeurs, fortes de laine fur le
corps. Quand la féparation des laines eft faite,
on les étend fur des' claies de bois, on les éparpille
, on les bat pour les purger de la pouf-
fière & des ordures, qui s’y attachent, & on les
porte aux lavoirs. J’aurois defiré à la defcription ,
qui fu it , pouvoir joindre un plan-, elle eut été
plus facile à comprendre. Mais les détails m’ont
été remis fans plan -, je ne crois pas néanmoins
Revoir les fupprimer. Ils ne font pas clairs dans
l’original -, j’ai tâché de les rendre de la manière
la plus facile- à faifir.
11 y a plufieurs lavoirs dans le canton de Sé-
govie. On diftingue fur-tout celui d’Ortijola,
à trois lieues de Saint-Ildéfonce. On y lave toutes
les laines qu’emploie la fabrique Royale de
Guàdalaxara. Suivant l’Auteur du nouveau
Voyage en Efpagne, année commune, il pafte
à ce lavoir quarante mille arrobes ( ou dix mille
quintaux) de laine en fuint qui peuvent feréduire
à un tiers ou à moitié, par cette opération,.
qui en enlève les ordures & la majeure
du baftin eft de pierres taillées & unies, afin qu ($f
puiffe ^ m a r c h e r facilement. Lès côtés du canal'
font aum revêtus de pierres de taille : le fond
lèul eft recouvert en planches bien jointes, tant
pour la commodité des ouvriers , que pour em.
pêcher qu’aucun floccon de laine ne, s’arrête 8£
ne fe perde dans les jointures.
Le canal, dans fa longueur, doit avoir une
pente d’environ une demi-vare ; il eft traverfé
à fon extrémité par une groffe pièce de bois,
tellement jointe au fond & aux parois des côtés,
que l’eau ne peut paffer que pardeflus. Le canal,
non compris le baftin , a dix-huit palmes de long-
la pièce de bois de l’extrémité- doit être tellement
partie du fuint. Les fabricans, qui reçoivent cette
laine, lui donnent encore une préparation.
Le lavoir eft communément près d’une rivière.
On en détourne une certaine quantité d’eau, qui
entre dans une rigole de pierre de taille & forme
d’abord un petit baffin de fix à fept palmes de
circonférence , ( la palme eft de huit à neuf
.pouces) & d’environ huit pouces de profondeur;
de là elle coule dans un canal, pour s’échapper
par une ouverture, qui y eft pratiquée. Lefond i
difpofée, que l’eau foit nivelée jufqu’j
une y are & demie au-deflous de l entrée du baffin
( la vare eft d’une aulne & demie ou foixante-
fix pouces de France. ) A cette entrée du baffin
dans le canal eft une petite pièce de bois,
de fix à fept pouces de haut, qui fait refier
l’eau dans le baftin à . hauteur convenable. Il
faut que la rigole, par laquelle on amène 1 eau
de la rivière dans le baftin, procure à. deux vare
s avant d’entrer dans le baffin un courantfuf-.
filammsnt rapide.
A la diftance d’une palme de la groffe pièce
de bois de l’extrémité- du canal, on pratique,
^ au fond du canal, une ouverture d une palme
& demie de long, fur cinq à fix pouces de
large, qui répond à un conduit extérieur, pouf
| l’écoulement de l’eau reliée dans le canal. Ou
ferme cette ouverture avec une trape, ou vanne,
qui fe trouve au niveau des planches, du
fond du canal. De deux heures en deux
heures , pendant quon lave les laines, on
lève la trape pour vuider l’eau la ie , & chaque
fois on balaye le canal. On a foin, auparavant
de ramaffer les flocons de laine, ou de
-les* faire paffér à l’extrémité du canal, dans un
filet qui s’ÿ trouve placé.
. Ce filet , de fil de chanvre Bien tors, à
maillés ferrées, fe cloue à la groffe pièce dé
bois, qui eft à l’extrémité du canal, & en de
hors. Il doit avoir quatre varès de longueur, nu
autant de largeur; on l’étend fur un quant
long dé bois, appuyé fur des pieds forts, «•*
préfentant un quadre de lit. Les bords du
font foutenus par un ofîer , q u ’ o n amiçt
aux traverfes du quarrë long, afin que len,e
foit tendu autant qu’il eft poffible.
Tout l’appareil du filet formé un plan in-
cliné d’une palme & demie, depuis fon extr
miré, jufqu’à fon attache à la g r o ffe pièce ■
bois, qui termine le canal. Pour produirecef
inclinaifon, les pieds du quarrë' -long, Ç” 1.
d’appui au filet, font plus courts du côté
canal. L’eau fale du canal s’éboule par
premières mailles du filet ; là , deux
remuant lès pieds -trèb-vîteféparent, g 1
tout les flocons de laine dans, la partie, la plus
levée du filet, où l’eau ,ne monte., pas;, un
futre ouvrier prend ces flocons ; par ce moyen
lien ne fe perd- - ; ■ ■ i . _
K A pende diftance du canal, & dans un lieu
louvert, il y a une chaudière, pleine d’eau,
ïuon fait chauffer, de manière qu’on puiffe
fncore y tenir la main. Cette eau paf fenar
de gros robinets, & dès; tuyaux , dans des foffes,
quarrées ou ovales, appellées tinos, faites de
lierres de taille , d’une profondeur^telle qu’un
|oir,me, de hauteur, moyenne , puiffe y,entrer
pfqu’à la poitrine. Ôn les remplit d’eau , aux
Jeux tiers, ou tm peu plus* & on y jette
fnviron deux arobes de laine, que quatre ou
iinq hommes enfoncent, ou en y entrant, ou
Ivec des .bâtons. On continue d’en jeter, peu-
Irpeu, & de ■ fouler. Quand il. y en a de
finfft à vingt-quatre arobes, & que les bâtons
fie peuvent plus entrer jufqu’an tiérs, on ceffe
l ’y apporter de la laine. Comme le bon lavagé
Bônfifie dans la. perfection de-cette opération;
In verfe, dans les foffes, le plus d’eau qu’il eft pof-
$ble. Chaque qualité de laine fe lave à part , & dë-
Kande de l’eau plus ou moins chaude, félon
ion degré, de fineffe.' Ordinairement un lavoir
contient trois foffes femblables,- qui font
iontigues ; on les remplit toutes les trois. Dès
qu’on en a vuidé urie,; on y remet de nouvelle
fiine, en remplaçant; avec de l’eau claire ,
& chaude, l’eau fale, qu’on en ôte à chaque la-
p c .
■ L’arobe n’a pas la même valeur dans les
différentes villes d’Efpagne, ni en Efpagne , ni
én Pprtügal|.|L’arohe de Madrid pèfe vingt-
fflnq livres efpagnoles, qui égalent, vingt-trois
livres & un quart de Paris. L ’arobe de Séville
& de Cadix pèfe 25 livres, qui font vingr-
lh. livrés & demie de Paris ; enfin i’arobe de
|oriugal eft de trente-deux livres.
■ Pour enlever la laine des foffes, on fe fert de
Iganiers d’ofier, de cinq à fix pouces de hau-
Kin'; un homme les remplit, un; fécond lui
■ |onne les paniers vuides, & prend les paniers
pleins, qu’on emporte à l’ouvrier, qui doit
®uler la laine, pour lui ôter la craffe la plus
paiffe, & la plus grande partie de. la graiffe.
Mpe cclui-d, elle paffe à des en fan s, qui la
B ent en l’air , & la biffent.enfuice retomber,
H1!*3 fecouant avec les mains, pour la faire
■ iner. Tout ce travail fe fait fur un plancher,
en pente ) afia de laiffer écouler l’eau fale des
■ »ers. Une claie , à l’extrémité de la conduite
|cette eau, retient ce qui s’échapperoit de
lam‘i r t enXans » S ; en l’éparpillant la j
' fiaffm,%ù deux hojpmçs, fou tenu
appuyés fur un bâton placé fur lés deux bordj*
du baftin , la remuent fortement, chacun aveq
le ,pied contraire, en avançant.alternativement,
afip de ne pas s’embarraffer. Un troisième homme,
à l’endroit où le canal fort du baftin, frotte-
encore la laine par le mouvement rapide, tanv
tôt d un pied, tantôt de l’autre. Deux ou trois
hommes le fuivent , aufti occupés au mêmç
objet; ces derniers ne font pas toujours néeef-
taire? Mais plufieurs autres ouvriers, difpofés
dans le. rçfte de la longueur du canal, retirent
la laine , par braffées, & la jettent fur
un plancher, voifin du canal, où deux ouvriers
lar relèvent, & la mettent fur un terre-
plein, couvert de pierres de taille , qui a la.
figure d’un pupitre , & par conféquent
très en pente. L ’eau, qui dégoutte de la laine,
vient fe rendre vers l’endroit où ëfl reçue l’eait
fale des foffes. On l’arrange, fur ce terre-
plein, en piles, difpofées les unes- à côté des,
autres, fuivant la pente du ter-re-plein. Quand
ïa première; eft finie, on commence -la fécondé.
Par ce moyen, l’eau, qui s’écoule d’une pile,
ne peut tomber fur l’autre.
Lorfque lajlàine, ainfi aftàiffée, ne rend plus
d’eau, les ouvriers la portent dans un pré ,
"dont l’herbe eft courte, hieù nétoyée & propre.
On la laiflè en petits monceaux, dont chacun
eft comçofé de la charge d’un homme. Le
lendemain matin on la remue de nouveau, en
la fecoüant à la main, par petites portions ;
deux heures après, on l’étend fur le pré; on
la retourne trois fois par jour, jufqu’à ce quelle
foit fèche. Deux jours de beau tems & de fo-
leil fuffifent.
Il y a deux extrêmes à éviter également;-
l’un, c’eft de ne pas relever, ou emballer la laine
pendant l’ardeur du fole il, à moins qu’on ne-
craigne un orage prochain ; l’autre; de ne point
l’enfermer humide. Le fcleil la brûleroit, &
l'humidité la -feroit fermenter, & empêcheroit
d’en conftatër le poids net.
Pendant que la laine éft étendue fur le pré,/
pour féçher, & au moment où on la retourne j
trois ou quatre apartadores ôtent la laine dé-
feôluéufe, & celle Vqui- né répond point à la
claffe. .Dans la' pièce où on emballe , on fait
encore le même triage ; on le fait fur une claie,
ou, grillagé de bois, Êien uni, & à petites
majliës, pour que la poulfière s’en féparë en
piême-tems. On porte enfuire la laine à la
Balance ; on en forme des paquets du poids
de deux arobes, qu’on pofe aux pieds de V-tftive*
Ori. appelle ainfi quatre cordes, auxquelles
font fufpendues les toiles des balles. Un homme
entre dans la balle , pour fouler, avec les
pieds' , la laine, qu’on, lui dorme ; enfin on
en ..fait des charges de huit à dix arobes, q«