
5 o? B A I
dénominations précédentes fe donnent à des terres
conduites par des valets pour le compte des
propriétaires. Le mot de Gagnage, adopté en
Lorraine f eft peut-être l’origine d’un terme de
«haffe. On dit que les cerfs, les biches, & autres
fauves vont au gagnage, quand des forêts ils fe
rendent pour paître dans les terres cultivées &
«nlemencées.
Le Bail à Chetel eft celui par lequel on loue
•<m des beftiaux feulement, ou des terres & des
Jjeftiaux, dont on partage le produit. 11 fuppofe
toujours qu’on loue des beftiaux.
Sa durée peut être de trois, de fix, ou de
» euf années, fuivant la volonté du propriétaire,
ou du fermier-général.
Lès conditions de cette efpèce de Bail ne font
■ pas les mêmes par-tout. Elles varient infiniment..
Je rapporterai d’abord celles qui font le plus
connues, & le plus généralement adoptées, &
cnfuite celles qui font particulières à certains
pays. L e cultivateur , qui prend un
Bail à Chetel, s’appelle Metayer. Il eft obligé
de labourer, fumer & farder les terres, faire les
récoltes à fes frais, nourrir & foigner les beftiaux.
La femence eft fourme par le propriétaire ou le
fermier-général, & par le métayer. Les beftiaux
appartiennent au propriétaire, & quelquefois au
fermier-général. Quand c’eft au propriétaire, ils
jeftent dans la ferme ; on en fait l’eftimation à
l ’entrée du nouveau métayer, qui a foin de les
conferver ou de les renouveller, de manière qu’il
en laifle autant qu’il en a trouvés. Les volailles
font ordinairement exceptées -r le métayer ; s’il
en veut élever, s’en procure. Le maître & le
métayer partagent également tous les produits.
Ils ont chacun la moitié de tous des grains & de
tout l ’accroiffement des beftiaux-, c’eft - à-dire , ;
moitié des laines, moitié des agneaux, des veaux,
des cochons, des boeufs, ou des vaches qu’on
.vend. Les pailles relient à la métairie pour la
nourriture des beftiaux. Les'pertes fur les beftiaux
fe fupportent par moitié, comme les-,profits fe
partagent ; ce- qu’on appelle partager le croît-&
1 q.-décroît, ou location à mi-croît. Les impofitions
font payées par égales portions. Quelquefois la
taille d’exploitation , dans les .pays où elle eft"
d’ufage, eft payée par le métayer feul; quelquefois
le maître paie tous les impôts-fur fa part.
Lorfque les foins font un des principaux produits
de la métairie, on lés partage par moitié'• autrement
on les Iaiflê pour les beftiaux, ou l’on ne
partage 'que ce qui excède leur nourriture.' Les
inftrumens de labour appartiennent au propriétaire.
Tantôt c’eft le métayer, tantôt c’eft le propriétaire
qui paierie prix du Bail) fi ce Bail eft
paftë pardevant Notaire.
Si la récolte vient à manquer, le propriétaire
& le métayer ne fe doivent rien l’un a l’autre.
En général, les conditions font d’autant moins
svantageufes pour le maître; que les terres 4e 1&
b a i
métairie font d’un moindre produit, & vite verfâr
Voilà la caufe des principales différences qui
fuivent.
11 y a des métairies où le propriétaire retire plus
de la moitié de tous les fruits -, il reçoit chaque
année une fomme en argent. On en voit des
exemples en Brefle, & auprès de Valence en
Dauphiné • ils prouvent la bonne qualité des
terres.
Dans le pays d’Aunîs les métairies font, ou à
moitié, ou au tiers, ou au fixième pour le
métayer.
Dans le Quercy, lorfque le propriétaire fournit
toute la femeiice, il ne revient au métayer que
le tiers du produit. Sur ce tiers, il eft chargé dès-
frais de culture, de la récolte & du battage. Bâné
le cas où toute., la femence Teroit fournie par
le métayer, il partage^ tous les fruits également.
En Corfe, le propriétaire a la moitié du : pro •
duit des vignes, fans rien dépenfer -, à l’égard:
des grains, il a la moitié en donnant toute la
femence, & le quart feulement en n’y contribuant
pas.
Les métayers partagent avec le maître la moitié-
du lait, des brebis ou des fromages, la moitié de
l’huile, dés figues, raifins, & c ., & des légumes'
même, quand ces objets font partie du ‘produit
des métairies; comme le comtat Venaiffin &
Àubagne en Provence m’en ont fourni des;
preuves. Dans ce dernier endroit, le propriétaire
fe réferve les deux tiers du vin -, il donne pour
'• les grains la moitié des engrais, quand les terres'
; font foiblès. %
Je fais qu’à Fort aventure, une des iftes Canaries,,
les propriétaires, qui ont beaucoup"de terres, et*
prêtent aux autres pour en partager la récolte.
On y prête aufli des vaches fous la même condition,
avec la liberté dè les reprendre quand on
le juge à propos.
Quoique, dans les métairies, les beftiaux appartiennent
ordinairement au propriétaire ou au
fermier-général, il y a dès métairies où le métayer"
.en a la totalité, ou la. moitié, ou une partie en
propre. Dans le fécond, & quelquefois dans te
premier cas, le profit des beftiaux fe partage
par moitié-, mais le métayer feul a Ie^profit des
bêtes qui lui appartiennent, quand il-'n’ÿ en a
gue très^peii parmi celles dn maître; Athènes,,
ila.Corfe;, le. Limoufin, le Vivarais, offrent des
(exemples de ces conditions dans les baux h chetel.
:AS. Paul-trois-rChàteaux, en Dauphiné, le métayer
paie l’intérêt de la moitié des- beftiaux qu’on
lui fournit;
A Réalmont en Comminge, non-feulement les
beftiaux, mais encore les uftenfiles, font fournis
à moitié par le propriétaire & le cultivateur.
, En Normandie, on appelle hôte le métayer, qui
ifous-Ioue du fermier général, fur-tout des feef—
fiaux, parce qu’il les foignp & les loge. On dit eja
B A I
ÜLôrraine, donner des beftiaux a hôte * quand on
tn prête à des fermiers.
Jufqu’ici je n’ai parlé que des Baux h chetel
pour des métairies, c’eft-à-dire, pour des domaines
compofés de bâtimens, de terres labourables, de
prairies, & de beftiaux propres au labour. Mais
il eft une autre forte de location moins confidé-,
rable, où il n’y a qu’une petite habitation &
quelques arpens dé,terre’, fans beftiaux de labour,
mais avec des vaches qui appartiennent au maître,
& dont l’accroiflement fe partage par moitié.
Ces locations, en Anjou & dans le Maine, s’apellent
cloferies, & en Sologne locatures. Placées
côté des métairies, elles leur font très-utiles.
'L e clofier ou le locataire & fa famille aident
le métayer dans fes travaux. Les boeufs du métayer
labourent. les terres du clofier.
On peut donner des beftiaux à loyer fans les
bâtimens. Cette efpèeé de location eft défignée
par les noms de ga^aille , commande, B a il, me-
gerie, Brevet, croît & mi-croît. Elle a lieu pour
des vaches & pour des bêtes à laine. En Normandie,
on donne une vache qui eft à fon premier ou
à fon deuxième veau, pour trois années, moyennant
une petite redevance par an, par exemple,
quatre livres. Le preneur eft obligé de la nourrir,
de Théberger & de la foigner. Au terme preferit,
il rend la vache, qui a pris de l ’accroiflement,
& a plus de valeur. Si, pendant ce Bail, elle meurt,
fans que telocataire ait aucun reproche à fe faire,
/ ce qui eft prouvé par des experts, il fuffit qu’il
en rende la peau -, mais il paie une fomme
convenue, fi la vache eft morte par fa faute.
En Lorraine, on fait l’eftimation de la vache
en argent -, le preneur s’oblige de la nourrir &
d’élever tous les veaux. Il profite du laitage, &
vraifemblablement des fumiers. Au bout des trois
années, le propriétaire reprend la vache ou la valeur
ù laquelle elle a été eftimée en argent. Les veaux
i e partagent par moitié, ou en nature* ou en
argent. On loue dans plufieurs provinces de cette / j
manière, à quelques modifications près, des troupeaux
entiers, pour deux, trois, fix ou neuf
années.
En Normandie, on aflocie ordinairement deux
brebis' pleines à, chaque vache louée par brevet. *
La laine & les agneaux fe partagent. A la fin du
Bail la vache & les deux brebis font quelquefois
vendues,. & l’excédent de ce qu’elles ont coûté ;
«fi partagé entre- le preneur & le propriétaire.
En Lorraine, la location des brebis e.ft encore
plus favorable au preneur. Je fuppofe qu’on
lui en loue fix pleines, à la fin des trois ans il
fait des mères brebis & des agneaux, deux lots
dont le propriétaire a le choix. Il acquiert donc
trois mères brebis qu’il n’avoit pas, & la moitié
de l ’accroiflement. Tous les ans, la laine fe par-
îage également. Cet ufage a lie u fa n s doute, en
B Â I
Lorraine, pour donner au fermier un troupijiQi
qu’il ne feroit pas en état de fe procurer.
Si, pendant la durée du Bail, ce troupeau, ou
quelque bête du troupeau vient à mourir, te
fermier n’eft tenu que d’en rapporter la peau,
fans rien répéter pour les frais de nourriture, à
moins qu’il ne foit conftaté qu’il en eft caufe, oit
par négligence, ou pour l’avoir mal nourri; clans
ce cas, il paie le prix du troupeau ou la fomme
portée dans le Bail.
Que. ce foit des troupeaux un peu confidé*
râbles, ou de petits troupeaux, ou quelques bêtes
feulement qu’on loue par Bail a Chetel, il y a
en général deux manières q*d portent deux noms
diftinélifs. Si les bêtes font louées fous la condition
de les rendre en nature, en même nombre,
& en même qualité, à la fin du Bail, d’après l’efti -
mation faite en le commençant, cela s’appelle
Chetel de fer ; parce que, dans ce cas, le locataire
qui auroit manqué de profiter, ne pourroit pas
qbliger le propriétaire à lui. tenir compte de fes
pertes^ Mais fi le propriétaire , au lieu d’exiger
qu’on lui rende chef pour chef, demande feulement
la valeur du bétail en argent, le contrat
n’étant, pour ainfi dire, qu’une obligation d’argent
prêté fans intérêt, on le nomme Chetel mort>
parce que le bailleur ne reçoit aucun profit direél
■ de fon prêt.
Beaucoup de métayers jouiflent fans Bail,
& même fans qu’on fixe, de terme à leur
location. Les propriétaires les renvoient, quand ils
n’en font pascontens. C’eft l’ufage dans la Marche.
Mais ils ont le plus grand intérêt à conferver
leurs métayers. Aufli voit-on des métayers qui ne
changent jamais, & dont les enfans fuccèdent
aux pères de teins immémorial.
Beaucoup de propriétaires, même ne réfidant
pa$ fur les lieux, ne donnent point leurs métairies
a des métayers, mais les font exploiter pour leur
compte par desmaîtres-valets, qu’on appelle dans
quelques endroits grangers, nom qu’on donne
fou vent aufli aux métayers. Les propriétaires four-
niflent les l ’emences, les beftiaux, les uftenfiles, &c. 1
Lès maîtres-valets font 'obligés de rendre tous les ’
produits. Ils font falariés ou en denrées ou en
argent, ou partie en denrées & partie en argent.
On leur.permet d’avoir des volailles à leur profit,
d’enfemencer en légumes ou en lin quelques'
portions de terreins pour leur ufage. Cette "efpèce
d exploitation , a Heu, entr’autres pays, dans les
montagnes du Lyonnois, à Villeneuve de I’Ecuflân
en Gaicogne, à S. Saturnin en Provence.
Dans les environs de Genève, on fait mention
dans les baux du dédommagement que le pro^
priétaire donnera au fermier ou au métayer,
qu’on y appelle granger, & au vigneron même \
en cas de tempêtes, de gelée, ou d’épizootie -, on
a recours alors à des experts afiermentés par 1®
juge> pour la déduélion à faire.
Tels font les détails variés que j’ai pu me pre*