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deux Nopaleries doivent être à une diftance con-
fidérable lune de l ’autre. Thiéry juge que dette
diftance doit être de cent perches, comme j-^ai
dit, pour qu’on foit certain que les cochenilles !
filveftres ne pourront pas être tranfportées parmi
les fines, Thiéry veut que cet intervalle foit,
fi faire fe peut, rempli par des plantations afin
d’apporter par* là un d’autant plus grand obf- ,
taclc à ce transport.
Ce font-là les ennemis de la cochenille fur
lefquels Thiéry a pu avoir des connoiffances >
exactes. Mais il eft poflible qu’il y en ait encore ;
d’autres, fur-tout entre les infeéles. On voit,
par exemple, dans la relation qu’il donne de
Ion voyage à Guaxaca; qu’il a vu chez l’A l-
■ cade nègre de San Juan del Rev, des infeéles ;
cloués fur une articulation de Nopal ; que ce
nègre lui a dit que c’étoient les ennemis de la :
cochenille, & qu’il a remarqué parmi ces ennemis
trois efpèces de coccinelles. Cependant
il ne parle, dans fon Traité de l’éducation de la
cochenille que d’une efpèce de ces coccinelles
^que j’ai décrite ci-deffus. Il faut fe reifou venir,
à cçt égard, que Thiéry a été furpris par la mort.
avant d’avoir mis.fon ouvrage dans fa perfec-'
tion. Quoi qu’il en foit, Thiéry affure qu’avec
un peu de diligence & en faifant une vifite tous i
les matins^ dans fa Nopalerie, ; on n’éprouvera
jamais beaucoup de dommage de la part des enne-
, mis quelconques de la cochenille.
Au fujet des ennemis de la cochenille, il eft
bon d’être prévenu que les araignées, bien loin
de leur nuire en aucune manière, leur- font;
au contraire utiles. Thiéry affure qu’aucune
araignée j i e mange de cochenille. Les greffes :
araignées mangent les ravets, qüi font au nom-,
bre des ennemis- du Nopal, comme j’ai déjà!
dit. Les araignées, qui tendent des toiles, y prennent
plusieurs infeéles nuifibles, tant au Nopal
qu’à la Cochenille; Enfin cesitoiles arrêtent les
fourmis & défendent les cochenilles contré leurs;
attaques.
Des acciclens qui peuvent nuire aux Cochenilles
fine & filveflre.
Il n’y a aucun accident qui nuife direéle-
ment aux cochenilles filvèftre & fine, fi ce n’eft
le froid, la pluie ou la grêle. Quand on feme
aux époques les plus convenables, l’accident de
la pluie eft extrêmement rare, tant au P o r t - :
au-Prince qu’à Guaxaça, Mais, quand il fur-
vient, il eft très-dommageable. L ’accident de la
grêle eft encore plus rare : j’ai déjà dit qu’il en
tombe très-rarement en Amérique, Quant au
froid il paroît, d’après les obfervations de Thiéry,
qu’on en redoute quelquefois les effets à
Guaxaca. Il ne dit pas fi ce dernier accident
eft à çraihdre au Port-au-Prince. Je vais trai-,
ter léparément de chacun de ces trois accidens.
Quant an froid, quoique Guaxaca foit fitué
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fous là -Zone-Torride, & que j cotrnnè j’ai de'|j,
dit, la température qui’ y règne 1 le plus ordit
nairement, foit peut-être un peu trop chaude
pour la cochenille; néanmoins la chaleur y eft |
auflî quelquefois trop foible pour ces infeéles-
Thiéry dit qu’un grand froid les tue, mais il né
dit, pas fi le froid eft quelquefois affez fort à!
Guaxaca ou au_Port-au-Prince pour les tuer,
on fait par expérience, çômme j’en ai déjà dit
un mot, qu’une température qui fait defeendro i
le thermomètre de Réaumur au huitième degré
au-deffus du terme de la congélation., eft un. I
froid préjudiciable aux cochenilles. Thiéry dit
que l’accroiffement de la groffeur des coche-1
nilles celle dès le moment qu’elles ont été fai-1
fies par ce froid. V o ic i, félon lui, l’expédient
dont les Indiens fe font ^ avifés pbnr défendre
leurs cochenilles des atteintes de ce froid. Ils
ont toujours une grande provifion de crotin de
chevaux ou de mulets bien fec. Lorfqu’ils ont I
quelque raifon de croire que la température
de la nuit fuivànte fera froide au degré que je-
viens de dire, ils répandent ce crotin fec fous
les Nopals, & l’allument dès le commencement I
de la nuit. Thiéry affure que la fumée que ce
feu produit empêche, en fe portant f»r les J
Nopals, le froid de nuire aux. cochenilles. H
convient d’avertir le lecteur que cette pratique
des Indiens du Mexique , rapportée par Thiéry,
eft contradictoire à ce qui eft affuré dans lés
Àméniçés académiques de Linnæus, Thele XCIII,
intitulée , Vlantoe tinBorice, N°* 104; lavoir,J
que la coçhenillç du Caélier à cochenilles ou
des teinturiers ne peut fupporter la fumée. II!
tombe fous le fens quë lorfque le froid aaf-
feélé les cochenilles.au point d’arrêter leurac-
croiffemènt ou les a tuées, il faut les récolteri
au plutôt fi leur grofteur en mérite la peine;l
puis nettoyer les caCUers qui en étoient chargés,!
& femer àu plutôt de nouvelles cochenilles lutI
ces' Caéliers
J ’ai déjà parlé dé la. grêle entre lésj
accidens qui peuvent nuire au Nopal. J’aiM!
que Thiéry n’en a vu tomber qu’une fois enr
cinq ans au Port-au-Prince, & que cette grêle
tombale 15 Mai 1788, & étoit .de la largeur!
d’une piaftre. On conçoit que lorfquun tel ac*
cident fuïvienr, toute la cochenille-tant fine que
filveflre, qui exifte fur les caétiers*, îen plein air,J
dans les cantons où il a lieu; eft entièrementj
exterminée & perdue. Le feuL parti qu’il y ai
à prendre en pareil cas, eft de nettoyer au pwt
les Caétiers de toute la cochenille écraiee»
pilée, dont ils .font falis de tous côtés, en J
lavant foigneufement avec des linges treinp J
dans de l’eau; puis de donner aux .
foins que les fuites ,de.cet accident exigent ai
que je l’ai déjà expofé •, puis de laiffer Pen J
un mois ou deux les Caéliers fans y
, cochenilles, afin que leurs plaies fil cicatri ^
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j qu’ils puiffent fe rétablir de la fatigue qué
ieur caufe un tel accident^uis enfin, lorfqu’ils
font rétablis, de les femer de nouveau en cochenilles,
en ayant l’attention d’y placer une
quantité de mères beaucoup moindre que fi
cet accident ne fût pas furvenu. Si cet accident
a laiffé/fur les Caétiers, une quantité de
cochenilles luffifante pour fournir les mères
néceffaires à cette fcmaille fubféquente ; on
confervera foigneufement ces cochenilles, &
pour êela il ne faudra pas employer le. lavage
pour nettoyer les articulations fur lefquélles '
[elles font refiées; mais il faudra fe fervir, pour
! je nettoiement de ces articulations, d’un couteau
avec lequel on enlevera en raclant légèrement
toute la cochenille écrafée, & d’un linge
fec avec lequel on efluiera les endroits falis par
cette dernière, en prenant garde de ne pas
endommager ;la cochenille reliée faine. Dans le
cas,qui doit être fort rare, où la grêle auroit
dévafté la nopalerie, au point qu’il n’y reliât
pas de cochenille en fuffifante quantité pour
fa femaille fubféquente ; on conçoit qu’il n’y
luroit pas d’autre moyen de s’en procurer,
qu’en l’achetant dans les cantons voifins qui
s’auroient pas éprouvé cet accident; ou bien,
• Vil s’agit feulement de la cochenille filveflre, en
en allant recueillir ;des mères fur les caéliers
que.cette cochenille habite naturellement dans
les lieux non cultivés que cette grêle auroit ■
t épargnés. S’il s’agit de la cochenille fine, on
! voit combien un féminaire eft utile en pareil
«as. . ;
L’accident de la pluie eft prefque aufli dom-
| mageable que celui de la grêle. Il tue la co- !
chenille, en la noyant, la morfondant, la meur- i
[ friffant, l’entraînant. 11 faut cependant diflin- :
I guer. On connoît d^ns l’Amérique méridionale
quatre fortes de pluies.
; i.° Les pluies lentes. ou brameufes. Les
gouttes en font infiniment petites & rares ; elles
; reffemblent à une brume ou à un brouillard,
plutôt qu’à une pluie. Lorfqu’elles furviennent
à Saint-Domingue, elles ne durent jamais plus
ke deux jours* Ces pluies ne nuifent ni à la
cochenille fine, ni-à la cochenille filveflre.
z f Les pluies douces. Elles reffemblent aux
[pluies ordinaires de l’Europe. Leurs gouttes font
plus greffes que celles des pluies lentes .& tombent
plus vite. Elles tombent perpendiculairement
à l’horizon, fans être ehaffées par les vents.
[Quand elles furviennent à Saint-Domingue, elles
durent jamais plus de vingt-quatre heures.
[ La cochenille filveflre n’en fouffre pas. La co-,
chenille fine en eft incommodée, morfondue,
'®°yée; mais elle la fupporte quand elle eft
,^gée d’un mois.
» M ^es pluies connues fous le nom de grains.
sê** gouttes de ces pluies font greffes, & toux-
Agriculture £ Ziwnf
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bent perpendiculairement à l’horizon fans êtr®
ehaffées par aucun vent. Elles furviennent ù
l’improvifte, elles durent à Saint-Domingue environ
un quart-d’heure chaque fois. Ces pluie*
font violentes & lourdes, la cochenille fine ne
les fupporte pas ; le poids de ces gouttes la fait
tomber ou la meurtrit. La cochenille filveflre
les iupporte & n’en eft que légèrement incommodée.
4.0 Les pluies d’orage, connues fous le nom
d'Avalajfes. Ces pluies font mêlées d’éclairs &
de tonnerre, elles font ehaffées par le veift avec
une violence la plus extrême & dont on n’a
aucune idée en Europe. L ’eau femble verfée du
ciel comme d’une cataraéïe; les gouttes tombent
avec un fracas plus épouvantable que nos
plus horribles grêles a Europe, & font prefque
le même ravage fur quantité de jeunes plantes.
Ces pluies, lorfqu’elles furviennent, exterminent
toujours entièrement la cochenille fine
fur laquelle'elles tombent. Non-feulement elle«
la tuent en la meurtriffant, mais même elles la
balayent quelquefois entièrement de deffus les
Caétiers Nopals. Le coton épais, qui entoure la
cochenille filveflre, & eft adhérent affez fortement
à la furfàce des Caéliers, la défend beaucoup
contre ces pluies; ce qui fait qu’elle y
réfifte affez fouvent pour qu’on puiffe très-utilement
la femer en plein air pendant toute
Tannée. Quelquefois cependant. elle en eft
beaucoup endommagée même à tout âge; quelquefois
elle en eft totalement détruite, quand
elle n’a qu’ün mois d’âge. Lorfqu’elle eft plus
âgée; lorfque, par exemple, elle eft prête d’être
récoltée, ces pluies peuvent la tuer fans que
la récolte en foit perdue pour cela, parce que
la forte adhérence de fon coton fait que la
pluie ne peut l’entraîner. Dans ce dernier cas,
on conçoit qu’il faut en faire la récolte le lendemain
, parce que fi on tardoit à la faire, ce*
cochenilles mortes pourriroient promptement :
ce qui, outre la perte de cette récolte, occa-
fionneroit un dommage confidérable aux Cae-*
tiers qui en feroient chargés.
Ce font donc les pluies d’avalaffes & leç
grains qui font les pluies les plus redoutables
pour les cochenilles, & fur-tout pour la cochenille
fine, qui craint même les pluies douces,
avant l’âge d’un mois. J ’ai dit, ci-deffus,
qu’il ne tombe pas de pluies ni au Port-au-
Prince ni à Guaxaca depuis fe iç Oélobre jus qu’au
iç Avril de chaque année. Que, pendant
tout cet intervalle de 6 mois, le» ciel eft parfaitement
fec .dans ces deux Provinces, excepté
une ou deux journées de pluies extrêmement
douces & nullement nuifibles, même à la cochenille
fine, qui tombent quelquefois au
Port-au-Prince, à la nouvelle lune de Janvier,
qui font connues fous le nom de pluies dy.