
2ran«e , où s'envole, plus ou moins haut, en ’
incommodant beaucoup.:tes batteurs -, car fi la
poudre eft abondante, .comme je l’ai vu quel- |
buefois, ils éprouvent des démangeaifons aux
yeux ; ils touffent, font oppreffés, & n’ont pas
autant d’appétit qu’à l’ordinaire, parce que, vrai-
femblablement, cette pondre s’in troduit dans leurs ;
nez leur gorge .& leur eftomac ; ils ont même
le vifage noir. & couvert d’une, croûte qui y efi
très-adhérenre. Quelque1 peu d’épis cariés’ qu’il
y ait dans une gerbe, ils eh fentent l’odeur-, qui
le développe loffqu’ils les écrafent avec leur
fléau : mais il n’en réfute pour eux aucune incommodité
plus confidérable ; du moins, je n ai
pu le découvrir .
Qualité àt la farine 6 du pain fait avec le
froment moucheté > ou taché de Carie.
Ce n’efi que dans les moulins où l’on moud
à bis, qu’on fait de la farine avec du froment
moucheté ; les Meûniers s’enapperçoivent, indépendamment
de la couleur, parce que la meule
tournante efi ralentie dans ion mouvement à
eaufe de la ténacité de' l’huile de Carie ; il s’a-
màffe dé rems-en- teins fur la meule giflante un
cercle .épais de matière grade, qu’on eft obligé
d’enlever avec le marteau : il y a, dans ce cas,
une diminution 4e mouture , & par conféqueat
une perte pour le Meûaier, qui eft forcé de lever
plus fouvent fa meule tournante, afin de dér
craffer l’une & l’autre & de les mettre en état
de mordre. Le froment'pur , qü on fait moudre
immédiatement après le froment moucheté, en
paffant entre les meules, fe charge de Carie; en
forte , qu’au lieu de rendre de la farine blanche,
il en rend de plus ou moins brune. La farine
de froment moucheté fe diftingue à fon odeur
défagréable, à fa couleur terne , à une forte de
mollefle & d’onéluoftté qu’on éprouve, lorfqu’on
en prend entre deux doigts,
Le pain qu’on fait avec du froment, dont on
a enlevé la Carie,.eft très-bon & même très-blanc,
fi on n’a laiffé fubfifler que peu de cette pouflière.
Auffi les Boulangers ne refufent-ils pas d’acheter
des bleds qui font ainfi détachés, foit par le crible
d’archal, foit par des lotions d’eau, pourvu que,
dans ce dernier cas, ilsfoient bien fecsi& puif-
fent abforber beaucoup d’eau dans le pêtriffage ;
car' la poudre de Carie, qui dans ,1a germination
altère la tige , & corrompt l’embryon, n’attaque
point le corps farineux du grain qu elle recouvre ,
quelque long-rems qu’il en foit imprégné.
Il n’en eft pas de même du pain fait avec du
froment moucheté qu’on ne détache pas : celui
qu’on voit entre les mains des gens de la cam-
pagne paroît plus ou moins noir ; mais, comme
il s’y trouve fouvent de la farine é autres espèces
de graines, qui peuvent influer plus ou
moips fur cette couleur, j’en ai fait faire exprès
avec dix onces de belle farinede pur froment, rrne
once de levain, & une once de poudre de Carie
tamifée ; la pâte en étoit grafle & tenace ; elle
exhaloit une odeur de Cane ; cependant elle a
bien levé, & a fourni un pain du poids d’une
livre & cinq gros, qui étoir parfaitement noir
ayant un goût légèrement âcre & défagréable
& une odeur particulière &, faible. La fermentation
& la coétion avoient dérruit la plus grande
partie de la fétidité de la Carie.
Expériences propres h faire connaître les effets dt
la Carie J'ur des Foules.
Première Expérience > Janvier 1775).
Je jetai, à deux poules bien portantes, & con-
fervées dans Un endroit féparé, quelques grains
de Carie, quelles mangèrent : mon intention
n’avoit pas été de la leur donner pure ; voyant
quelles n’en laiffoient point, je.rélolus' de con-,
tinuer à leur en donner fans mélange.
Elles en prirent .dé cette manière fept once«
en cinq jours-, le fixîème jour, j’en mêlai une onca
& demie , avec un quarteron & demi de pain ; il
n’en refia point.
Une des deux poules en mangeoit plus que
l’autre, qui ne paroiffoit pas avoir du goût pour
cet aliment: il falloit fouvent leur donner de
l’eau ; ce qui prouve que la Carie les altéroif.
Celle qui témoignoit le plus d’avidité, dès le
fécond jour, eut la crête penchée & moins vermeille:
,cette partie, le lendemain, étoit prefque
violette ; les trois jours fuivans, on vit la poule
en maigrir, les plumes étoient lâches ; néanmoins
elle mangeoit toujours bien d’elle - même de la
Carie, avec moins, d’empreflèment que les premiers
jours. Les plumes de celle qui mangeoit
peu de Carie, étoient lifles fa crête vermeille:
on la trouvoit feulement maigre -, ce qui n’efl
point étonnant ; les excrémens de l’une & de
l’autre étoient noirs,
La Carie étant confommée, on leur donna
pendant fept jours de l’orge & de l’avoine : la
poule incommodée fe rétablit promptement.
Je lui fis donner enfuire pendant fept jours,
une once de farine d’orge, & deux gros de Carie
par jour ; elle les a bien mangé d’elle-même fans
la moindre-incommodité:
Au peu d’empreffement d’une des poules pour
la Çarie, & à l’empreflement de l’autre pour
cette graine, fur-tout dans les premiers jours»
j’eflime que la première n’en a mangé de pure
que deux onces en ciçq jours, & le fixième jour
une demi-once mêlée avec de la mie-de-pain,
au lieu que l’autre en a pris cinq onces pures en
cinq jours, & le fixième jour une once avec.de!
la mie-de-pain ; dans les fept jours, où elle étoit
feule en expérience, elle en a mangé une once
1 & fix grp s mêlés avec de la farine d’orge, c’efi-fe,
dire, en tout fept onces & fix gros de grains Cariés
en quatorze jours, ou fix onces & trois gros &
demi ou environ depoudre, en cléduifan t l’écorce.
Seconde Expérience, 30 Septembre 1781.
Une poule en bon état fut tenue comme les
autres enfermée pendant vingt jours chacun
des trois premiers jours, je lui fis donner un mélange
de feize gros de farine d’orge, de quatre
gros de grains de carie qu’on écrafo-it, & dont on
neféparoit pas l’écorce. D’abord elle n’éri mangea
pas d’elle-même • il fallut lui en faire avaler
de force ; les quatre jours fuivans, elle prit de
cette manière douze gros de la même farine &
huit gros de grains Cariés. Le huitième jour, pour
former la même dofe, je me fervis de poudre
.de Carie, dont un gros le lendemain fut mêlé à
fept gros de grains cariés,' auffi avec douze gros
de la farine. Le dixième jour & le onzième, le
mélange étoit de douze gros de farine ;■ 011 lui
donna , chacun des neuf derniers jours, dix gros
de farine de feigle dont on n’avoit pas ôté le fon,
& dix gros de grains Cariés-, elle s y étoit fi bien
accoutumée,, qu’à la fin elle en mangeoit d’elle-
mênre. .
Cette poule, dans l’efpace de vingt jours, à
vécu d’une livre •& deux ondes de farine d’orge,
de onze onces de farine de feigle, y Compris le
fon ; & d’une livre & -demie & cinq onces & fix
gros de Carie, tant eh grain qu’en poudre ; ce qui
adonné, dédu'élion faite du poids de l’écorce , i
environ une livre une once & quatre gros de
poudre de'Carié; .-
. s’eft trouvée, à la fin de l’expérience, àuffi
Vive, auffi vermeille & auffi bien en chair qu’au- .
gravant- elle avoit même pris un peu plus cl’em-
Jonpoint ; elle n’a pas éprouvée le moindre dé- I
rangement de fan té.
Confèquences.
De trois poules qui ont mangé plus ou moins
,e Carie, une feule a paru incommodée pendant
qu’elle a vécu feulement de cette ’-graine.
Puifque c’étoit au mois de Janvier que fe fai foit
‘expérience, ne peut-on pas attribuer l’état momentané
de fa crête & de fes plumes à la rigueur
flu “ °dd ? Car on fait que, dans cette faifon , les
poules délicates ont la crête violette, & les pluies
fans foutien. Je n’ai remarqué aucun changent
dans les deux autres -, une d’elles, à la
J6™é ) h’a pas pris plus de deux onces & demie
e grains Cariés -, mais elle auroit péri infaiilible-
^ on lui eût fait manger une femblable
K W*go* en fubfiance, même avec de bons
'me6s- La dernière poule a vécu en grande
J rtIe Carie pendant vingt jours de fuite -,
I e pareille quantité d'ergot eût fuffi pour caufer
^ mort à dix poules. Ces oifeaux, qui préfèrent
Courir de faim plutôt que de manger d’euxn
rêmes de l’ergot, n’ont prefque pas de répugnance
pour la Carie , dont l’odeur efi cependant
plus infeéte que celle de l’ergot; car une
poule en a confiamment avalé feule en marquant
même de l’emprefTement ; une autre, quoiqu’a-
vec peine , s’efi déterminée à en manger, fans
qu’on fût obligé de joindre cette graine à de
bons alimens-; la troifième , qui d’abord l’avoit
réfufé.y.rS efijportée enfuite à en prendre d’elle—
même,. Je ne prétends pas inférer dç-là que la
Çarie a des dolès. plus fortes, que Galles-que j’ai
employées > ne fèroit pas capg|de ,4’inepnimo d er
les animaux , niiqu’on pût-er^^lobn^r à des. quadrupèdes,
ou à d’autres efpèces d’oifeaux avec
aufit peu d’ineonvéniens qu’à des poules : je n’en
ai aucunes preuves, & il faudrôit bien du tems
& des facilités pour éclaircir ce point ; mais je
fuis en droit de conclure qu’au moins la Carie
n efi pas auffi dangereufe que l’ergot. Car, aucune
poule ne peut manger deux onces d’ergot en fubf-
tance fans mourir, au lieu que j’ai fait manger
a une feule poule plus de dix—fept onces de poudre
de Carie, fans que fa fanté en ait été altérée.
Voye[ le mot Ergot.
îTort que fait la Çarie aux Cultivateurs.
Quand lés Cultivateurs, en' parcourant leurs
pièces de terre, n’apperçoivent que quelques épis
Cariés, placés de difiance en difiance, ils ne redoutent
pas le tort qu’ils en recevront, parce que
dans ce eas/jl eft-peu confidérable; mais, s’ils
n’ont pris, aucunes précautions, pour s’en garantir
leurs récoltes en fou firent ; & ;il efi .ai fé d’en juger
lorfque les grains font encore fur pied. On apprécie
difficilement la perte qui en réfulte, parce
1 quelle varie plus %u moins félon la qualité des
femercees les circonftances dans- lefquelles on
a femé : on eft dans l’ufage de lefiimer par de«
à-péu-près. Des expériences de détail, les feules
qui doivent fervir dans cette occafion, faites par
M. Tillet & par moi, mettront en état de calculer
à ja rigueur le tort que la Carie peut faire. Je
n’en rapporterai que quelques unes, afin de ne
pas fatiguer le leéteur. Dans une planche de dix-
huit pieds fur cinq, dont la femence, noircie de
Carié , avoit été enterrée à cinq ou fix pouces
de profondeur, M; Tillet a compté trois cens
trente-un épis fains & neuf cens dix-huit épis
Cariés, c’eft-à-dire prefque les trois quarts • c’eft
une des plus fortes proportions d’épis fains &
d’épis Cariés qu’il ait obtenus. Un grand nombre '
de fes planches lui ont produit la moitié ou le
tiers de tiges corrompues; il eft à remarquer qu’en
général les piedsmalades avoien t portéau tant d’épis
que les pieds fains. A la véritéles Cultivateurs
qui fèment du bled entaché de Carie , ne le noirci
fient pas exprès, comme a fait M. Tillet, & l’on
peut préfumer qu’ils n’en doivent jamais récolte«
une auffi grande quantité. Auffi ne feroit-il pas