
afin que leur végétation fort moins vigoureufe ,
& que l’air & le Soleil aient plus d’accès fur
elles, n
C’eft comme fi M. du Trône de la Couture
difoit : on plante à des difiances d’autant plus
grandes que le terrein efi plus fort & moins
expolé aux ardeurs du Soleil.
u L’art du Cultivateur confifte donc à fa voir
bien modifier’, fuivant les circonftances, l’action
de l’eau , de l’air & du foleil, par rapport
à la végétation & à ^’élaboration de la
matière fucrée. n
te Ainfi, dans les terres où la végétation efi
trop forte , trop active, il faut planter la Canne
à de grandes difiances & la la+fler poufier de rejetions
pendant plufieurs années de fuite ,lc»rf-
qu’au contraire elle efi trop foible, rr faut, ou
replanter à neuf ou labourer les rejettons. »
S o in s q u ’on d o i t a v o i r d e s C ann es p en d a n t le u r
v c g ù a t io n .
.Le premier foin & le plus important efi de
nettoyer fréquemment le terrein des mauvaifes
herbes qui l’infefient. Différens farclages donnés
à te ms, lés détruifent & favorifent la fortiedes
jeunes plantes. A chacun des premiers, on fait
tomber dans la fofle un peu de la terre qui efi '
en réferve-.fur un des bords, à moins qu’au
moment de la plantation on n’ait été obligé de
l’employer tpute, comme cela arrive dans les
terreins bas & humides. Excepté dans- ce cas-,
lors du farclage, qui fe fait quand les plantes ont
deux pieds & demi, on les réchaufie, avec le
refte de la terre, & on fume leurs pieds à proportion
do ce que leur foiblefie ou le terrein
l’exigent ; c’eft le tems de labourer les intervalles
nus entre les fofles.
Il y a des habitations où l’on a de l’eau. Le
Colon attentif fait en profiter, pour arrofer fes
Cannes, quand la féchereife les incommode.
Tout l’^rt confifie. à la bien diriger & à n’én
point perdre. .La Canne à fucre' étant un ro-
leau, profpère quand elle efi arrofée de tems
en tems.
Tous les plants qu’on a mis dans la terre ne
réunifient pas ; les uns ne prodüifént aucune
plante - d’autres en produifent qui fèchent &
qu’il faut remplacer, parce quelles font moins
bonnes-, il y en a que lès averfes d’eau font
pourrir ou entraînent , s’ils font dans un terrein
en pente. Il efi néceflaire de regarnir par de
nouveaux plants tout ce qui manque. On appelle
cette opération r e co u rà g e . On recoure les
plantations une ou deux ou trois fois, lorfque
le défaut de pluie empêche les regarnis de
poufier. Il arrive de-là qu’à la récolte, on
coupe des Cannes de différent âge. !‘
La Canne étant une plante vivace, lorfqu’on
a coupé fa tige, produite immédiatement par
la bouture , elle donne de la racine que le I
plant a formé, des rejettons qu’on coupe \
leur tour, afin "qu’ils faffent place à d’autres.
Une habitation en f u c r e r ie p o fié d ë un certain 1
nombre de quarrées de Cannes' -plantées & le I
furplus en rejettons. Ces rejettons fe diflinguent I
en premiers, féconds, troisièmes , &c. félonI
qu’ils font la première, la fécondé ou la trot-1
fièifte repouffe après la récolte de la Canne
plantée. Les productions des rejettons font toujours
d’un ou de deux mois plus avancées
que celles des Cannes plantées. Ces rejettons!
n’ont pas befoin d’autant de foins qu e les
Cannes plantées, p u if q u ’ o n n’a pas à les réchauff
e r , ni à les recouvrir, à moins qu’ils ne foientl
trop écartés les uns des autres • mais on doitI
les farder pour en ôter les iiannes & découvrir L
les louches, étouffées fouvent par les pailles, I
c ’e f t - à - d ir e par les feuilles fèches des - Cannes j
précédentes. Dans le Nord de Saint-Domingue!
on laboure les rejettons & on enfouit les pailles, I
c’eft-à-dire, les feuilles defféchées. Cette manière!
de perfectionner la culture de, la Canne efi
due à M. d’Haillecourt.
R é v o l t é d e s C a n n es h f u c r e .
La récolte des Cannes à fucre ne fe fait pas
en même-tems dans les divers établiflemens
des Européens en Amérique. M. l’Abbé Raynall
dit qu’elle commence en. Janvier, & continue j
jufqu’en OCtobre dans les établiflemens François J
Danois, Efpagnols & Hollandois; ce qui ne
fuppofè pas, félon lui, une faifon fixe pourjal
maturité de la Canne. 11. ajoute ,'que cependant
Cette plante doit avoir comme fes autres fesl
progrès, quelle efi en fleur dans les mois de Novembre
S i de D écembre , & qu’il réfui te de IV
fage de ces Nations qui ne ceflent pas de récolter
pendant dix mois, quelles coupent des Cannes,"
tantôt prématurées , tantôt trop mûres. Les
Anglois -font leurs récoltes dans lés mois de Mars
St d’Àvril, faifon que M. l’Abbé Raynal regardé!
comme la plus favorable, parce que c’eft celle
de la maturité des fruits " doux ; cependant ilj
reconnoît que les Anglois choififfent ces deua
mois, parce qu’étant obligés de planter en Sepj
tembre à caufe des pluies qui tombent alors
& ne .coupant leurs Cannes qu’à dix-huit mois,
cette époque ramène toujours leur récolte ai
point de maturité. ..
Si, dans la cül ture de la -Canne: à fucre| oij
n’avoir, comme dans celle du froment ou dlj
coton, d’autre objet que de. récolter les grà'i'l
ou l’enveloppe des graines, il faudroit faire>1|
récolte de cette plante au tems cle fa matui»!
abfolue , c’cfi-à-dire, quand elle a fléchi;.
fuppofant que fes.panicules.- ne iktiîent Pasj,”
riles -, mais le but. qu’on fe propofe étant df
çx traire un fel. précieux, l’époquefde la r#0
jieîrible devoir être celle où il efi le plus abondant
dans la Canne, & où il a. acquis toute fa
Iperfeélion. Ainfi _ raifonneroit le Cultivateur
inftruit qui n’auroit qu’une pofieffion bornée;
j niais le Colon d’Amérique connoît trop fes intérêts
pour régler fa récolte fur les loix, fur
les indications de la Nature. Il combine tellement
fes opérations les unes par les autres ,
qu’il facrifiera plutôt une portion du produit
|de l'es Cannes, en les récoltant à contre-tems,
[que de déranger fes autres difpofirions pour
[perdre davantage. Spéculer à-la-fois le produit
de fes Cannes , le travail de fes efclaves, une
vente plus facile & plus favorable, tel efi l’art
du Cultivateur commerçant. Cependant, M. de
Cafeaux apprend à fes Compatriotes à calculer
encore mieux , & il propofe, à ceux de la
Grenade fur-tour, un autre ordre d’économie ,
[bit qu’il en foit l’inventeur, foit qu’il le tienne
'les Anglois qui ont poffédé cette Ifle pendant
in allez long.inrervalle. de tems & qui la pollèdent
Encore.
A la Grenade , on récolte pendant prefque
Itoute 1 année , mais particulièrement pendant
les quatre mois de la plus belle faifon , qui font
[Février, Mars, Avril & Mai. On croit qu’alors
|e fucre fe fait mieux , qu’il efi plus beau &
.que les Cannes en contiennent davantage ; c’eft
même une idée reçue dans toutes les Colonies
à fucre, Dans cette pratique, on coupe tous les
ans les trois quarts des quarrés cultivés en Cannes.
Lautte quart efi occupé en partie par les jeunes
plantes, produit des plants mis en terre en Octobre,
Novembre, & quelquefois, mais rarement
n Décembre , parce qu’à l’Ille de la Grenade la
récherefle efi trop près, & en partie par celles qu’on
rélerve pour fe procurer le plant dont on a be-
[om.‘Chaque année, on plante le quart ou le
Mme de la terre. On préfère de planter en
l'Ctobre , Novembre & Décembre , parce qu’a-
tous les travaux font finis, & qu’on efi tout
(Utier a cette opération importante ; on fait les
Tjolies à quatre ou cinq pieds les unes des autres, &
jnleur donne huit à dix pouces de profondeur.
J ., Cafeaux defireroit qu’on changeât cette
panière de procéder & d’exploiter les cultures
T Cai3nes- 11 fait à fes Compatriotes les objectons
fuivames :
J ^ 11 *aut réferver des Cannes pour le plant,
Pyconfacr'ant à jamais quatre ou cinq quarrés
«?n ue peut replanter que l’année d’après,
* (j0::t j?n anticipe la coiipe d’un mois. D’ail-
lrs , ut faire du fucre dans une faifon peu
'Orable ; on a plus de peine ; les Cannes ont
* ejus, & on n’en obtient que peu de fucre.
,i ~ans les plantations de Novembre . &
I I I on efi obligé à plus de recourages ,
fctie r?Ue keaucouP de plantes flèchent & une
Voy P,?nt pourrir, étant noyé paries averfes.
Les grands vents de Novembre & D é - •
cembre , qui fuccèdent aux grandes pluies >
abattent la plus belle partie des Cannes de l’année
d’auparavant, qui deviennentla proie des rats.
4-° On a befoin d’une plus grande quanrité
de farclages, les pieds étant aufii éloignés les
uns dés autres.
5.9 Les Cannes plantées à cette ép-sque
pouffent avec trop de vigueur ; elles ont un luxe«*
de production qui nuit à la quantité & à la
qualité du fucre.
6.° En plantant en OClobre , Novembte &
Décembre , les jeunes plants ne peuvent être
coupés que dix-huit mois après, & jamais l’année,
d’après leur plantation.
7 -° Enfin, une récolte-faite en quatre mois
exige une augmentation de forces en tout
genre, parce que moins on donne de latitude
à un travail, plus il faut de travailleurs, &par
conféquent, plus d’hommes, plus de beftiaux,
plus dhifienfiles.
Avant d’expofer la méthode de M. de -Cafeaux,
il faut favôir qu’à la Grenade .il fait ordinairement
fec du 15 Février au 15 Mai, que
les pluies qui commencent alors, font modérées
jufqu’en Août, très-fortes en Septembre ,
Oélebre & Novembre, & qu’elles diminuent en*
fuite jufqu’en Février.
M. de Cafeaux propofe d’employer à la Grenade
en entier les fix premiers mois de l’année
civile _ à faire la récolte , & de-planter en Mai
& Juin les quarrés-qu’on a coupés en Janvier.
Il recommande de planter dès qu’il a plû a fiez
pour imbiber la terre. Les nouvelles plantes
pourront toujours être récoltées l’année -d’après,
& au bout des douze mois ; les rejetons le feront
à ónze. Il veut qu’on plante annuellement
je fixièrr.e de fa terre, & qu’on coupe dans
l’année toutes fes Cannes, tant Cannes plantées
que rejetons. Il confeillé de ne donner pas-olus
de fix pouces de profondeur aux fofies, les*racines^
des Cannes étant plus horizontales que perpendiculaires
, & de ne les placer qu’à deux pieds
S i demi ou trois pieds au plus les unes des autres,
afin de ne pas trop laifier d'aClion au foleil
, qui, dans un climat ardent, abforbepromptement
l'humidité de la terre.
Quoiqu’il n’appartienne qu’à un Américain
de juger fainemenr la méthode de M. de Cafeaux',
je ne puis m’empêcher de dire quelle me pa-
roît fondée fur des principes. D’après l’état qu’il
donne des quantités de pluies à la Grenade, &
des mois pendant lefquels il en tombe plus ou
moins , il me paroît raifqnnable de planter à
la veille dès pluies.modérées les boutures de
Cannes-, elles fe pénètrent- d’eau par degré, & don- -
nent promptement des plantes,qui fe fortifient
affez lors des, grandes pluies, pour réfifler à la
féchercfles& pour couvrir la terre. Les mêmes
raifons doivent fixer à une autre époque les
plantations dans des Colonies où les pluies n’ont
i l
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