
veulent que leurs grains foient battus fur un tonneau
ou lur une table.
Le froment , le feigle, l’orge , l’avoine, les
pois, les vefces, les lentilles, les haricots, le farra—
fin , le millet, l’anis & le maïs même peuvent fe
battre au fléau & prefque tous être foulés par
les pieds des animaux.
Le feigle & le froment font les feuls qu’on
puiffe battre fur un tonneau ou fur une table.
Les baguettes conviennent pour l’oliette , le
colfat, la navette, la moutarde , les choux &c.
J ’ai fait féparer des graines de lin , avec des battoirs
à battre le linge. On frappoit fur des billots
les capfules du lin , comme on le fait dans
certains pays. Cette opération m’a paru longue
& e'mbarraflante. Je crois qu’il vaut mieux fe fer-
vir de peignes à dents de fe r , qui font en ufage
en Bretagne, fur-tout auprès de Saint-Brieux. -
Quand la graine de chanvre eft bien mure ,
elle tombe auffi-tôt qu’on renverfe les tiges ; il
n’y a tout au plus qu’à l’aider en frappant deffus,
foit avec la main , foit avec un petit bâton. La
graine de fain-foin eft il peu adhérente, que pour
la retirer, il Tuffit de fecouer les tiges avec une
-fourche.
O.n bâtie feigle au tonneau ou à la .table, lorf-
qu’on veut avoir fa paille entière, pour fournir
des liens à la récolte, pour les bourreliers, .
pour couvrir des maifons, pour faire des
paillaffons de potagers, pour accoler la vigne ;
le fléau la briferoit. Le même motif engage quelquefois
à battre les tiges des fromens de cette manière
, pour remplacer la paille du feigle dans les
pays où on n’en cultive peu , & dans les années
où les fromens furpaffent les feigles en hauteur. ,
Ceft fur-tout pour fe procurer des femences plus
groffes & plus pures. En effet, dans le Battage au
tonneau ou à la table, les beaux épis, portés fur
les longues figes, font les feuls qui foient égrainés.
Les plus petits, parmi lefquels font la plupart
des épis cariés, n’atteignent pas jufqu’au tonneau
; on les réferve pour les battre au fléau. Ce
moyen a été très en ufage dans les années 1765 ,
1-66 , -1767 , années où la carie a été -très-abondante.
V o y e { Carie.
Le Battage au fléau & celui qui fe fait par les
pieds des animaux, étant les deux plus confïdéra-
bles, j’en traiterai avec quelque étendue : je dirai
peu de chofe des autres.
B a t t a g e a u f lé a u .
Il m’a paru que c’étoit dans la Beauce qu’on fe
fervoit du Fléau avec le plus d’avantage, c’eft-à-
-dire, qu’on battoit le mieux. Je décrirai donc par
préférence, la manière de battre de ce pays.
L e fléau eft compofé de trois parties, favoir de
deux morceaux de bois de groffeur & longueur
inégales & d’un triple cuir.
Le plus grand morceau de bois fe nomme matir-
chc ou le t o u r , parce que c’eft fur fon extrémité
qtte tournent les autres parties du fléau. Sa longueur
eft relative à la taille du batteur. Les gens de
campagne , qui ont ordinairement une géométrie
naturelle, fixent la hauteur du manche de leur
fléau à celle de leur aiffelle -, c’eft environ 4 pieds.
Ils le choififfent d’un pouce de diamètre ; l’extrémité
, que les mains embraflent, eft un peu plus
grofle que l’extrémité oppofée. On le fait, en
Beauce, de bois de noifetier; mais on peut le faire
de faule, de fapin, de fureau & de tout autre
bois léger. Les uns en enlèvent l ’écorce -, d’autres
ne l’enlèvent pas. Dès qu’il a fervi quelque tems,
les endroits où fe placent les mains, deviennent
bientôt doux & polis. Un manche dure deux ans
à un ouvrier qui bat pendant 10 mois de l’année.
On donne le nom de v e r g e ,Ou de b a t ta n t , ou
de b a tte au plus .petit morceau de bois ; fa longueur
en Beauce, eft de 22 à 16 pouces. Il faut
que cette longueur correfponde à celle du manche,,
v& qu’elle foit telle que le fléau étant en action
, la verge en revenant fur le manche , n’at-
trappe pas la main la plus avancée dubatteur. Elle
eft dans ce.pays ronde, fans nodofité & plusgroffe
à l’extrémité la plus éloignée du manche , c’eft-à-
dire,à celle fur laquelle porte tout l ’effort. Elle à,
à cette extrémité, environ 2 pouces de diamètre.
Le batteur en la façonnant, fe. règle fur ce que
fa main peut embraffer. Le charme eft le bois
qu’il préfère, parce que c’eft un des plus durs
qu’il trouve à fa portée. Le Sauvageon de pommier
ou de prunier, l’alifier,le néflier, le chêne
même conviennent également. On a foin dechoi-
f ir , non pas des branches, mais de jeunes pieds
d’arbres, & fur-toutle bas des pieds, qui eft la partie
la plus dure. La verge s’ufe plutôt que le manche,
elle peut durer un an. Il y a des cantons du Li-
moufin & du Poitou , où la verge eft applatie,
ayant feulement les angles arrondis. Dans le Poitou
, afin qu’elle ne fe fende pas, on a foin de la
lier en plufieurs endroits avec du bois flexible ;
apparemment qu’elle n’eft pas d’un des bois que je
viens d’indiquer ou quelle eft mal choifie. On
voit en Anjou & en Bretagne, des battes rondes
d’un côté & applaties de l ’autre. Je ne fais pas
quelle eft la railon de cette dernière forme. Les
gens du pays prétendent qu’elles gliffent moins
fur ies tiges des gerbes. La forme applatie des deux
côtés, avec les angles arrondis, fe conçoit facilement;
dansles verges rondes, il n’y a que deux points
oppôfés, qui frappent, de manière quelles finif-
fent par s’applafir vers ces points, où le bois eft
cependant fur fon r o id e . Sidans les Verges applaties,
les coups font donnés par les endroits ouïes
angles font arrondis, l’effet & la force font les
mêmes que ceux des verges entièrement rondes.
La longueur de la verge eft plus confidérable à
Valence en Dauphiné , que dans la Beauce.
L ’union des deux rnorceaux de bois du fléau
entre eux $ fe fait par le moyen de trois cuirs.
L ’un enchafle une des extrémités du manche étant
afîùjetti dans deux gorges d’une manière lâche,
afin qu’il y tourne ; cette mobilité eft néceffaire
pour faciliter le Battage. L ’autre embrafle une
des extrémités de la verge, aufli dans deux gorges,
mais fi étroitement, qu’il ne fauroit y tourner..
Ces deux cuirs fe nomment chape s- ou c o le ts . Le
troifième, qui porte le nom c o u p liè r e y pafle en
forme d’anneau dans les deux chapes.. Les cuirs
du fléau font de peau de vache, qui eft fouple ,
quand ilfait fec ou qu’il gèle. Afin qu’ils ne foient.
pas caftans & que faction du fléau loic plus libre,
on les .graiffe avec du lard, ou avec du vieux
oingt, ou avec de l’huile de poiflbn ; fi on emploie
cette dernière matière graffe, les rats, qui
ne 1 aiment pas, ne rongent pas les- courroies du
fléau.
La manière de réunir le manche avec la verge,
varie beaucoup. En Chine & dans quelques pays
de l’Europe, c’eft par le moyen d’une cheville de
bois. I c i , la couplière eft de. n erf de boeuf; là ,
de cordes; ailleurs, de peau d’anguille, qui a f in -
convénient de s’effiler par le tems fec. Quelquefois
le cuir de la couplière eft entouré de bois
flexible ; d autres- fois les chapes font faites, ou
de lames minces de bois, retenues par des liens de
fer ou de lames de cu ir , environnées de ficelles;
la couplière pafle dans ces chapes. Enfin, aux environs
du:Mont-Dauphirren Dauphiné , le manche
& la verge tiennent enfemble au moyen d’une
courroie,qui tourne autour de deux pivots d efer,
plantés dans chacune des parties. Dans ces différentes
conftruélions, je ne vois ni la lïmplicité ,
ni la mobilité du.fléàu Beauceron..
Pour s en fervir, le batteur tient’ le manche
avec fes deux mains, éloignées l’une de l’autre-,
d’un pied & demi. Par un mouvement qu’il fait
imprimer à la verge en l’élevant le plus haut qu’il
peut, il la fait tourner dans les gorges du manche
& retomber avec d’autant plus de force fur les
gerbes, qu il appuie la chute de. fa verge d’une
partie du poids de fon corps. Je fuppofe que ce
loit du froment & du feigle. qu’il batte, les épis
étant tous à un-bou t, il les "frappe d’abord
dun- côté fans délièr les gerbes & enfuite
ne lautre. Lorfqu’au milieu des--grains il a
pouHé beaucoup d’herbe, la faucille.lis coupe,
te moiifonneur les réunit dans les gerbes où
elles occupent la partie inférieure, îl '.y a , des
perlonnes, qui font battre à part les bouts de ces
geraes lans les délier pour avoir du grain , purifié
TU le. r ef l ebat enfuite étant délié ;
AbbéRozter (cours complet d’Agricnlture) ne
«n la qu une. opération inutile, le van & le cri-
’l n r fépararion dubongrain & des
I aines inauvaifes. Cependant fi .c’étoit pour évi-
er ta cane qu’on prît cette précaution, elle nefe-
en i V " , e î car a e(i important que. le fléau
ou m° insP?®ble. Le Battage au tonneau
oblpf 'n 3 5- ’ ^Ç™plirôjt mieux, mieux ce dernier
• Quoiqttil en foit, fi quelques épis fe. dé-'
B A T
rangent de leur direélion, un coup de la verge
les remet dans leur'place.
En Beauce, on bat les grains dans une aire, qui
fattpartiedes granges. Fôyc{AiH.E..Le batteur délie
lesgerbes, il lesétebd en forme d e bravée l’extrémité
du nfanche du fléau, dont il tient la verge fous un
defes bras; il bat en allant & en revenant, toute la
longueur desgerbes & dans toute l’étendue du lit
afin que les épis les plus courts foient égrainés • lé
: bout du manche lui fert à retourner le lit péur
rebattre de la même manière de l’autre côté II
avance avec la. verge les tiges pêle-mêle hors de
la place , ou il les a battues & fes bat encore en'
, allant & en revenant. Il réfulte de-là que lesgerbes
pqlfent- huit, fois fous le- fléau, favoir deux
, fois avant-d’êtredéliées&fix fois aprèsêtre d’éliées
dont quatre- fois étant rangées en lit-, .& deux fois
étant en défordre. Ces deux dernières façons ne fe
donnent que quand on bat antt\ c’eft-à-dire de
manière à ne point laiffer de grain dans lés épis ••
. mais on les fuprime, fi les pailles, fortantdelamam
du batteur,doivemêtre portéesaux bergeriespour
affourer les bêtes à lames,, parce qu’i f faut que
ces animaux- y trouvent quelques grains.. Voyez
AFFOuJtER. Louvrier fecoue les tiges battues
avec une fourche de bois, ( Voye{ F our che ),
il les élotgnedu centre de l’aire, à' l’aide d’un 11
teau( Voyçi Rateau),il en forme desbottesdepaille,
dupoidsd environ feize livres dans lefquelles ies-
tiges font-en toht fens. Deux gerbes de fromem
chacune d environ trois piqfls dé tour, qui annéé
commune, peuvent pefer, y compris le froment &
les épis^ i z à 13 livres, fervent pour faire une;
botte de paille. De tems en tems, le batteur
avant de mettre de nouvelles gerbes dans Faire *
enlève avec lè manche du fléau ou avec le rateau lé i
gros-desbâles & les épis, qu’il met à part pourks-
bejhaux & quand i l ÿ a beaucoup de grains fur
iaire iL sen débarraffe en le plaçant en monceaux
le long d un m ur, jufqu’au jour où fl doit-
nétoyer;. ^
Par tour ee que j’ai rapporté'du fléau on'
von que cet infiniment' eft non-feulement le •
plus important du battage,- mais encore qu’entré
les mains d’un homme exercé , i f fe plie à ,
plufieurs ufages. qui en font partie. C’eft un
grand avantage, pour un ouvrier de fe fervir
du même mûriraient; pour différentes opéra—
tions. r-
Trois hommes peuvent battre enfemble les;
mêmes gerbes, fans fe- nuire. Ils s’arrangent de
manière à frapper alternativement. Si on vou-
loit en employer un plus grand nombre, il'!
faudrait établir différentes. batteries, foit. dans-
la même aire, foit-dans plufieurs aires...
On a plufieurs fois: offert au public dès machines,
pour battre les-grains & remplacer les-
hommes; Soit qu’elles n’aient pu remplir lé but-'
quon s eft propofé, foit que.l’habitude s'oppofe,
a 1 admiiiton d’un nouveau moyen, on ne voit«