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»C’eft de cette tête, après en avoir conpéles-
feuilles, qu’on forme un piançon à-pea-près d'un 1
pied de longueur & pour planter, ainli que
nous allons l’expofcr. >>
Qualités 6* préparation du terrein.
Tontes les terres ne conviennent pas également à
la Canne à lucre. Si on ne la cultivoit que pour la
beauté delà plante , la terre , la plus convenable,
ferait celle qui eil grade , humide , baffe & nouvellement
défrichée. Mais elle ne produirait
qu’un fucaqueux,peu fucré, de mauvaife qualité,
difficile à cuire & à purifier. Dans un fol fans profondeur
, a dis fur un roc, la Canne leroic avortée,
ne durerait pas long-tetnps & donnerait peu de
lucre. Les terres doivent beaucoup varier dans les
Mes d’Amérique, foit par leur nature , foit par
leur pofition; celles des mornes font d’une exploitation
très-difficile. Pour que la végétation & les
produits de la,Canncrempliffent les vues du cultivateur,
il lui faut un terrain divifé, lubftantiel &
profond. Dans les Mes & dans les parties des Mes
ou la terre eff en général légère, les habitans préfèrent
la terre forte pour la culture de la Canne à
fucre ■ le contraire a lieu dans les Mes & dans les
parties des Mes où la terre eft en général forte. 11
me femble qu’il n’y a pas là de contradiction : dans
ce cas la légèreté & laforce delà terre ne font que
relatives- la terre forte d’une Me pourrait bien
n’être pas plus forte que la terre légèred’uneautre.
Il faudrait pour s’entendre expliquer ce qu on appelle
terreforte, terre légère & en donner les qualités
la compofifion, la pelanteur & les degrés
de compacité ou de divifibilité. Suivant M. l’Abbé
Ravnal on fait des foffes ou tranchées de iS pouces
deionsrâeur.de I Z ponces de largeur, fur 6 de profondeur
& luivant M. de Cafeaux on donne ordinairement
aux foffes de I1; à 18 pouces en quarré
8tune profondeur de huit à dix pouces. Cette profondeur
eft regardée comme nëceffaire par ceux
oui croyent que les racines trouvent plus de nourriture
dans une plus grande profondeur. La terre
fouillée à la hoùe eft rnife fur le bord pour fer-
vir à recouvrir les plants. Cette différence relative
aux dimenfions des foffes qui fe trouve entre
M l’Abbé Raynal & M. de Cafeaux, & qui n ell
nas la feule pour ce qui concerne la C anne a lucre
îunpofé qu’ils ne parlent pas de la culture des
mêmes Mes. J’ignore d'où M. 1 Abbé Raynal a
reçu Tes inftruèhons, înais M. de Cafeaux étant
habitant & propriétaire à la Grenade raifonne
d’après ce qui fe pratique dans cette Me. A la
Grenade , le centre d’une foffe-eft éloigné de
quatre à cinq pieds de celui d un autre. C elt la
diflance iuȎe la plus favorable, afin que 1 air circule
mieux entre les plantes & leur procure une
maturité plus parfaite, Dans un fens les foffes font
féparées par un intervallenud-,&, dans 1 autre
léns, elles le font par lg terre de la fouille- Cette
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difpofition, lorfque la terre e ft travaillée en entier,
forme des efpèces défilions, dont l’élévation pré-
fente une profondeur d e quinze à dix-huit pouces;
quoiqu’on n’ait r é e llem e n t p é n é t ié q u à huit!
pouces. Dans les Ifles dont M. l’Abbé Raynal a
reçu ries in ftr u é lio n s ; les fafies. font diftantes-b
unes ries autres de trois pieds feulement. Avant!
de planter, on la iffe la terre, expofée à l’air plus
ou moins de temps. Les efpaces nuds entre les
fo ffe s fervent pour le paffage de s hommes
pendant la plantation -, on les laboure quand
; elle eft faite. Avant de Greufer les foffes J
on aligne avec des cordes, les places ou on doit!
les creufer afin de planter droit. Les Nègres tra-i
vaillent fur une même ligne, chacun marchant
en arrière fur la ligne où il eft placé.
Vingt-cinq Nègres travaillant à crcufer de*
foftes, occupent un efpace de foixante-dix à foi-J
xante-quinze pieds , c’eft trois pieds par homme,
A Saint-Domingue on fème ordinairement fur
; les buttes de terre & dans le quinconce des trous
| à Cannes un rang de maïs & un rang de hari-
! cots, en alternant les rangs- ^
Dans une terre neuve, qui nauroit pas encore
rapporté de Cannes, cette préparation fuffiroitj
Mais il faut fuppofer ici qu’on replante un rerrein J
habituellement cultivé en Cannes -, ce q u i eft Id
le plus ordinaire, & arrive tous les trois o u quatre!
ans. Dans ce cas, on emploie des fum iers pour
en réparer l’épuifemem, & on brûle fur la terre?
les pailles des anciennes Cannes , dont on n*
pas befoin. Ce b r û lis n’eft pas fans avantage; il
échauffe la terre, il ladivife& la rend p lu s friabf
pour la plantation & perméable à la p lu ie & au»
lels des cendres qu’il laiffe après lui. D ’ailleurs il
détruit beaucoup d’infe&es & part-iculièreinentj
des fourmis. On profite pour brûler du foir d’uij
jour où il aura fait une pluie modérée & ouil
n’y a pas de vent. . > . - I
Dans les habitations où on a de l’eau pourlarj
rofage , les Nègres à mefure qu’ils fouillent k
foffes , préparent les rigoles pour conduire l’eavf
dans les foffes quand il en eft befoin.
Parmi les pièces de terre qu’on defire planter?
M. de Cafeaux confeille de choifir d’abord cell
qui eft la plus forte & la plus graffe , d’y coujkJ
toutes les Cannes & de la foftoyer auffi-tôt, a 1
quelle ait plus de temps pour s’ameublir,
on devroit pour cela anticiper la coupe, on J
regagneroit fur le produit de la pièce qui fe *;rol|]
veroit retardée, & plus finement encore Iwj
fuccès de la nouvelle plantation.
On eftime que cinquante Nègres peuventM tfoyer
quinze quarrés en dix femaines •, en l'pj
pofant les diftances à trois pieds, en tout iM
fl y a treize mille quatre cents cpatre-vingM
foffes par quarré ; chaque Nègre peut en * J
foixan te-dix par jour en les creufant t j
poùtes., _ .ç „ . tJ
Les terres des habitations à fucre font d» "
en p?6C
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je fl pièces de trois, quatre ou cinq carreaux ; on
leur donne, autant qu’on le peut, une difpofition
Imiarrée. On laiffe entr’elles des allées d’environ
Jin<7t pieds de large, pour le paffage des charrettes
je pour les ifoler en cas d’incendie.
Des Engrais.
• Les premiers Colons de pl ufieurs Ifles d’Amé-
jique ont fans doute ignoré long-tcms l’art des
Lirais. Une terre neuve & féconde n’avoit befoin
pour produire des récokes abondantes que d’être
façonnée. Mais, à force de lui demander fanff
lui rien donner, elle a diminué fes préfens,
& a fini par s’épuifer. Il a fallu, comme dans les
terresde l’ancien Continent, s’occupper à réparer
les pertes. Les excrémens des animaux employés
àdifférens travaux ou néceffaires pour la nourriture
des, Colons, en ont offert les principaux
moyens. Dans les fucreries-on faitufage de Boeufs
&de Mulets pour les moulins qui expriment le fuc
des Cannes, avec lequel on fait le fucre & pour les
charrois de l’exploitation -, on entretient toujours
un certain nombre de moutons, pour la bouche
du maître & pour celle des chefs d’attelier. Les
Boeufs & les Mulets font nourris en partie dans des
cfpèces de prairies appellées favanes & en partie
des débris de la fucrerie , tels que les plus greffiers
firops, leî têtes de Cannes, & on nourrit les
Moutons des herbes des favanes, de fourrages &
fur-tout des fanes de patates. Us fontauffi, fuivsnt
M. de Cafeaux, très-friands des groffes écumes, &
faute de mieux ils fe contentent dans le grand fe c
des petites b agaces, c’eft-à-dire, des petites tiges de
fcannes dont on a exprimé le fuc. Leurfumier joint
aux cendres des tiges exprimées, quiportent le nom
fie bagaces , & toutes les immondices de l’endroit
où fe fait le raffiayfe transportent à dos de
mulet près des foffes', fi c’eft dans les Ifles-du-
[Vent, qui font montueufes, ou dans des tombereaux
ou des camions, fi c’eft dans les Ifles-fous-le
(font, telles que Saint.-Domingue, la Jamaïque,
Cuba, où il y à de vaftes plaines.
Je ne doute pas qu’on en proportionne la quan-
^té aux befoins du fol ; & qu’on ne fâche qu’à tel
barreau, par exemple, il en faut mille pieds cubes,
ptqu a tel autre il en faut moitié moins. Trop de
fiimier donneroit lieu à des Cannes très-vigou-
pufes, mais contenant peu de fucre * trop d’eau
pe produ'iroit pas un effet fuffifant.
i On a vraifemblablement reconnu qu’il y ayoit
P terrains affez compaCts pour exiger des fumiers
pi confommés, ou des fablés ou autres maires
divifées, capables de les foulever, & qu’il
g en avoitde légers, auxquels on devoit mettre
, es fumiers en terreau ,ou des fubftances graffes
pour les rendre plus en état de conferver l’eau des
ruies. Il paroît cependant' que M. de Cafeaux
Ndroitplusde foin dans la multiplication des
FDgrais. Il regarde comme poffible d’augmenter
dgriculture } Tome IL
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le nombre des beftiâux, dont la nourriture lu*
paroît facile ‘dans le fyftême de culture qu’il
établit, car il fait du fucre pendant fix mois & il
raifonne ainli : « chaque Boeuf ou Muletme man-
»ge pas plus de cent têtes de Cannes par jour;
» cent cinquante bêtes ne peuvent en manger au-
» delà de quinze mille , repréfentatives de beau—
» coup moins de quinze formes de fucre qu’on
» tire des Cannes, dont elles font les fommiiés. Si
r> une fucrerie fait par jour quarante-cinq formes
»de fucre pendant fix mois, on aura pour les fix
» mois où on ne fait pas de lucre , plus de têtes
» de Cannes qu’il n’en faut pour nourrir 150
■ » bêtes. » M. de Cafeaux ne propofe pas découper
les têtes cle^ Cannes fans couper les Cannes, mais
au moment de la récolte de faire des amas de têtes
de Cannes pour l’arrière-faifon lcrfqu’ona peu
de favanes & beaucoup de beftiâux. IL croit qu’il
feroit facile de faire parquer , comme en
Europe , les moutons de chaque habitation fur
les terres foffoyées qui doivent être plantées en
Cannes.
On poiirroit, en fuivant ce qu’il confeille
ramaffer du fable de mer, des terres de ravines
, &. réferver les cendres de la fucrerie pour
les terres argillcufes.
Les cultivateurs d’Europe diminuent les befoins
d’engrais, & renouvellent leurs terres en
alternant les objets de culture & en les Iaiffant
repofer quelque tems.
Les Américains fans doute le favent \ mais,
puifque dans des habitations plus ou moins
épuilées, on plante toujours des Cannes, ou on
fèniè toujours de l’indigo, il faut bien ou qu’il
y ait peu d’objets, qu’on puiffe faire fuccéder
les uns aux autres, ou qu’il ÿ ait du défavan—
tage à changer fa culture, ou à faire marcher
enfembie deux cultures différentes-, du enfin que
les Américains foient fur cela d’une négligence ,
peu excufable. J’avoïs penfé que, dans un ordre
de chofes où les Colonies feroient obligées de fe
fuffire à elles-mêmes, elles ne tarderaient pas à
adopter la manière d’alterner des Européens,
parce quelles auroient befoin de diverfes denrées!
ou qu elles auroient le débouché de leurs
productions variées. Mais on nia affuré que les
Colonies, ne pourroient jamais fe fuffire à elles-
mêmes. Il faudroit lesbien connoître pour approuver
ou réfuter cette afferrion.
De la Plantation.
La Canne à fucre ne fe multiplie que de bou-*
turcs,aux Ifles du Vent & aux Ifles Sous-le-Vent
au continentde l’Amérique, & dansbeaucoup d’autres
contrées. M. Bruce,dans fon voyage aux Sources
du Nil, dit que, dans la Haute-Egypte elle
vient de graine, ce quiindiqueroit que"ce pays eft
fa vraie patrie. On prend la partie fupérieure
pour feryir de plant • elle eft plus tendre que le
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