
fidérable, de convertir toute cette moitié du
nombre des plo.yes, en autant d’excellentes boutures,'
qu’on pourroit mettre en terre au Prin-
tems fuivant, & qui, par leur grande force &
leur grande facilité à s'enraciner, feroient beaucoup
plus avantageufes que les crofettes , &
équivaudraient preique à des marcottes.
11 me paraît qu’il ferait hors de propos de
palier ici fous filence les objections qui m’ont
été faites, touchant ce nouveau moyen de précocité,
par un très-refpeétable Membre de la
Société d’Agriculture , dont l'autorité ne peut
qu’être d'un très-grand poids. Il m’a dit qu'on
doit regarder, comme une règle générale, que
tous les fruits, dont on hâte la maturité par
quelque moyen artificiel que ce foit, fans
exception aucune, ne .peuvent être aufli bons
que loFl'qu’ils font mûris naturellement ; parce
qu’on ne peur, foit par ce moyen nouveau ,
foit par aucun autre, faire violence à la nature,
fans détériorer fes produirions : qu’il n’y a
qu’à voir combien font peu fatisfailans les ré-
fultats des autres tentatives qu’on a faites juf-
qu’à préfent, pour hâter la maturité des fraits :
qu’il eft bien reconnu, par exemple, qu’il n’y
a pas de fruits plus infipides , & moins eflima-
bles, à tous égards, qu,e ceux dont on eft dans
î’ufage de hâter la maturité par le_ moyen des
ferres-chaudes, des murs de chaleur, & des
chaffis : qu’en un mot, c’étoit perdre fon teins
& fa peine, que de chercher à faire mieux
que la nature : que je ne pouvois penfer que
les fruits, dont ce nouveau moyen avançoit
la maturité, euffent le même degré de bonté
que s’ils fuflent mûris naturellement, fans pen-
fer, en même-tems, que la nature s’éteit trompée
, & que je faifois mieux qu’elle ; ce qu’il
croyoir qu’on ne peut jamais dire fans ahfur-
dité : qu’envain dirois-je que ces fruits , avancés,
font beaux & bons; parce que, quoiqu’en
effet ceux quej'aipréfentésàlaSociétéd’Agricul-
titre paroiffenttels, ce ne peur être, d’aprèsla règle
générale, qu’une fimple apparence : que, pour
■ que je pmffe prouver, qu’ils n’euffent pas acquis
un plus grand degré de bonté, s’ils fuflent
mûris naturellement, Ù faudrait avoir, en même-
tems , pour objet de comparaifon, les autres
fruits du même arbre, parvenus au même point
de maturité, ce qui eft impoflible.
Ces objeélions font très-fpécieufes. Il me fem-
hle cependant qu’il n’eft pas impoflible de les
détruire, par des réponfes fatisfailanres. D’abord
il paraît indubitable que cette règle, qu’on ne
veut faire violence à la nature , fans détériorer
fes produSions, admet au moins un très-grand
nombre d’exceptions, & plus qu’il n’en faut ,
pour que les hommes ne doivent jamais fe décourager
dans la recherche des moyens de changer les
voles de la nature, de manière à augmenter,
pour nous, l’utilité de fes dons; delà contraindre
à changer (h route, non-feulement Tans déténoJ
rer, maisjmême en améliorant fes produéW
Je hé citerai pas, pour exemple , qlle |.'
fublime de la Médecine maîtrife utilement ft
lalutairement la nature en un nombre infin
de cas; que l’homme fait maîtrifer le tonnerr<
que, malgré cette fomme de pefanteur n.
laquelle la nature a attaché ion corpsV
terre, l’homme a néanmoins trouvé le movt
d’élever toute fa malfe au-cleflûs des nues fjj
&c. Il y a , dans l’Agriculture même, a(f
d’exemples familiers, journaliers, & plus m
fuffifans. Je n’alléguerai pas même l’exemple \
la caftration, quoique ce procédé, qui fait
fi grande violence à la nature, cependai
amélioré, à l’égard de l’homme civil, une ma;,
immenfe des alimens qu’elle lui donne , & doi
cette opération augmenrè, en même-tems, très
confidérablemenr, la falubrité & la quantité]
en lui procurant des habits plus fins & plus chaud
en rendant les animaux plus dociles, plus fouiiJ
fon empire, &c. ; on pourroit dire quel
fait n’eft qu’acceifoire, & n’a pas un rappor
affez direét à l’Agriculture, proprement dite
c’eft-à-dire, à l’influence^ de l’aélivité indujj
trieüfe de l’homme fur le règne végétal..
Mais perfonne n’ignore que l’homme ne de
qu’à fes foins la naifiànce d’une grande quant«
d’efpèces de fleurs.doubles, qui augmentent
agréablement les ornemens de fan féjour. 111
donc fallu que l’homme fît une forte de violenci
à la nature, pour en obtenir ces productions
améliorées par lui. Par l’effet de cette violence
il femble que la nature ait pris à tache d’an
monter encore, j.ufqu’aü degré le plus ftupé
fiant, les beautés qu’elle s’étoit déjà complu
à répandre, avec tant de profufion, fur
'partie des végétaux. On connoît Tétiolemen
artificiel, par lequel l’homme fait, en priv|]j|
plantes du contaél de l’air libre & de la lumière
contraindre la nature, & là forcer de convenu]
en alimens très-tendres, très-favoureux, très]
fains, les chicorées, cardons, laitues & aut*
herbages ; que, fans cette violence, il n aun
obtenu d’elle, que dans un état de dureté,!
fécherefle, de faveur , aufli ennemis de foi
palais que de fon eftomac. Ce n’eft encore quj
fes foins induftrieux que l’homme doit lanaj
fance de tant de variétés précieufes d’herM
potagères. Je ne citerai que l’exemple ftuj o|
chou potager. Ce chou, lorfqu’il èft fournigg
la nature, laiffée à elle-même, n’eft que“H
fail’on, n’eft qu’un aliment d’une faveur ||
agréable, dur, indigefle, & toujours le ®r®ï
Ce même chou, la nature forcée, parlant
de violence que JLui a faite I’affiduité des
induftrieux de l’homme, l’a tellement aiué
qu’il eft devenu de toutes les faifons , 2 Pj(i
au moins trente formes diverfes, agréai)leSi
plus difpar&tes , qui fourniflent autant de 1
H niets (lifférens, tous fort fains, d’autant de
W inces de faveurs différentes, toutes agréa-
|f|' • & fous plufieurs de ces formes, la fa-
BbrltS la ^avelir de cette plante font parvenues
à un tel point d’amélioration, qu’elle eft,
I jufte titre, mife au nombre des mets les plus
Kélicats & les plus l"alns» & qu’elle peut être
Râlement digérée par les eftomacs les plus qf-
loiblis. La greffe n’eft-elle pas une violence faite
■ la nature ? elle n’en eft pas cependant moins
ïtile pour la contraindre de produire les fruits
Jes plus délicieux, les plus fains, & fouvent en-
K orer ies plus précoces fur 'des fauvageons, qui,
H n s cette violence, n’euflent produit que des
B ou- Kiits très-défagréaÊles au (gvoauûft , ttrrèèss-- mal iains
■ our l’homme civil, & fouvent très-tardifs. La
■ reffe des grandes variétés de poirier fur coi-
BnafTier & fur épine blanche, celle des grandes
Bariétés de pommier fur pommier de Paradis, &c.,
■ font encore une plus grande violence à la na-
Bure. Elle transforme de grands arbres en ar-
Hrifleâux, en arbuftes. Par elles, la nature eft
Bontrainte de mettre à U hauteur, & dans la
Bain de l’homme,. & même à fes pieds, des
fruits, qu’autrement elle eût placés à quarante
lieds au-deflus de fa tète; de produire, fur des
arbres de fix ou huit ans, des fruits que , fans
Bette violence, les mêmes variétés d’arbres n’euflent
produit qu’à trente ans. Et cependant les
Cultivateurs conviennent que les fruits de ccs
■ arbres nains par la greffe, font, aufli bons, à
■ duségards, que les mêmes fruits provenus fur des
Brbres francs de pied. Il eft bon de remarquer,
ftn paffant, que, dans, cette circonftance , c’eft
■ n ralentilfant le cours de la fève defeendante que
■ homme parvient à fon but. Le Bourrelet ,
Hmvent d’une grofîeur énorme, qui fe forme
lp point d’union de la grefFe, avec le fujet de
■ es arbres, en eft une preuve. Ce même en-
■ vement, d’un anneau cortical, qui a la pro-
Bpété d’avancer la maturité des fruits, eft ,
Hmme j’ai déjà dit, déjà employé, depuis nom-
B>re d’années, en plufieurs pays, pour mettre
ijes arbres à finit ; & les fruits qu’on obtient,
■ ombre d’années plutôt, par cette violence
|jue 3 la nature , n’ont pas été trouvés
■ joins bons que ceux quelle donne beaucoup
W ^ ^ fans cette violence. La taille des ar-
l res> & l’art de les mettre à fruit, par fon
■ °yen, font encore des violences faites à la
■ ature, &. les fruits, qu’on lui fait porter ainfi,
| 0nt rec°uniis aufli bons que ceux qu’elle donne
ll’I CCl te v^°^ence’ Sans parler du froment, de
RjF ^ ^es autres pbmtes utiles, ou néccflaires
i l j0m.me; que la nature ne lui montre plus
■ • c°ntraint par fon induftrie, &c.,
Mr w ^niroit pas, fi l’on entreprenoit de détail-
B? paiement les principales.de toutes les violences
B | ,10Inirie fait faire à la nature, utilement pour
ans détériorer celles de fes productions à
l’égard defquclles il la maîtrife par ces violences,
C’cft envain qu’on cire l’exemple des fruits,
dont on hâte la maturité par le moyen des
ferres-chaudes, des chaffis, &c. Tout ce qu’on
pourroit conclure de cet exemple, c’eft qu’entre
i-S violences qu’on fait à la nature, il y en a
qui détériorent fes productions. Mais cette vérité
triviale, & qui ne peut être mife en queflion,
n’eft 'aucunement- contradictoire à cette autre
vérité, qu’il y a comme je viens de l’expo fer,,
grand nombre de violences, qui font loin d’oc-
cafionner aucune détérioration dans les productions
naturelles fur lefquelles l’homme influe
par ces violences. Je conviens, avec tout le
monde, que les fruits, dont on avance la maturité
par le moyen des ferres-chaudes , &
autres moyens analogues, font loin de mériter
toutes les peines & dépenfes qu’on emploie pour
y parvenir, font très-infipides & très-méprifa-
bles, à tous égards, & fur-tout en comparaifon
de ceux provenus naturellement. Mais
tout le monde reconnoît que la caufe du peu
de bonté de ces fruits, c’eft qu’ils font privés
des influences de l’air libre & des météores : ou
ne peut donc comparer ces procédés vicieux
au moyen nouveau, dont il s’agit, qui ne
prive en aucune manière les fruits de cette influence
, & qui réuflit aufli bien fur les arbres
en plein vent que fur ceux en efpaliers.
On peut, je penfe, conclure de ces réflexions,
que les objeélions propofées font bien loin
d’être aufli fortes qu’elles le paroiflent au premier
coup-d’oeil.
Mais il y a plus. : il faut convenir que quelques
fpécieufes que pourraient être toutes objeélions
quelconques, fournies par la théorie,
elles tombent inconteftablement devant les faits
contraires. Car on peut toujours conclure, avec
fûreré, du fait au poflible. Or je regarde comme
bien certain, que les fruits,, dont on avance
la maturité , par ce nouveau moyen, font
aufli bons, & même meilleurs,,que s’ils fuflent
mûris naturellement. La preuve de cette affer-
tion me paraît inconteflable pour tout Cultivateur
inftruit. Cette preuve, c’eft que ces fruits,
provenus & mûris en plein air, font conftafn-
ment plus gros, d’une forme plus régulière,
plus également mûrs, & au moins aufli bien colorés
, fans parler de leur odeur rrès-fuave, ni
de leur laveur très-agréable , par rapport à l’ef-
pèce de chacun, que tous les autres fruits du
même arbre, qui les a produits. C’eft-à-dire,
que ces fruits avancés portent, à un plus haut
degré, que tous les autres fruits du même arbre,
tous les caraélères extérieurs, auxquels tout Cultivateur
inftruit reconnoît, fans craindre de je
tromper , qu’un fruit eft aufli bon & aufli parfait
qu’il peut l’être, quant à fon cfpèce .ou
variété. Et il n’a aucun befoin de le goûter, ni
de le flairer , pour s’affurcr :de la reélitude de
V v ij