
blage dénoircit davantage*, il pouvoit être ex-
pofé avec avantage dans les marchés. Le premier
m’a donné 25 épis Cariés par gerbe, & le
fécond 11 feulement, c'eft-à-di.re plus de moitié
moins. Dans la même année, des fromens, non
criblés, ont produit un quart d’épis cariés. Il
efl donc prouvé que les criblages plus ou moins
répétés, purifient le froment de plus ou moins
de Carie, fans lui en ôter la totalité.
On peut rapporter à ce genre de dépuration
une pratique qui a été employée dans un ou
plufieurs villages près Nogent-fur-Seine. Elle
confifte à former une tremie avec des cerceaux
pofés les uns fur les autres, entre lefquels on
introduit des brins d’épine en très-grande quantité.
Le froment Carié étant verfé de haut dans
la tremie , la Carie s’attache aux brins d’épinè ,
& le grain fe trouve , à ce qu’on aflure , éclairci.
Je n’ai point reçu de froment dépuré fuivant
cette méthode , pour en faire l’elTai. Mais je
préfume que fon effet n’eft pas affez çonfidéra-
ble. pour exclure la nécefîité d’un chaulage.
M. Gambier, de Maintenon , pour enlever
le noir du froment taché de Carie, avoit imaginé
Un crible, dont quelques Fermiers du pays
Chartrain font ùfage. Ce crible eft compofé d'une
tremie & d’un bluteau en fpirale/.formé de
tôle trouée dans une infinité de points, de manière
que les parties faisantes des trous fontJans
l’intérieur du crible. Le bled ballcfté dans cet
infiniment, fe nétoie comme s’il avoit.été râpé:
fans doute il ne feroit pas propre à être femé,
parce qu’il n’efl pas dépouillé de toute fa Carie,
dont la moindre parcelle fuffit pour perpétuer
la contagion. Mais à l’oeil il eft clair, & peut
pafîer dans le commerce. Le pain qu’on en fait,
efl plus beau que celui du bled qui a paffé un grand
nombre de fois au fil d’archal. Le bled criblé à
la manière de M. Gambier, conferve la couleur
jaune que lui enlèvent les lavages à l’eau. Il
ne faut qu’une opération, facile à pratiquer en
tout tems. Ce crible a donc de grands avantages.
M. Legours , Meunier de Maintenon , l’a
perfectionné. Il paffoit dans la trémie du crible
de M. Gambier, des grains de Carie avec
les grains de bled racbés ■ le frottement qui dé-
tachoit le bled, écrafoit les grains de Carie, en
forte que le crible donnoit une partie de noir
tandis qu’il en ôtoit une autre. Le Meunier dont
il s'agit, a adapté au crible de M. Gambier le
Ventilateur du Tarare, qui chaffe les grains de
Carie au moment où ils defcendent de la trémie-,
& vont entrer dans le blutteau.Cet infiniment eft
mis en mouvement par le moyen de la roue du
moulin qui eft dans.l’eau-, en forte'que fans
peine , en vingt-quatre heures, on peut détacher
une quantité étonnante de feptiers de bled Carié.
Aufti^ bienfaifant que généreux, le Meunier a
permis, en 1785 ; aux particuliers de Manitenon,
de détacher avec fon crible. tous leurs bleds
noirs. J’ai cru devoir rapporter ici cette invention
& ce trait d’humanité.
6.' Dépuration par les lavages a Veau,
Il y a plufieurs manières de laver le froment
entaché de Carie. Les uns le mettent dans des
baquets remplis d’eaü, le remuent avec un bâton,
ou , ce qui vaut encore mieux, avec les
mains , & renouvellent l’eau autant de fois qu’il
eft néceffaire. 11 faut que la dernière eau forte
claire. J’ai été obligé quelquefois d’employer
jufqu’à huit eaux, mais jamais au-delà. D'autres
prennent le froment dans des paniers ou
corbeilles, l’expofent au courant d’une rivière,
ayant foin de le remuer fouvent ; ils le retirent
quand il n’eft plus noir , le font fécher au f®
leii, en l’étendant fur des draps à petite épaiffeur.
Une eau trop froide crifperoit le grain , au
lieu de le bien dénoircir. Si on fe fert d’eau
de puits, il vaut mieux la tirer d’avance ; fi
c’eft à une rivière qu’on fait ce lavage , on chou
lira un jour où l'eau n’en foit pas très-froide.
Au lieu d’employer une eau pure pour laver
le froment, on le détacheroit encore mieux, fi
on fe fer voit, d’une eau aiguifée de fel, telle
qu’une eau de leffive de linge , une eau de
fiimier, l'eau de mer même. Le bas prix du
fel peut mettre maintenant les cultiveurs à portée
de compofer un eau plus aélive. J’ai conf-
taté que l’eau chaude dépuroit encore mieux
le froment que l’eau froide. J’en préviens les
perfonnes qui vivent dans les pays où les matières
combuftibles ne font pas chères.
De quelque manière qu’on lave le froment,'
les grains légers & les mauvaifes graines, montent
à la fur face des vaiffeaüx; on doit les écu-
mer & en débarraffer le bon froment.
J’ai femé... plufieurs fois cette écume de froment
lavé, qui contenoit beaucoup de grains
de Carie ; elle m’a produit au moins les. deux
tiers d’épis Cariés. Un Fermier , fur 40 feptiers
Je ico liv. pefant,, forma un feptier d’écume
qu’il fema.. Les tiges qui en provinrent furent,
tout l’Hiver , auffi belles que celles du froment
purifié & chaulé ; mais, au Printems, elles fléchirent;
elles refièrent enfuite un: demi-pied au-
deffous des autres, & donnèrent une grande
quantité de Carie.
Je tiens de M. Girot, déjà cité, une manière
de laver les fromens, qui me paroît exaéte &
fûre. Elle eft dans le Àlémoire qu'il m’a fait
paffer. On remplit d’eau une cuve d’une capacité
relative à la quantité de froment qu'on veut
laver ; il faut qu’elle ait les bords très-unis. Un
homme avec une pelle jette, ou plutôt fe me,
.pour ainfi dire, le froment fur l’eau; un au- j
tre homme avec une règle’, de la largeur du
.diamètre de la cuve, jette preftement de côté j
&par terré tout ce qui fumage, petits grain#
C A R
Je fieraient, graines de maqvaifes herbes & grains
je Carie. Pour peu qu’il opérât àvee:- lenteur,
beaucoup de graines & de petits grains fe rem-
piilîant d’eau, fe précipiteroient au fond de la
cuve arec le bon grain. Quand on a fait en-
trer.dans la cuve une certaine quantité de froment
, on Je remué avec un bâron, àü bout
duquel on ajttfle. une petite planche, & on remue
toujours en foulevant le froment , afin de
èciliter l’afeenfion des petits grains. Selon qu’il
eft plus ou moins noirci de Carie, on renouvelle
l’eau , jufqu’à ce que la dernière forte
claire, & on remue fouvent, On place des corbeilles
àu-deffous dé l’ouverture de la cuve ) pour
y recevoir le froment qu’on laiffe égoutter, &
on procède à une fécondé cuvée & à plufieurs
de fuite, fuivanr la quantité de froment à laver.
il efl bon d’obferver qu’avant de chauler le
grain lavé, il faut le frire fécher auparavant ;
S s'imbiberait moins d’eau de chaux & ne fe
purifieroit pas auffi complettement.
Dans les années trop fécondes,en grains Cariés
, beaucoup de perfonnes en achsttent à bas
prix, pour les laver & les purifier. Ils les revendent
enfuite , & , défalcation faite des déchets,
ils ont des profits avantageux.
Le froment lavé, quand on l’a fait fécher,
fibn le defline à, faire du pain, doit être moullî
promptement , parce qu’il n’acquerre jamais
cette féchereffe néceffaire pour une longue con-
fervation. Il n’y auroit de moyens de le mettre
en état d’être gardé , que de le paffer aü four
ou à l’étuvè. Sans cela, la farine qu’on en fait,
fermente, s’échauffe, prend du néz & s’altère’
fur-tout dans les chaleurs de l’Eté.
Mais ce froment eft bon pour être femé
pourvu qu’en outre il foit chaulé. Car les lavages,
n’ôteut pas tous les principes de la Carie. J’en ai
femé après l’avoir lavé dans trois & dans fixcaux-
le premier a produit un cinquième, & l’autre
un huitième d’épis cariés. Le même froment,
femé fans être lavé , a donné plus d’un quart
d épis cariés.
Dans le Journal général de France du 18 Oélo-
nre 1787 , on confeille , d’après le Journal de
lOrléanois, comme un moyen préfervatif de la
Carie, de faire battre les gerbes & nétôyer le
grain, deftiné aux femences, dès qu’on en a fait la
técqlte, fans le laiffer féjourner long-tems dans :
la paille. M.-l’Abbé Genty, Sécreitaire de la Société
d’Agricnlture d’Orléans, eftl’Auteur de cette .
Annonce. J’avoue que je ne fens pas les raifons de
ce confeil. C’efl moins par le taffement & la pref-
non des gerbes les unes fur les autres, que les
PU. Cariés s’écrafent & communiquent leur
ifoudre contajgieufe aux bons grains, que lorf-
sue le fléau les frappe & en rompt les enveloppes,
vuatld on préferveroit les bons grains de la com-
jmmication opérée, par lé taffement , on ne pour-
™* les préferver de celle qui. a lieu par l’ac-
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tion du fléati, & qui feule efl capable de les in”
feéler. J'avois d'abord penfé que le Laboureur qn>
a fait connoître ce moyen à M. l’Abbé Gefity .
lui attribuoit Un effet qui n’étoit dé qu’à la pureté
de fon froment ou à l’exéellence de fon
chaulage. Mais on ajoute : u qu’il s’eft con-
» vaincu, par des effais multipliés faits fur fes
» terres & lur celles de fes voifins, que la lef-
jj five de chaux ne ftfffifoit pas toujours fans;
»cette précaution, quand même on femeroit
»du bled d’élite & exempt de Carie, & qu’au
»contraire,elle réuniffoit infailliblement fur du
»bled battu, au tems thème de la moiffon, &
»qui feroit entaché de Carie. » A une affer-
tion' aufii formelle, autorifée & appuyée par
le Secrétaire d’une Société d’Agriculture, on né
pourrait rien oppofer que des expériences faites
contradictoirement. Il faudrait battre pendant
la récolte même, du bled de Mars entaché
de Carie , & ne battre qu’en Février dei
gerbes du même bled, entaffées dans ia grange
& femer l’un .& l’autre, foit fans préparation’
fou après les avoir également chaulés. L’impof-
fibilité de'tout effayer ne m’a point permis
encore de frire cette expérience, dont je n’ai
pas jrù l’utilité çreffante. Ce que je fais-, pour
1 avoir effayé , c’efl que des grains, de froment
fain qui féjournent long-tems dans de la poudre
de Carie, ne produifent ' pas plus d’épis
Cariés que celui qui n’y refte qu’un inftant. Au
refte, les cultivateurs en grand auroient bien
de la peine à profiter du préfervatif indiqué
par M. 1 Abbé Genty, parce qu’il leur feroit
très-incommode de faire battre pendant la moiffon.
Ils ont des reffources dans les .méthodes
précédentes, qui, fans doute,, ne font pas les
feules, mais auxquelles beaucoup d’autres fe
rapportent.
Parmi celles que je viens d’expofer, les unes
font praticables dans certains pays, les autres
le font ailleurs, quelques-unes le font partout.
Gn ne peut employer le moulin d’AI-
face ou le crible de M. Gambier, perfectionné
par M. Legours, que dans les lieux où fë trouvent
ces inftrumens. Le lavage à l’eau, qu’on
croiroit facile dans tous les cantons, ne l’eft
pas dans ceux où l’eau eft à une grande profondeur.
Je connois des fermes en Picardie où
on eft obligé de la tirer de 2^.0 pieds. Il en fau-.
droit beaücoup pour purifier de 90 à 100 feptiers
de femence, quantité ordinaire pour une
exploitation commune. Quoique la terre à tuile
& à brique ne foit pas rare, il y a des villages
qui en font privés; on feroit obligé de la
tirer du voifirjage ; ce qui exieeroit des frais de
fouillé & de tranfporr. Mais il n’y a pas d’endroit
où on ne puifle barrre le froment Carié
fur le tonneau ou fur le cylindre; il n’y en a
pas où l'on ne puifle le jetter au vent & le cribler,
foit à la main, foit au crible d’archal.