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dans la même Ville. Les commodités de ces fortes
de maifons , & les bienfaits de cette boiffon,
furent également du goût des Anglois. Tous les
honnêtes gens trouvèrent ces lieux d’àlfemblée
très-préférables aux tavernes & aux cabarets à
bière. Ces deux premiers caffés furent tellement
fréquentés, que peu de tems après, on établit
de pareilles maifons dans tous les quai tiers de
cette ville, & dans prefque toutes les antres villes
d’Angleterre. L ’ufàge du caffé s’introduifir en
même-tems dans les maifons particulières, &
devint bien - tôt très-vulgaire dans ce Royaume.
Depuis que 1-on eut ceffé de vendre de la
décoÂion de caffé , fous lé ^ petit Châtelet à
Paris, cette boiffon ne fut plus vendue publiquement
en France, jufquea l’an 16 7 1 ; lors
duquel des particuliers , voyant les progrès
confidérables que fon ufage avoit fait à Marfeille ,
s’avifèrent, fuivant la Roque, d’ouvrir dans cet
Ville la première maifon publique de caffé. Elle
fut établie aux environs de la Loge. La Loge eft le
lieu où s’aflemblent ordinairement les marchands.
Ce caffé ne fut pas plutôt ouvert, que le concours
y fut fort grand, fur-rout de la part de
Levantins. Les marchands trouvèrent auffi ce
lieu fort commode , pour y conférer de leur
commerce , & fur leurs entreprifes. Enfin cette
nouveauté y fut agréable, aüx gens de toutes
les conditions : ce qui fit bien-tôt augmenter le
nombre de ces lieux publics. Et en même-tems,
l’ufage du caffé devint promptement univerfel à
JVÎarfeillé , tant dans la Ville, que dans le p or t,
& fur toutes les galères du Roi où c’étoient
d’abôrd les Turcs qui le préparoient.
C’eft en 1672 que l’on ouvrit à Paris le premier
caffé, ou fi l’on veut le fécond , en
comptant pour le premier cet endroit où j’ai
dit que Ton vendoit de la décoction de caffé
fous Louis XIII. Ce premier ou fécond caffé,
fut ouvert à la foire Saint - Germain, par un
Arménien nommé Pafcal. Après la foire, cet Arménien
ouvrit un autre petit caffé fur le Quaide
l’Ecole, où il donnoit le caffé pour deux fols
fix deniers la taffe. Mais ce caffé ne fut guères
fréquenté , que par un petit nombre d’étrangers,
Jk. quelques Chevaliers de Malte. C’efl pourquoi
Pafchal mécontent de la réuffite de cette enrre-
prife à Paris, paffa à Londres. Trois ou quatre
ans après, un autre Arménien, nommé Maliban,
ouvrit un caffé à Paris, rue de Buffy, aux environs
de l’Abbaye Saint-Germain. 11 vendoit le
caffé au même prix que Pafchal. Il paffa de-là,
rue Férou près Saint Sulpice ■ mais il n’y fit pas
long féjour, & fe retira en Hollande, après avoir
établi dans fon caffé fon garçon ou affocié, qui
étoit venu d’JXpahan , & fe nommoit Grégoire.
Ce dernier paffa enfuite rue Mazarine, pour profiter
du voifinage de la comédie., qui fe jouoit
tflars dan? cette rue vis à-vis celle Guénégaud.
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La comédie ayant, peu de tems après, clm
d’emplacement ,, il iaiiia fon caffé à un p!
de nation, nommé Makara : & il alla ouvrir"
autre caffé dans, la rue oit la comédie avoit I
traniportée. Makara, après avoir tenu f0„
pendant quelque tems, le laiffa à un Liégeois
nommé Gantois, & s’en retourna en Perfe Dan
ces premiers tems , un petit boiteux iwnml
le Candior, ailoit par les rues de Paris en criai,
du caffé. Ceux qui en vouloient le .tàifoieJ
monter chez eux ; il leur rempliffoit un gobele]
pour deux, fols , & fourniffoit le fucre, 11 éjj
ceint d’une fervierre fort propre , portait d’uj
main un petit réchaud fait exprès,, fur lequel
étoit une caffetière, de l’autre une efpèce dt
fontaine remplie d’eau, & devant lui une fort]
d’inventaire de fer-blanc, où étoient tous U
ulienfiles fervarits à prendre du caffé. Ce Candiqj
eut pour compagnon dans. le même inétietj
un autre Levantin, nommé Jofeph, qui tint en]
fuite fuccefftvement plufieurs caffés en diffère
endroits de Paris , dont le . dernier fut dans]
maifon au bas du Pont Notre-Dame , où il
mort fort apcpmmodé , & que : fa v,euve t l
après lui. Poflérieuremenr .à . tous ceux don
j ai parlé ,_un autre Levantin , nommé Eflienne,
originaire d’Alep , a long-ténu tenu à Paris foi
caffé fur le Pont-au-change, & s’efl enfin fixe
dans un caffé très-grand & très-coirimede ,H|
Saint-Andr^-des-Arts, en face du Pont-Saint-Mi]
ehel. Ce font-lk-les.premiers introducteurs d|
caffés publics dans Paris.: établiffetnens qui,
font devenus très-agréables, commodes & utiles!
très-utiles fur-tout depuis la Révolution. 11 paroi
inconteftable que ces. lieux d’aiîemblées,. fini
cérémonies, & généralement-fobres, ne peuvent
être que très-précieux dans un état libre. L«
caffés, dit 1’ '.ancienne Encyclopédie , font d
manufactures d’efprit. Depuis & pendant la R
volution , ils font devenus dès manufacture!
d’efprit public. Ces premiers Levantins ont éd
imités enfuite par plufieurs autres du même
pays, qui ont ouvert des caffés dans plufieurr
quartiers de Paris, & qui y ent beaucoup prol
nté. Tous ces premiers caffés de Paris ne furent
pas dans les çommencemens ce qu’ils font dev
nus depuis. Les honnêtes .gens les fréquentoienj
peu d’abord : on y fumoir; ils étoient meublés
avec une fimpliciré très-grande & prefque excelj
five : le caffé n’y étoit pas exquis , ni très
promptement fervi , &c. Mais depuis, quelque!
François fe mêlant du même métier, s’avifèrent
d’orner leur caffés avec des tapifferies, des glaces]
des boiferies, des tableaux, des lufires, des tables
de marbre, &c. Ces boutiques à caffé transformé“'
en fallons bien décorés, devinrent bien-têt
modèle des autres. On n’y fuma plus ; le ca"(
y fut bon , & fervi avec une grande pi'0PreL*j
&c. Ce n’èft que depuis ce tems , que
foüt devenus le rendez-vous . & le lieu de délai
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jcnt d’un grand nombre d’honnêtes gens,
Routes conditions. Depuis cc tems , les caffés
ll’0nt comme on faix multipliés', jufqu’au point
'plus extrême dans toutes lus villes de l’Eu-
spe. L’éwbliflement & la multiplication de ces
fcfons n’ont pas peu contribué à introduire
Le u caffVe é aufîi dans les maifons particu-
Tres: & maintenant cet ufage eft, comme on
jrencore, univerfellement répandu dans toute
lendue de l’Europe , non-feulement dans les
lies mais même dans tous les villages & ha-
leaux, où il fait encore journellement des pro-
L ,rapides. De l’Europe cet ufage eff paffé
L toutes les Colonies,. que les Eurapéens ont
L Indes, en Afrique & dans, toute l’Améri-
e. De forte qu’il y a maintenant dans les quatre
Inès, & aux quatre extrémités du monde , un
«libre innombrable de Chrétiens, qui prenait
du caffé deux fois ou au moins une fois
|r jour. Cependant toutes les Nations de l’Eu-
‘pe chrétienne mettent dans l’ufage du caffé
je modération très-grande en comparaifon des
irions Mahométanes, auxquelles la religion
[fend le vin.
Les obfiacles qu’ont éprouvés dans leur étalement
parmi les Mahométans, l’ufage du
ffé, & les'maifons de caffé n’ont point eu
iii parmi les Chrétiens, feulement, i.° à l’égard
ces maifons, comme les Rois de tous les
-s tendent inceffamment vers le defpotifme,
pour l’établir, foit pour l’affermir, la même
[fon qui avoit déterminé le grand Vizir Ku-
;uli à fupprimer les caffés à Cenfiantinople,
irta Charles fécond, Roi d’Angleterre ,t à tâcher
les abolir à Londres. Il publia même, en
'5, une proclamation qui ordonnoit de les
[mer. Mais, comme on lui remontra aufïi-tôt
le cette proclamation étoit contré les loix, il
[révoqua, peu de jours après, par une fécondé:
gl'fe contenta de l’établiffement d’une taxe,
1 tendit à diminuer dans ces maifons l’af-
Ince des difeoureurs. 2.° Quant à l’ufage, on
j que les plantes & autres remèdes dont les
|tus bienfaisantes font les plus inconteftables,
[ phis puiflàntes & les plus précieufes, font
f‘l,x dont l’introdinftion & l’ufage ont éprouvé
pus de contradictions de la part d’un grand
|ubre de Médecins. On fait encore qu’il fuffit
Byent qu’une plante, ou tout autre remède
|ienne à la mode pour qu’il fe trouve des }
pecins qui le condamnent, les uns pour tâcher
pire parler d’eux, & de fe mettre en répu-
|on quelconque, les autres par habitude de
pter, &ç. h arriva donc dans le tems que
'"p du caffé s’adoptoit le plus univerfellement
Rdeille,' qu’il fe trouva des Médecins qui
1 1 1 nt s ^ cver beaucoup'contre cet ufage,
axèrent fortement par toute la 'Ville ,
| ^nt. en oeuvre pour le décrier ,* il y
[ inculture. Tome I L ..
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eut même deux Doéleurs d’A ix, qui firent fou-
tenir, en 1679, dans là falie de la maifon de
ville de Marfeille, en préfence des Magiftrats,
& d’un grand nombre de perfonnes, une thèfe
& contre le caffé.. Mais toutes leurs déclamations
tous leurs argumens »’empêchèrentaucunement
1 ufage du caffé de s’étendre toujours de plus
en plus. Quelques autres Médecins ' ont encore
écrit depuis contre cet ufage ; ils n’ont pas réufft
davantage à en arrêter les progrès. D’autres
Médecins ont écrit pour en prouver la falubrité ;
mais il eft probable que la rapidité du cours
de ce torrent a été indépendante de leur recommandation.
De nos jours quelques Princes d’A llemagne
voyant avec peine les fommes confidérables
de numéraire que la confommation du caffé
fait fortir chaque année de leurs Etats, ont fait
: & font leurs efforts pour en diminuer l’ufage :
par exemple, il y a environ dix-huit ans, que
le Landgrave de Heffe a défendu l’importation du
caffé dans les pays de fon obéiffance. II y a une
douzaine d années que Frédéric II, Roi de Pruffe,
dans une loi prohibitive fur le même fujet, re-
préfentoit à fes peuples, pour preuve de l’inutilité
du caffé, la Xante excellente dont il jouifloit,
tandis qu’il n’avoit été élevé qu’avec de la fou-
pe de bière au lieu de caffé. Mais il femble que
déformais les Nations Européennes, qui voudront
s’exempter d’être tributaires à cet égard,
n@nt d autres moyens pour y parvenir, que
d avoir des poffeilions entre les Tropiques où
elles puiffent récolter elles - mêmes cette pré^
cieufe femence.
Des lieux où l ’on recueille le Çaffé; du Commercé
de cette denrée \ & de Vintroduâion du Coffeyer
arabique dans les Colonies Européennes.
Lorfque l’ufage du caffé introduit, comme j’ai'
dit, par Gémaleddin, dans l’Arabie heureufe,
vers le milieu du quinzième liècle., eut commencé
à fe répandre, la culture du Caffeyer
arabique s’introduifit fur Iesfertiles collines de ces
contrées. Elle s’étendit hien-tôt en proportion
.égale aux progrès de- cet ufage, & malgré la
promptitude avec laquelle j’ai dit que l’ufage du
caffé fut adopté par-tout, il eft douteux lequel
s’augmenta le plus- rapidement, ou de la confommation
de cette fève, tant au — dedans de
1 Yémen qu’au dehors, parmi tant de peuples,
pu de la multiplication des arbres fur lefquelson la
recueille, dans cette partie d’Arabie, dontl’heu-
reufe fécondité contrafte d’une manière fi frappante,
avec la ftcrilité des immenfes déferts
qui 1 entourent. De forte que le furcrcît d’or—
nemens que la multiplication de cette belle
plante, vint encore ajouter à ce beau pays, y
couvrit de: vaftes cantons dans l ’efpace d’un
nombre peu confidérable d’années. De forte
qttq l’Yémen qui, de toute antiquité, eft en p©^