
jufle d’établir, d'après ces proportions, des calculs
fur la perte caùfée par la Carie, mais fi
Von fait attention que des grains de froment
purifié, fur lefquéls favois feulement pofé une
épingle, trempée dans de la poudre de Carie,
ont donné cent quatre-vingt-dix-neuf épis, dont
il y en avoit quatre-vingt-un , ■ çefl-à-dire, plus
d’un tiers de Cariés , on concevra que, quelque
foiblement moucheté que foit une femefice, die
efl capablé^de produire au moins le quand épis
malades: c’efià cettëproportion que je m’arrête.
En fuppofant qu’un Fermier ait enfemencé cent
arpens de terre en froment, l’arpent de cent
perches, la perche de vingt-deux pieds ; un arpent
de cette mefure, & d’une qualité au—deifous de la
meilleure, peut produire, année commune, vingt
douzaines de gerbes, dont quatre douzaines font
capables de rendre en grain un fetier, mefure de
Paris, pourvu qu’elles ne contiennent pas d’épis
cariés* Dans ce cas, des cent arpens, on retirerait
cinq cens fetiers, lefquels, à vingt livres le fetiers
formeraient une fournie de dix mille livres ; mars
s’il s’y trouvoit un quart d’épis Cariés, il faudrait
d’abord en déduire cent vingt - cinq-letiers , ou
deux mille cinq cens livres ; plus, douze ceiis
livres, parce que chacun des quatre cens fetier
reflans vaudrait trois livres de moins, étant moucheté
ou entaché de Carie ; ce ferait dose une
diminution de trois mille fept eèns livres ; & dans
cette fuppofition , le Fermier, au lien, de dix
mille livres , ne pourroit plus compter que fur
fix mille fept cens livres : il perdrait plus
d’un quart du produit de fes terres. Je ne fats
point entrer la paille de bled Carié dans ce calcul-,
cependant, d’après la comparaifon des n.*‘ I , î,
, &4 d’une des expériences précédentes, fous le
titre : y a-t-il des caufes -qui prodmjent la Carie
indépendamment de la contagion ? la différence du
produit en paille peut être de plus d’un neuvième ;
m a i s quoique les beflianx, qui la mangent avec
dégoût, en perdent beaucoup, cette perte efl
comptée pour peu de chofe dans une ferme, ou
elle fert.à augmenter les fumiers. Je n’ajoute ças
même à ce déchet la diminution fenftble du poids
de froment, qui croît au milieu d’un grand nombre
d’épis cariés, parce qu’elle doit varier félon
de tous, & qui ne vient pas dans toiis les fols? S’il
eft facile d’y parvenir , fans qu’il en coûte des
labours, ou des engrais de plus, fan s rien changer
ou prefque rien aux ufages établis | enfin feulement
que les champs contiennent plus ou moins d épis
corrompus. ,
D’après le calcul précédent, on ne peut douter
que les Fermiers né doivent defirer connaître des
moyens certains pour préferver leurs grains de
Carie L’intérêt de cette claffe de citoyens eft
tellement lié à celui de tous les autres, qu’il
en réfulte un mal réel pour la Nation entière
& pour fon Commerce lorfqne les récoltes ne
font pas abondantes : l’Etat, en encourageant les
défrichemens, a augmenté les productions territoriales.
Mais n’eft-il pas également avantageux
de faire rapporter aux terres, déjà cultivées, plus
de grains, furrtout du froment, le plus prépieux
avec un. peu de foin & d attention & a peu
de frais, on feroit coupable, de ne pas s’en occuper
, quand on a la certitude que la femence
produira un quart de plus en grain de bonne
qualité. Ce font les avantages qu’on a lieu d’attendre
de plufieurs méthodes, pour préparer les
grains avant de les femer ; méthodes que je développerai
en en prouvant les effets par dès
expériences comparées. .
Manières de préferver les fromens de Carie,
Quoiqu’on ne connoifle pas la çaufe primitive
de la Carie, on en connoît tellement les 'caufes
fecondaires, celles qui la multiplient le plus,
qu’on eft alluré de les rendre nulles ou prefque
nulles, lorfqu’on veut efficacement en adopter
les vrais moyens. Les Journaux, les Livres d A-
griculture ou d’Économie Rurale font remplis de
recettes contre cette maladie,, dont l’étendue &
l’importance ont de tout teins frappé les efprits.
On a imaginé toutes fortes de pratiques & de mélanges,
parmi lefquels il s’en trouve de bizarres
& quelquefois de dangereux pour les femeurs &
pour les volailles, comme les préparations dans
lefquelles entre i’arferiic & le; cobalt, qui contient,
beaucoup d’arfeniç, le fublimé çorrofif, U
verd-de-gris, &c.
Qu’on me permette ici une compgraifon, qut
pourra fervir à prémunir contre le merveilleux
des recettes nouvelles , proposes de tems-en?
tems pour empêcher les ravages dé la Carie, Le
quinquina eft le fpécifique des fièvres intermittentes
, qui affligent les hommes. Souvent ce
remède manque fon effet, on parce qu’il eft fal-
lifiéou de mauvaife qualité, ou parce qu’il eft mal
adminiftré. Ce défaut de fuccès, dans ces circoni-
tances, a donné lieu de recourir à des compofi-
tions vantées contre ces fortes dé fièvres, & débitée
d’une manière myftérieufe : la plupart font de
opiats, dont le quinquina fait la baie & le rpnn-
cipal ingrédient ; c’eft en lui .que réfîde la verti
fébrifuge. 11 en eft de même des recettes.contrt
la Carie de froment ; fans la chaux, elles n au
roient que peu d’effet : c’eft la chaux qui Ie1’
donne ce degré d’aétivité, fi néceffaire pour pu-
rifier les grains de la poudre contagieufê. Aul >
recommande - t - on toujours de paffer les ®
mences à la chaux, de quelque manière qu°
confeille en outre de les préparer. 11 arrive qne)
quefois même qu’avec les meilleures recettes, o
ne réuffit pas, & c’eft vrailemblablement p^rC
que la chaux n’eft pas bonne., ou parce:
ne l’emploie pas convenablement, & quelle d
pas fécondée par des foins indifpenfables. ,
Selon que l’on fe propofe d’employer des\
mences plus ou moins pures, il y a plus ou moins
de préparation à faire fubir au froment ayant de
le répandre fur les champs. Le froment, acheté
aux glaneufes, qui ne ramaflent point d’épis Cariés,
fi on le femoit même fans le chauler , n’en
prodtiiroit point ou n’en produiroit que très-peu,
comme je l’ai éprouvé & comme on l’éprouvera en
i'emant des grains fains, pris à des épis fur pied.
Celui qu’on fe procure dans les marchés n’eft pas
toujours auffi pur qu’il le paroît. Quelques criblages
ou autres opérations auroientbien pu le dénôir-
j cir fans lui enlever tout le principe contagieux,
| dont une feule parcelle adhérente à l’écorce, fuffi-
roit pour produire un effet fâcheux. Mais fi lon
efl sûr que le vendeur n’a pas récolté pie Carie
il n’y a point de raifon de s’en défier. Il en eft dé
même du froment, exempt de Carie, qu’on fait
battre chez foi. Un bon chaulage eft la feule préparation
dont ils aient befoin.
Mais, lorfque le froment en gerbes eft rempli
d’épis cariés, ou lorfque les grains de froment
battu font fufpeéts ou fenfiblement entachés de
Carie, on rifque beaucoup de fê contenter de les 1
chauler. J’ai quelquefois été allez heureux pour
ne point récolter de Carie dans des champs, dont
lia femence noircie & entachée n’a fubi qu’un
chaulage plus foigné , plus long & plus parfait.
Maisjen ai pas réufli complettement’dans toutes les
années. Le plus certain eft donc défaire précéder
le chaulage de quelqu’une des préparations fui—
(antes, propres aufli à rendre le froment marchand
, fi on vouloir le vendre.
I .° Dépuration par le triage à la main.
La première & la plus fimple dépuration eft
celle qm fe fait par le triage des épis Cariés à la
mam On délie les gerbes, on choifit & on ôte
tous les épis cariés, afin d’en laiffer le moins
qml efl poflîble ; il faut, quand une gerbe a été
«tamisée dans un fens, la retourner de l’antre
« ^examiner de nouveau. En enlevant les épis
Çanés, on peut enlever en même-tems les épis
oe leigle , & toutes les mauvaifes herbes, fi on veut
lemer le froment feul & pur. Ce travail minutieux
«>it être fait par des femmes, parce qu’il n’eft
pis fatiguant. & parce que leur tems eft moins
cner que celui des hommes. Elles en épluchent
pr jour plus on moins félon la quantité d’épis
«nés g,,; K trouvent dans les gerbes. J’eftime
ju une femme, dans une année, où les épis Ca-
p ne font pas très-nombreux , peut éplucher
.«'Xante gerbes par jour. Soit qu’on la paye fans
proumr, foit l?l.,e nourriture fafie partie de
lalaire, on lui donne la valeur de I liv. a f.
.quinze ou feize lieues de Paris. Or, il faut com-
btiü me,nt iparante-huit gerbes de froment pour
hpn,w fetier- La dépuration des gerbes con-
^ ables à une exploitation de cent arpens en fro-
, r,«''tendrait, fi on' la fâifoit de cette manière.
Apiculture. Tome II. ’
a Bélîy. 8f. enfuppofant que, pour enfemencer
cent arpens, on employât quatre-vingt-dix fetiers.
Quelques attentives que foiént les femme?, elles
n’enlèvent pas tous les épis Cariés; quoiqu'elles en
enlèvent la plus grande partie, iMeur en échappe
toujours quelques-uns plus difficiles à difiinguer.
IL fuffifent pour communiquer au bon grain le
principe de Carie, & exigent un chaulage pour
en prévenir les effets.
2. Dépuration par le battage des tiges Cariées
fur un tonneau ou fur un cylindre.
Pour empêcher que les grains Cariés ne s’attachent
aux grains fains, qui, femés en cet état*
produifent beaucoup d’épis cariés, quelques Cultivateurs
font bartre leurs gerbes fur un tonneau.
Vuye[ le mot battage, où j‘e décris la manière de
battre fur le tonneau. Les tiges Cariées étant très-'
courtes, reftent dans les mains du batteur, tandis
que les tiges faines, toujours les plus longues,
iont prefque les feules battues.
Quoique le battage fur le tonneau foit un
moyen préférable au battage au fléau, quand les
gerbes font remplies d’épis cariés, un Fermier
nommé Honoré-Denys Laye , de'Moriers, dans
le paysChartrain , voulant encore le perfectionner
, parce qu’il s’écrafe toujours quelques grains
de Carie , à caufe de la furface étendue du tonneau,
a imaginé dé faire monter fur quatre pieds
un rouleau ou cylindre de bois , d’un pied à
quinze pouces de diamètre-, & d’environ deux
pieds de longueur. Les gerbes s’y battent par
poignées, comme fur le tonneau ; mais le cylindre
étant plus étroit, il n’y a que les longs épis,,
prefque tous exempts de Carie qui frappent deffus.'
On relève de tems en tems le grain battu , afm .de
ne pas le fouler aux pieds.
Lorfquil s’agit de nétoyer , c’eft-à-dire, de
purifier le grain , pour le porter au grenier, on
le pâlie à une' efpèce de crible, nommépâjfojre ;
on ie jette au vent une ou deux fois* on tire à
part la gorge *, on appelle aînfi la partie du monceau
, qui contient Ils petits grains & les ordures ;
on la jette féparément au vent plufieurs fois, pour
en ôter le.plus de grains Cariés polfible. Cette manière
de jetter le grain au vent, pour nétoyer la
femence, eft la feule employée dans le Permis,
canton de la Champagne. Enfuite on pafle le
froment au tarare , autre efpèce de Crible, auquel
eft joint un ventilateur. Voye^ Crible: à l’aide
de ce dernier crible , ce qui refte de grains Cariés
eft chaffé au-dehors. Enfin , au fortir du tarare,
on nétoie encore le grain avec un crible à main,
à trous ferrés, pour laiffer échapper la pouffière!
Le froment après toutes ces opérations, eft clair &
nét, comme fi les gerbes n'avoient point eu de
Carie.
A la fuite de chaque nétoiement, oïl bat au
fléau la paille., déjà battue fur le cylindre, &,
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