
pas lieu en même-tems qu’à la Grenade : car
c’eft l’approche des pluie§ qui doit déterminer
par-rtout le moment des plantations. A Saint-
Domingue , on plante pendant les huit premiers
jnois de l’année, & on laboure à la houe les
Cannes qu’on doit couper dans les quatre derniers
mois. Les pluies du Cap permettent de travailler
ainfi. Dans la méthode de M, de Cafeaux,
il eft facile de retenir de bon plant dans les rejetons
qu’on coupe à leur tems*, on peut couper
la totalité de fes Cannes dans la même année
: car fiûvant lui, à la Grenade, les Cannes
plantées à douze mois, ont à-peu-près tout
Je fucre dont elles font fufçeptibles. Un habitant
de Saint-Domingue allure que, dans cette
IÜe, leur maturité eft à quinze ou feize mois,
& celle des rejetons à doqze ou treize , que rien
ne fe perd dans les produits, que tout le champ
de Cannes eft r o u l é , c’eft-à-dire exploité dans un
an. Il a vil fur une habitation de vingt-cinq pièces
de Cannes en rouler vingt—ftx dans Une année ,
car une d’elles fut roulée au commencement dejan-
yier & à la fin de Décembre de la même année.
Puifque la faifon permet à Saint Domingue
de rouler toute l’année, les confeils de M. de
Cafeaux ne peuvent regarder cette Colonie. Il
y a plus ; cette adminiftration offre pour les
Nègres un avantage. Quoiqu’ils aient beaucoup
plus de mal pendant la récolte que dans un
autre tems , on remarque q u Ils engraîlfent,alors,
il vaudroit donc mieux, quand on le peut, partager
la récolte. Ce doit être par-tout Ja faifon
qui commande. Au refte, cette réflexion çft de
M. de Cafeaux lui-même.
Il ajoute qu’on retrouverait à fe dédommager
de ce qu’on perdrait, par la vigueur qu’une
coupe anticipée donnerait aux rejetons qui fuc-
céderoient à ces Cannes. Le Colon qui fe con^-
duiroit ainfi, prolongerait fa récolte jufqu’au 15
Juillet, s’il éprouyoir trop de contradiction ,
foit de la part de la faifon , foit de la part des
accidens • ïl feroit toujours du fucre dans la
meilleure faifon -, il manqueroit moins de plant,
& par conféquent il faudroit moins de recourage ;
les Cannes plantées n’éprouveroient pas les
grands vents de Novembre & Décembre qui ont
Jieu aux Antilles, & ferpient moins dévorées
par les rats, qui fe difperferoient,. toutes les révoltes
étant finies en Juillet. Le Colon feroit
tpnu à moins de ûnflages , puifque les Cannes
étant placées près les unes des _ autre? , elles
étoufferoient facilement les mauvaifes herbes;, on
jie verrait pas de ces plantes monflrueufes &
prefque dépourvues de fup*e, ou ne contenant
qu’un fucre aqueux , parce que les Cannes plantées
n’éprouveroient les pluie? de -Novembre &.
Décembre que dans leur jeuneffe.
Par la difiribution que M. de Cafeaux fait de
fes atteliers, il cfoit que fa culture ne lui demanderait
pas plus d’efclave? que la culture
ordinaire. Quand on fait faire la récolte en «J
tre mois, l’attelicr , pendant les deux ^3
mois, eft employé à d’autres travaux’ quand
on le fait faire en fix mois, on réferve pendant
tout ce tems une portion de l’attelier pom
les autres travaux qui doivent concourir avec lj
récolte. Dans un cas comme dans l’autre, onj
deux mois libres, foit de fuite, foit en détail
Il réfulte de-là que dans fes champs M. d<
Cafeaux fait quatre récoltes en quatre ans, tan
dis . que dans la culture ordinaire on en fait à
peine trois : car une pièce de Canne plantée et
175)0, feroit, dans la méthode de M. de Cafeaux
coupée en Juin 1791, & fes rejettons en M?
1792, fes féconds en Avril 1793, & fes trot
fièmes en Mars 1794 • tandis qu’une pièce plan'
tée en Novembre 1790, fuivant la culture 0!
dinaire, ne feroit coupée qu’en Avril 1791
fes premiers rejettons en Juillet 1793, & fe
deuxièmes en Octobre 1794. Cette manière d
cultiver & d’adminiftrer les cultures, peut c
venir fans-doute à la Grenade, où il paraît qu
que la culture de la Canne n’eft pas fi avancée
ni les manufactures auflî grandes que. dans |
autres Colonies, & lur-tout à Saint-Domingue
Pour prouver que l’adminifiration ne peurp;
;; être la même, je rapporterai à ce fr.jet un
obfervation d’un habitant de Saint-Domingue
«« Chaque habitation, avec un feul mouli
à eau, foit à mulets, fait par jour, quandeli
r o u l e , cent formes de fucre, terme moyen.I
y en a qui en font 15©. Ces habitations la fon
de 4 à 800 milliers dé fucre terré par an. »
ce Chaque forme blanchie & féchée , pel
401. c’eft donc 4 milliers de fucre terré par jour.»
«Dans une habitation de 400 milliers, ilfai
Jonc. 100 jours de r o u la ifo n s par an, & 2*
jours dans une habitation de 800 milliers. Or
je le demande à tous les Colons, peut-on rou
1er cent jours dans quatre mois ? La manufac
ture en mouvement occupe tous les Négresse
tifs d’un attelier de 400 Noirs ; & ils veille'
de trois nuits une. Tout maître humain ou cal
culateur, fufpend fa roulailon tous les -qu®
jours pour leur donner le repos néceftaiif
On ne roule guères que vingt jours par mois
ce qui fait 80 milliers de fucre terré pour arri
ver à 400'. Il faut donc rouler cinq mois conlé
cutifs. Or voilà déjà le terme de ,M- Caleaii
paffé d’un mois. Si c’eft une habitation de oc
milliers de fucre, il faut quelle roulei «I
mois & demi, & fi elle eft de 800 miU^
elle roulera dix mois. Pour prefter le m°in
ment d’une telle manufacture , il faudroit to'
rompre ou tout doubler ; & les double«1^
mobiliaires font chers en ce pays-là- Jc J ;
fuis pas moins d’avis de prefler fon revenu ,
la primeur, parce qu’à cette époque oîl0.) J
davantage en quantité &. en qualité, Mai
granfte manufacture ne peut pas, com^
les !■ petites ..de la Grenade , s’aftfeftidre à faire
\>iout fon çevemi, en quatre mois. 35 M., de Ca-
I jfeaux, auquel j’ai ^communiqué cette obferva-
I .don, Ta trouvé très-.jufte.
On doit commencer la récolte par les Can-
nés-rejewris qui font les■ plus mûres. Si quelques
foüches des Cannes plantées étoient endommagées1,
on les couperait, en laifiànt le refte
! 'jufqn’.aii mois de Juin ou dé Juillet. Il a déjà été
j .obfervé , lorfqu’il étoit queftion delà préparation
du terrain, qu’il falloir couper le plutôt pof-
|#ie les. qnarrés , qu’on avoir l’intention de re—
■ planter.. &
A la Grenade, un Cultivateur intelligent fait
[couper, autant qu’il le peut, en même-rems
des,pièces éloignées, & des pièces.qui font auprès
de la manufacture, pour remédier à l’iné«-
i galit.é des diftances, & ne pas furcharger ou interrompre
de moulin. A Saint-Domingue, cha-
que; pièce a fon tour ,1 éloignée 'ou non 3 on
n’en coupe jamais; deux à-la-fois. .•
11 eft important de faire c o u p e r les Cannes le
plus bas pofb blç, & de ramener un p e u de terre fur
les Touches ; c’eft le moyen d e f a c ilit e r lesrepouf-
ies & de les fo r t ifie r . C’eft ainfi que dans les
bois, dont l’aménagement eft bien entendu , on
a foin que le Bûcheron coupe entre deux terres.
Vingt-cinq Nègres pn une journée peuvent
jcoiiper aftèz de Cannes, pour,fournir 18 chaudières
, dont chacune donne quatre formes de
lîucre;;:
Les Cannes ; étant coupées fur les champs ,
on les met en paquets de ; 15 Cannes chacun ;
24 paquets font une charge. Il faut au moins 24
charges pour procurer le jus capable de remplir
deux chaudières, qui ne donnent que huit
formes; dé lucre.
Les Cannés qu’on coups dans les mornes, font
portées à dos de mulets àu'rnoulin-, celles qu’oq
loupé dans ' les plaines , font charriées dans de
petites charrettes, appellées ca b r o u e t s à Saint-
Domingue , & traînées par des boeufs où par dès
fnulers-, on les jette près du moulin, dans une
enceinte nommée p a r c à C am e s . On eftime qu’à
Mint-Domingué un carreau de Cannés peut pro-
|uire pç) charretées, pelant chacune iccé liv. 1
|°nt on peut tirer quelquefois 2cooo liv. dé
m u ! % ' '
re Çui p eu t n u ire h la V ég é ta tio n d e la C ann e à
S u c r e & à f e s p r o d u i t s .
Chaque plante pour végéter convenablement,
|dnne manière avantagèufe à celui qui la cul-
N, exigé un certain ordre de fai fon s, un état
F air tellement modifié, quelle puiffe éprou-
,Çr de la chaleur & de l'humidité; au moment
[■ elle en. a befoin , & dans les propontons
Prives à fa conftitutiorï. En général, une fé-
prefie long-tems prolongée Tépuife & la dé- |
I “ in cultu r e , T om e I L
fèche ; trop-d’humidiré la macère & détruit fa
texture. Quelques plantes fou tiennent mieux
une longue féchêre-fle ; d’autres ne font que rarement
incommodées d’une; longue, humidité ;
d’autres ne parviendroient pasà leur entier ac-
croiflèment, fans une alternative de pluie & de
chaleur. La Nature a varié les befoins comme
les individus. Si le plus fou vent les températures
& • les variations de l’air fe conforment
aux befoins des plantes,, il arrive quelquefois
cependant que cet accord eft; dérangé par deâ
caufeS' giiifta.ti.tes, & liées fans doute au grand
fyftàme .du monde. La. Canne à fucre demande
des pluies-, pour attendrir la bouture qui doit
la former, pour, favorifer fon premier développement,
& la( mettre en étaf de profiter.de
la chaleur ■ &. de . la fécherelfe. Encore, faut-il
que cës pl'uies foient graduées • mais il eft né-
ceflaire que la fécherefie qui lés fuit ne .dure
pas aflèz long-tems pour s’emparer de toute
humidité végétative r car alors les vaifleaux vui-r*
des rapprochent leurs parois & fe délfechent; la
plante eft,pour ainfi dire, dans un état de rac-
corniftement. Quelques intervalles de pluies entre
des intervalles de chaleur, la rendraient tout-
à-la fois vigoureufe & pleine de fucre.
. Qu’après une longue fécherefie il vienne des
pluies, abondantes , la fève trouvant les vaifleaux
oblitérés, ne peut plus; les enfiler 3 la tige vieil—
■ lie & languiftanre n’en profité pas. M. Moreau
de Saint-Mery, qui a bien voulu me faire-
de bonnes remarques relativement à Saint-Do«-
mingue, dit avoir- vu de fortes:pluies après une-
fécherefie , défucrer abfolument des Cannes.
Mais quelques boutons des racines plus tendres
fe développent & produifent eu peu de tems
des Cannes qui eroiflent prodigieiifement&
qn’on nomme Créo le s \ elles ont peu dé noeuds,
mais, ces noeuds font plus.longs & plus gros que
ceux dés, Cannes ordinaires. On ne ' leur trouve
aucune laveur ; la Nature en les produifant ra-*
pidement, ne s’efi pas donné le tems d’affinetf
leurs fucs ces Cannes font rdetées & féparées
d.e celles, qu’on porte sii moulin. Les Cannes
plantées en Novembre & Décembre , lorfque
l’année d’après elles éprouvent la; deuxièmefévo-i
lution' de la faifon des pluies, peuvent être fit-
jetés à cet inconvéhient, qui n’a pas lieu dans
la culture de M. de Cafeaux, puifqû’ayam planté
les fiennes en Mai & Juin, il les ebupe l’année
d’après, avant lés ’pluies. :
Lorfque le terrain eft argilleux & plat, les
grandes pluies, dont l’eau féjourne , noyent lés'
racines & les pourri fient. L’état le plus heureux
du ciel pour un cultivateur de Cannes qui a
deux fortes de terrains eft que la fécherefie &
la pluie foient alternatives- &de çoune durée. Ses
terres argilieufes rapporteront moins que s’il pieu-!,
voit-plus rarement',- fes tems légères rapporte-,
rom moins que s’il pleuvoit plus fouVeot. Mai*
M m m m