
Alchaouat Alcatiat, c’e ft-à -d ire , boiflbn du
Cat} parce qu’on la préparoit avec une feuille i
nommée Car. Schehabeddin ne dit rien qui puifle i
faire juger qufc.-eette feuille fût du thé. Quoi ,
qu’il en fo i t , l’ufage du Caffé ne fût. pas plutôt
répandu, qu’on le.préféra généralement à cette
boiflbn du Cat , qui fut dès - lors abandonnée
entièrement, & qui n’a pas été reprife depuis.
Telle eft l’origine & l’époque du grand ufage
du Caffé. Schehabeddin d it. que cette boiflbn
croit ufitée en Ethiopie j» de tenus immémorial : ;
.mais il ; y a lieu de croire qifavanr l’époque ;
dont je viens-de parler , cerulage y étoit très- i
peu répandu.
On raconte encore cette origine d’une autre .
manière : voici ce que rapporte Nairon, dans .
fon. Livré, de faluberrimâ potione Cah ve feu ,
Café nuncupatd, imprimé à Rome^l en 1671. «
La Tradition commune parmi les Orientaux ,
e fl, qu’un Gardeur de chameaux ou de.chèvres, ;
dans l’Arabie heureufe, fe plaignant aux Religieux
d’un monaftère de ces cantons, que fes
troupeaux, deux ou trois fois la femaine, non-
feulement ne dormoient point de toute la nuit,
mais même la pafi oient à fauter d’une manière
extraordinaire, cela'piquala cürioflté du Prieur,
ou Abbé du couvent, qui conjetlura que cette
*nfournie & cette gaieté extraordinaire de ces
animaux, pouvoient provenir de leur pâture;
S’étant donc donné la peine, accompagné d’un
de fes Religieux, de lesobferver pendant la nuit
dans l’endroit où cela arrivoit, il remarqua qu’ils
mangeoient du fruit de certains arbrifleaux. Il
-s’ingéra d’eflayer fur lui-même, les vertus de ce
fruit. Il en fit bouillir dans l’eau, & il éprouva,
qu’en buvant de.cette décoéHon, elle le tenoit
éveillé pendant- la nuit. Cette .découverte fit, ;
qu’il prit l’habitude, d’en ufer. journellement ; ;
qu’il confeilla ou enjoignit cette habitude à fes
Moines • & qu’ils en obtinrent l’avantage de
pouvoir aflifler, fans peine, avec une atteüA"
rion fuffifante, aux pratiques de dévotions qu’ils
étoient obligés de faire pendant la nuit. Quand,
par le fréquent ufage qu’ils firent de cette boif-
Ton, ils eurent, de jour en jour > reconnu fes
autres bonnes qualités, le récit qu’ils en firent,
l ’accrédita dans toute cette contrée. Le même
Auteur ajoute que quelques-uns d’entre les
Turcs, ont coutume de dire, tous les jours,
certaines prières, en aérions de grâces, -pour
Scyadly & Adrus, qu’ils croient être les noms
de ces deux Moines dont je viens de. parler.
Mais, comme l’obferve fort bien Galland , Traducteur
de ce que rapporte Schehabeddin, ce
conte populaire, qui, en tous cas, né peut être'
cru préférablement au récit d’un Auteur presque
contemporain, paroît évidemment faux:
puifqu’il efl certain, que, lorfque l’ufage du
Caffé s’intfbduifit dans l’Arabie' heureufe, ft|
.ne : pouvoir y ' exîfler de Mornes; eàr elle
étoit, alors toute Mahométanè. D’an très cioient I
que le premier 'Arabe qui-fit ufage du Caffé ;
rut un MOllach, nommé Chadely, qui èn prit,]
dans la vue de fe délivrer d’un afloupiffetnenij
continuel', qui ne lui permet toit pas de vaquer]
convenablement 'à les prières no élûmes ; qu’il]
fut imité prfr fes Derviches -, & que leur exemple
entraîna, lés autres À'riibës. Selon BVadley, l’opi-J
nion la plus reçue dans l’Empire Turc, efl, que
Ce fut un Ange qui * enfieignal’nfage de cette
boi f l bnà un M'u fulman bu Y rai - Groyantil
Mais il paroît qu’aucune de ces Traditions ne
peut- empêcher d’ajouter foi à Schehabeddin J
il étoit, pour ainfi dire, témoin oculaire : &
fon autorité e f l .. encore fortifiée par : celle
d’Àb'daleader’, autre Auteur Arabe, qui a donné
la..continuation de l’Hiftpire du ■ Caffé,., depuis!
Schehabeddin , jùfqùîpn 990 de l’Hégire, c’èfl-J
à-dire, l’an 1587 de i’Ere chrétienne, lors duquel!
il écriVôit. Il 'eft conftânt d’ailléiits ' par les autres
Auteurs Arabes;: que Gemaleddrri, M'oufti d Aden,j
y vivoit, lors de fépoqùe citée de [’introduction]
du Caffé , & qu’il efl mort l’an 875 de l’Hégirel
ou 1470, de l’Ere chrétienne.
Progrès de t ufage] du Càjfe , dans fous le* Faysl
Mahométans : contradictions & objîacles que ccfj
üjdge y éprouvé.
Les avantages que procure cette boiflbn, t
étendirent promptement l’ufage dans toute lAraj
bie, à la Mecque, à Médine, d’ou les Pélerina
le répandirent en Egypte, en Syrie,-en PerleJ
à Conftantinople. De-forte qûeÿ dans leipace
d’un fiècle , environ' à compter1 députa q«|
Gemaléddin eût pris pour la première rois- m
cafféj i fon ufage fut généralement adopté-dans
tous les Pays. Mahométans.’ Mais ce ne- fat m
fans contradictions1 & fans- bbflaclcs. e.uivaBj
Abdalcader , traduit par le 1 même ■ Gallan
vers la fin du neuvième fiècle de q
gire, & le commencement du dixième-, lacoti|
tume de prendre du caffé étoit déjà coniiniinj
à la Mecque, à Médine, &.au Caire, un?
coutume fut d’abord introduite dans ces tr«
Villes, icomme dans beaucoup d antres, *p 1
dévots,, qui s’en fervoient à l’imitation«u A 0 1 -
& des Derviches d?Âden, & qui,; afin d jf f j
le fommeil & d’avoir plus ae liberté
& d’attention pour vaquer à la prière I
autres exercices de religion pendant la |
en pÉenoient même dans les ■ mofqqées IJ
ques dans le fameux Temple • \ |
Avant la fin du neuvième fiècle de 1 Régit , |
ufâge étoit -dçjà lit généralement anopj^.^.ï
Mecque:, qu’on imagina d’y..établir des|1 ‘ J
oùT’on donnoic à boire publiquement 1
♦ ion <3e caffé.; C’efl ainfi çque furent établies le*
remières maifons dé caffé, qui fe font dès-lors
[jnulupliées promptement, & qui Ton t mainte-
Lant en fi grand nombre, dans les quatre Parties
du Monde. Ces nouveaux érablifieniensTc-
[voient être très-agréables au Public, dans toute
l'étendue du Mabométifme. Dans ces contrées,
0« les moeurs ne font pas aufft libres que parmi
bous j où la jaloufie des .hommes ,& la ..retraite
jjuiflère des femmes;rendent la Toqiéîé moins
vive les hommes, généralement trop ifo-
ilés, aimèrent à profiter., pour fe réunir, de
la commodité de ces maifons ’ où l’on fe
ralîemblbit pour prendre du cafFé. Quantité
[de gens s’accoutumèrent à les fréquenter pour
(jouirde la fociété qui s’y- trouvoit. Elles devinrent
un afyle honnête pour les gens oififs,
i_& un lieu de délaflemenr pour lès hommes
[occupés. On.y jouoit aux 1 échecs,, au trièlracr,
au mancalah , qui efl un autre jeu analogue
Là celui des échecs-, quant à- l'attention qu’il
[exige,. & au filence avec , lequel ; on le joue. Les
«politiques s’y entrqtenoient-de nouvelles. On y-
| lifoit des livres. Les. poètes y récitoieotieurs vers.
[Les Mollachs y débitaient. lc-urs_ fermons, qui
[étoient ordinairement payés de quelques auinô-
bes. Enfin ces .lieux d’affemblées & de rendez-
! vous, dont l’entrée & la.fortie étoient fanscérëles
Temples, & même dans le Temple de la.
Mecque , que les Miifuimans ont en fi grande
; vénération. Et fur c e 1 qu’outre cela , il y avoit
quelques maifons de -caffé,.où l’on fe permets
toit de jouer des inflrumens, de chanter., de,
dan fer , de jouer aux jeux que j’ai dit, pour
de l’argent, & gros jeu , toutes choies que .la
religion Mahométanè n’approuve pas, il fe crut
fondé à entreprendre de faire condamner le caffé,
comme contraire à la loi:, puifqu’il donHO.it oe-
cafion de faine toutes ces chofes qu elle défaprouve»
Il convoqua à cét effet les Officiers de juflice,
les Doéleurs de la lo i, les Notables, & les dévots
, & leur communiqua les ferupules qu’il
avoit jugé à propos de concevoir. Leur première
décifîon fut que quant aux défordres qui
fe commèttoieht dans les-maifons de caffé, il
étoit à. propos de-les rëprimer :: mais qu’à i’é-
gâfcd du, caffé j il:: écoin indubitable qu’on ne
pouvoir en empêcher l’ufagé , s’il n’étoit .préalablement
reconnu -qu’il fût con traire à la fan té
du corpsou déH’efprit : parce que,, fuivant l’Alco-
ran, Dieu a créé toutes, choies, que la terre produit
pour l’ufageldes hommes...Il fallut,donc con^
fulter.les Médecins. Il sien trouva delix natifs de.
Perfe, & des plus renommes à . la Mecque, qui,
foit que ce fût leur opinion, foit qu’ils. vouluf-
fent -fei fingularifer , ou plutôt complaire au
.Gouverneur, foutinrent / contre l’avis des-au très
•Médecins ;du tems , : que. le caffé: étoit froid <Sc-
fec , & p?.r conféqtient, dirent- ils, contraire à la
-famé. Cesidetix Médecins j qui;étoient en mêmer
renis rdoéfèura de ;la loi ,> ajoutèrenten cette
dernière qualité , qu’en cas dé doute ,Te plus fur
étoit de s’abflenir de cette, boifl'on comme de
chofe défendue. Kliair Beg; réuflît à ce que cet
tavis prévalût : le cafi'é fut ; condamné comme
-contraire à .la loi de Mahomet : & il’,fut défendu
d’en boire, ni en public y ni:en'particulier , fous
peine du châtiment: qu’encourent ;ceux qui
contreviennent aux préceptes dé la religion Ma-
hométane. Toutes les maifons du cafté furent
fermées;; l’on fit un recherche.exaéle de tout lé
caffé,. qui étoit tant .dans les maifons particulières
que c\iez les marchands ; & on le brûla.
Enfin on tint la main fi rigoureufëment à l’exécution
de cette loi , qu’un Mufulman ayant .été
furpris chez lui en buvant du caffé , fut promené
fur un âne par.Tes rués. & places.-publiques de
la Mecque, pour fervir d’exemple. Ce n’efi pas
en ces pays qu’on connoiflè, jufqn’à quel point
le domicile de chacun doit être’ pour lui un
afyle inviolable & facré.. Si Khair Beg s’y étoit
pris autrement , cette défenfe eût-duré peut-
être plus long-tems ; peut-être même que l’ ufage
du caffc éût été dès-lors aboli pour toujours.
Mais le Sultan Canfou ne vit qu’un attentat ;à
Ton. autorité dans un tel règlement fait à Ton
infu ; il trouva d’ailleurs fort mauvais, que le
Gouverneur de la Mecque fe fût c.onrenté dans
ij