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exhale déjà l’odeur infe&e qui caraélérife le grain
de Carie.
Quand l’épi Carié eft forti du fourreau, cé
qui a lieu à-peu-près vers le tems où fe montre
l’épi fain, c’eft-à-dire, de la mi-Mai à la .mi-
juin , dans le climat de Paris, il eft facile de les,
diftinguer l’un de l’autre, parce que l’épi
Carié eft bleuâtre & plus étroit, & il a fes bâles
plus ferrées. A ce terme, le grain vicié., côm-
pofé d’une peau verte & ëpaiffe, & d’une pulpe
blanchâtre, qui y eft renfermée, a une forme
ovoïde, conlervant encore les ftigmates à fon
extrémité fupérieure -, les anthères, toutes petites
& jaunes, y font collées dans la direction du
bas en haut, fans excéder la hauteur •, elles ne
Portent pas des bâles; de-là vient qu’on dit avec
raifon que les. épis Cariés ne fleuriffent pas.
L’odeur infecte du grain eft alors plus confidé-
ïable, quand on l’écrafe.
Bien-tôt l’épi Carié n’eft plus aufli étroit1, il devient
même plus large que l’épi fain. Ses bâles
s’écartent , parce que le grain groflit & ne.tarde
pas à fe faire diftinguer. La fubflance pulpeufe
paffe fucceflivement de la couleur blancheâtre
au gris cendré, & du gris cendré au brun. Les
deux ftigmates ne font plus que des filets -, l’épi
eft moins vert & la tige l’eft encore •, il n'eft plus
néceflàire d’écrafer .le grain Carié , pour qu’il
répande fon odeur. Une certaine quantité d’épis
en cet état, réunis dans un appartement, fe font
fentir d’une manière défagréable.
La maturité des épis Cariés, eft, comme l’a ob-
fervé M. Tillet j plus hâtive que celle des épis
fains; ce qui n’eft point étonnant, puifqu’on
voit les fruits des arbres malades mûrir plutôt
que ceux des arbres bien portans. Cette maturité
eft complette, lorfque les tuyaux font
jaunes, l'es bâles blanchâtres, & les grains Cariés,
gris bruns. L’intérieur de ceux-ci fe trouve alors
rempli d’une poudre noire. Si, après un tems de
pluie , on paffe fous le vent le long d’un champ
où il y ait beaucoup d’épis Cariés, on ne peut
fupporter la fétidité qui s’en exhale.
11 eft à remarquer que lès épis fâins font
moins chargés de grains que les épis Cariés, car
j’ai compté bien des fois fur cès derniers, juf-
qu’à foixante-huit grains, nombre que j’ai rarement
compté furies premiers.
Crains mixtes & e'pis. contenant des grains fains
& malades.
J’ai quelquefois, dans les épis de froment,
rencontré des grains mixtes, dont une partie
contenoit de la farine blanche, & l’autre de la
poudre noire de Carie. MM. Tillet & Duhamel
avaient fait la même remarque. Il eft moins
rare -de trouver des épis; fains fur des pieds où
il y en a de viciés, & même des épis qui ont
des grains fains & -des grains Cariés. Dans ce
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dernier cas, tantôt c’eft tout un côté facile \
diftinguer dès les premiers tems, parce que (a
couleur eft plus verte -, tantôt ce n’eft que le I
quart de l’épi ; quelquefois les grains malades I
lont épars çà & là , & entremêlés de grains I
fains. Sur une quantité d’épis Cariés, qui m’ont
fourni douze onces & trois grains de Carie, j’ai
retiré trois onces de froment fain, que j’ai fe~
més. M. Duhamelavoit fait la même expérience
mais d’une manière imparfaite. Ce froment étoit
noirci par la poudre, à laquelle il avoit été
mêlé, lorfqu’on l’avoit féparé des bâles • il j I
produit deux tiers d’épis lains & un tiers d’épis I
Cariés, parmi lefquels ils s’en trouvoit plufieursqui I
contenoient des grains fains & des grains malades. I
Le froment efl-il la feule plante Juj ete a. la Carie ? !
Le Seigle , l’Orge & l’Avoine ne paroiffent
pas fujets à la Carie. M. Tillet 8c moi, nous
avons efl’ayé envain de la leur faire contracter en
les imprégnant de poudre de Carie de Froment;
néanmoins, je n’affurerois pas qu’ils en fufi’ent
toujours exempts. M. Tillet croit l’ivraie fuf-
ceptible de cette maladie. Ses expériences lui
, ont appris quelle fe communiquoit de cette
l plante au Froment à épis blanc, fans barbes,
tige creufe & non vice verfâ.
Il croît dans certaines prairies une Scorfonère, j
dont toutes les parties de la fructification font
converties en une pouflière d’un beau noir,
analogue à celle de la Carie. Cette plante, que
Linneus appelle Scorfonera pulverijlora, a des
feuilles de fix à fept pouces, du milieu defquelles
s’élève une tige,. plus., ou moins velue, qui
monte à la hauteur de huit à neuf pouces ; le
calice, au lieu d’être alongé comme dans les
Scorfonères communes , eft arrondi & un peu
applati fupérieurement ; il ne renferme qu’une
pouflière noirâtre , très-abondante , qui ternit les
• doigts, fans y adhérer. J’ai lieu de foupçonner
quelle eft formée de bonne heure dans les calices
, car j’ai découvert des calices qui en étoient!
déjà remplis , quoique les tiges qui les porroient
fuffent à peine forties de terre. Quand les tiges
font à certaine hauteur, les calices s’ouvrent &
laiffent échapper leur pouflière, qui fe dilfipe
en grande partie ; ce qui ne s’en échappe pas,!
refte attaché à la furface interne des calices.!
Tous les pieds de cette efpèce de Scorfonère J
qui étoient dans une prairie, fituée à Fontaine J
près Ermenonville , contenoient de cette poudre.!
M. Antoine Laurent de Juflieu m’a dit qu’ou I
en trouvoit aufli dans la prairie de Gentilly> a
près Paris. J’aurois defiré pouvoir en recueillit!
affez, pour la fouméttre à toutes les épreuves|
auxquelles j’ai fournis les grains Cariés. Lapouclïe|
de cette Scorfonère n’exhalant pas une odeur fétide,«
j’ai été tenté de la claffer parmi les plantes fujetres
au charbon, mais l’enveloppe de la poudre M*
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I fille, ce qui n’a pas lieu dans les épis eharbônnés I des graminées, où elles font toutes détruites. J’ai
I donc dû regarder cette Scorfonère comme une
I plante Cariée.
I M. Bernard de Juflieu foupçonnoit que les-
I grains Cariés étôient une efpèce particulière de
lycoperdon ou vefee de Loup. M. Adanfon &
j beaucoup d’autres perfonnes l’ont penfé à quel-
[ ques égards feulement. En effet, cès deux fubf-
tances ont des rapports entr’elles. Le Lyco-
r perdon, comme les grains Cariés, eft couvert
d’une peau cendrée, qui renferme une pulpe
molle & blanche -, cette pulpe, en fe corrompant
, fe change en une pouflière fine, fèche
I & fétide , quelquefois de couleur obfcure , la-
I quelle paroît à la vue fimple comme une fumée ;
I mais lorfqu'on l’examine avec une forte lentille,
I elle femble compofée d’une infinité de petits
I globules un peu tranfparens, & dont le dia- ‘
I mètre n’eft pas au-deffus de la cinquantième par- ■
I tie d’un cheveu. On lit, dans les Tranfaélions
I philofophiques, que M. Aimen, qui s’eft oc-
! cupé aufli des maladies des grains, a fait pro-
I duire des épis Cariés à des grains de Froment
I qu’il avoit imprégné de poudre de Lycoperdon.
! J’ai répété fon expérience en frottant de poudre
I de Lycoperdon, du Froment à épis bfancs, barbus,
I barbes divergentes, auquel on communique facilement
la Carie du Froment ; il n’en a point
I produit du tout. Le Lycoperdon eft un genre
I ,de produélion à part, dont on ne connoît pas
I les organes de la frunification ; les grains Cariés
[du Froment ne font qu’une partie delà plante ;
| ce qui établit une différence entre le Lycoper-
don & les, grains Cariés. Néanmoins, je ne pré-
j tends pas infirmer une opinion qui n’eft pas
[fans vraifemblance, & que M. de Juflieu,.un
Ides Hommes les plus éclairés de notre fiècle, avoit
[connue.
[ Analyfe Chimique des grains cariés , comparée avec
celle des grains fains de froment.
[ M. Parmentier a fait l’Analyfe Chimique de
lia Carie du froment-, il en a rendu compte dans
Jun Mémoire, qui ne m’eft connu que par fes
Iréfultats : ( Hiftoire de la Société Royale de Mé-
I decine, année 1776, page 346.) Peut-être d’autres
IPhyficiens, fans que je le lâche, s’en fGnt-ils oc-
[ fripés aufli. Quoi qu’il en foit , j’ai cru devoir
| palyfer en même-tems des grains Cariés & des
I grains fains, afin ^d’en mieux connoître les d if-
| férences. M. Cornette, de l’Académie des Sciences,
|jabien voulu diriger cette Analyfe, dont je fuis
| Mevable à fes foins & à fon zèle pour le progrès
[ ^ Sciences, <
Analyfe par la voie humide.
| Quatre onces de grains Cariés ont été mis en
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digeflion pendant feize heures dans une cucurbite
de verre avec une livre d’eau. Quatre onces de
grains de froment fain ont été traités de la même
manière.
La plus grande partie de la Carie a furnagé ;
il ne s’eft précipité au fond du vaiffeau, qu’urt
peu de la poudre, échappée vraifemblablemem
des grains dont l’écorce fe trouvoit brifée : alors
fon odeijr fétide a diminué, comme fi l’eau en
avoit enchaîné une partie , & je n’ai plus fentïe
qu’une odeur mixte de Carie & de paille mouillée.
Dans ce caâ, l’enveloppe de la Carie,, qui tient
beaucoup de la Nature des bâles, a exhalé l’odeur
qui lui eft propre.
Le froment s’eft précipité au fond de la cucur—
bite, à l’exception de quelques grains retraits ou
piqués de charanfons, parce qu’ils ne contenoient
prefque pas de farine.
Les deux vaiffeaux ayant été expofés à la chaleur
d’un bain de fable fur le même fourneau,
il s’eft dégagé d’abord beaucoup d’air de l’un 8c
de l’autre : le froment a paru en laiffer échapper
plutôt & une plus grande quantité.
La première portion de la liqueur que le froment
a fournie, étoit limpide, inodore, fans faveur,
& n’altéroit point la teinture bleue des végétaux.
Une fécondé portion n’en différoit que
parce ' qu’elle avoit une odeur de paille brûlée ,
développée par une plus longue aélion du feu.
Difiérens produits de la Carie , examinés fuc-
ceflïvement , étoient aufli limpides ; mais ils
avoient l’odeur 8c la faveur nauféabondes : les
premiers obtenus verdiffoient le firop de violettes,
tandis que les derniers ne le verdiffoient pas.
Je ceffai la diftillation , lorfque le froment ne
rendoit plus de liqueur -, j’en ai retiré, ainfi que
de la Carie, quatre onces ; les grains de froment
s’étoient renflés , & avoient abforbé le furplus
d’eau : la Carie , reftée dans fon état ordinaire ,
nageoit dans une grande quantité de fluide, 8c
confervoit l’odeur fétide qui lui eft particulière,
Enfuite je fis bouillir chaque réfidu , pendant
vingt minutes, dans une pinte 8c demie d’eau;
la décoélion du froment étoit jaune, d’une faveur
douce 8c fans odeur * les grains ramollis 8c gon—
fiés étoient vifqueux : celle de la Carie , colorée
-en brun foncé avoit l’odeur 8c le goût défagréafcles ;
les grains bien moins gonflés que ceux du froment,
étoient plus gluans & confervoient leur couleur.
La décoélion du froment évaporée a donné
fix gros & demi d’une matière gélatineufe, douce
au goût, & flattant agréablement l’odorat ; elle
ne bourfouffloit pas fur les charbons ardens «
c’étoit une véritable colle d’amidon, qui au
bout de quatre jours, avoit une odeur marquée
de vanille.
Après avoir fait réduire à moitié la décoéHon
de Carie, je l’ai filtrée -, l’eau qui a paffé étoit de
couleur ambrée, prefqu’infipide & fans odeur;,
la poudre noire reftée fur le papier , confervoiï
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