
plants dë Câffeyer, qui furent remis à M. De f-
rorges-Boucher, Lieutenant de Roi dans cette
Lie.. H paroît, dit M. Aublet, qu’il n’en rèftoit,
en 172.0, qu’un feul pied, dont le produit fut
tel cette année-là, que l’on mit.en terre pour le
moins quinze mille fèves de. caffé. Elles profpé-
rèrent & furent l ’origine des belles & nombren-
fes plantations que l’on a vues depuis dans :
cette Ifle, & qui font la principale richeffe de
cette Colonie. Le nombre des Caffeyers étoit '
prodigieux dans cette Ifle vers 1771 , & l’on en
exportoit annuellement des quantités très-confi-
dérables d’excellent caffé. Mais, en 1772 , un
ouragan terrible ravagea , détruifit la plupart des
calfereries. Alors, fuivant M. Sonnerat, un grand
nombre d’habitans fe déterminèrent à changer
cette culture en celle du bled, du maïs, & ,
•félon M. Legentil, beaucoup de Colons négligent
maintenant les Caffeyers, pour planter du coton.
Néanmoins le plus grand produit de cette Ifle,
confifle encore en caffé.
De l’Ifle de Bourbon , les François ont tranf-
porté le Câffeyer dans l’Ifle de France, qui n’efl
.qu’à une cinquantaine de lieues d’éloignement
de l’Ifle de Bourbon, & où l ’on voit aujourd’hui
des Caffeteries confidérables..
La même année que Paneras envoya un pied
de Câffeyer à Louis X IV , il eh donna un pied
à Richard Bradley qui le fit aufli-tôt paffer en
Angleterre,.ainfi qu’on le voit dans le Traité que
.ce dernier a publié fur le caffé en 1715. Néanmoins
ce ne fut qu’en 1728 , fuivant Mofeley,
que les Anglois tranfportèrent cet arbre dans
.leurs Colonies* ce fut le Chevalier Nicolas Laws,
qui introduifit cette année-là, la culture du Caf-
feyer à la Jamaïque. Cette culture y a fait depuis
de fort grands progrès. Mais les Anglois
n’ont pas encore pouffé cette culture auffi loin,
& ne l’ont pas encore fuivie avec autant d’ardeur
.& de foin que les François ou les Hollandais.
Les Anglois ont auffi tranfporté la culture
des Caffeyers dans, les Indes Orientales , & ils
pofîedent de Caffeteries fur la côte de Coromand
e l à Madras. Mais, jufqu’à préfent,les récoltes
de caffé qu’ils y ont faites font peu confidérables.
Le Câffeyer a été auffi cultivé par les Efpa-
gnols entre les Tropiques. Par exemple, en 1778,
fuivant M. Raynal, on comptoit dans fille de
Porto- Rico un million quatre-vingt feize mille
cent quatre.-vis gt-qu atre pieds de Caffeyers. Mais,
quoique cette Nation polsède incomparablement
plus de tetres propres au Câffeyer, qu’aucune
au tre Nation Européenne, néanmoins elle s’eft
peu attachée jufqu’à préfent à cette branche de
culture. Par autre exemple, M. Legentil ,dans la
relation de fou voyage fai t dans les mers de l’Inde,
par ordre du R o i, publiée .ea r ? 8 i, remarque
qu’ôn n’a pas encore effayé de cultiver cet
arbre aux Philippines, quoiqu’il y ait près de deux
«cas ans. que les Efpagnols en font en poffeffion.
Tels font les principaux endroits où l’on rc4
cueille le caffé pour lubvenir à l’immenfe cotw
fommation, qui s’en fait dans l’étendue de l’U- *
nivers. Tels font les peuples qui échangent maintenant
cette denrée contre lesTréfors des autres
Nations. Telles font les principales époques &
circonflances de l’établiiïement du Commerce
ihnnenfe en étendue & en richeffe que font;
maintenant les Européens dans les deux Ifides, 8c
dans le refie du monde avec la femence duÇaffeverv
Au f u r p l u s , il eft inutile de s’appéfantir fu r le
détail de tous les autres lieux divers , o ù les
Européens ont pu tranfporter cet arbre depuis,
que Van-Hoorn en a fait le premier la con q u ê te,
i l f u f f i t de dire, en général, qu’ils font, depuis
ce tems, planté 7 naturalilé, eff ont orn é la
terre, en nombre d’autres endroits de la Zone
torride , non-leulement en Amérique & e n A fie ,
mais encore en Afrique & même dans les régions
les plus brûlantes de cette dernière.
Voici un exemple de la quantité de caffé que
produifent annuellement les Colonies Européennes
, & des fommes d’argent que ce produit
rapporte à ces Colonies, ainfi que de celles qu’il
fait entrer dans leurs Métropoles. Je tire cet
exemple du livre cité de M. Raynal. En 1775, il a
été importé dans les Ports de France, i.° de la
Martinique neuf millions fix cens quatre-vingt-
huiunille neuf cent-foixante livres, de feize onces,
pefant de caffé , valant prix moyen , quatre mil*
lions cinq cent foixan te dix-fept mille deux
cent cinquante-neuf livres tournois; i.°de la
Guadeloupe, fix millons trois cent deux mille
neuf cent deux livres pefant de caffé», valant
prix moyen, deux minions neuf cent quatre-vingt*
treize mille huit cent foixante livres tournois ; ;
3?0 de Cayenne, foixante-cinq mille huit cent
quatre-vingt- huit livres pefant de caffé, valant prix ;
moyen trente-un mille deux cent quatre-vingt-
feize livres tournois ; 4.0 de Saint-Domingue,
quarante-cinq millions neuf cent trente-trois
mille neuf cent quarante-une livres pefant de
caffé , valant prix moyen, vingt-un millions huit
cent dix-huit mille fix cent vingt-une livres
tournois. Ainfi, le total du caffé importé en
France pendant cette année 1775 , hors de ces
quatre Colonies, fe monte à foixan te-un millions',
neuf cent quatre-vingt-onze mille fix cent quatre*
vingt-dix-neiaf livres pefant, valant, prix moyen,
vingt-neuf millions quatre cent vingt-un mille
trente-neuf livres tournois. La portion de ce I
total confommée en France, eft de onze millionsI
neuf cent trentenrois mille quatre cent cinquante-
trois livres pefant, & la portion vendue & I
paffée. à l’Etranger eft de cinquante million* j
cinquante - huit mille deux cent quarante-1
fix livres pefant, dont la valeur moyenne ei
de vingt-cinq millions fept cent cinquante-sept I
mille quatre cent foixante-quatre livres tournois. 1
En 1767, le caffé exporté ne Saint-Domingue y
* ne fe montes1!
„ \e montoit (qu’à douze millions cent quatre-*
linet-dix-fept mille neuficedt foixanterd k-fept
livïès pefant ; ce qiti fait vpir que le nombre
les Caffeyers a été quadruplé dans cètte Ifle dans
(elpace de huit ans'. En 1775, la Colonie de
Surinam produisit aux Hollandois quinze^ millions
trois cent quatre-vingt-fept mille livres
feefantde caffé qui furent vendues huit millions
tinqcent quatre-vingt mille neuf cent trente-
buatre livres tournois. Il a été exporté de la
lamaîquè, en 1774, fix mille cinq cent quarante-
feptqiiinraux.de caffé. La grande Bretagne reçoit
annuellement de fes Ifles dé l’Inde occidentale ,
foixante-treize mille quintaux de caffé. Pour fe
faire une idée de l’état de la multiplication des
Caffeyers dans les Colonies, il eft bondefavoir
ûùe, d’après, l’expérience, le nombre des 'livres
■ efant de caffé produites annuellement pour
Éliaque Colonie j indique àfpeu-près le nomibrè
ÔesCaffcyeri qùiy exiftenr.par exemple, en 1778,
Poiro—Rico a produit un million cent feize mille
.rois cent vingt-cinq livres pefant de caffé ; &,
{en la même année-, on comptoit dans, cette Ifle
In million quatre-vingt feize {mille cent qùatre-
fîingr-qii.atre pieds de Câffeyer. . '
i La multiplication des Caffeyers hors l’Yémen
étant devenue maintenant auffi extrême que je
liens de l’expôfer, il 11’eft donc pas étonnant que
l ’exportation du caffé hors de TYémen , ne loit
pas plus confidéfable aujourd’hui, qu’elle l’étoit
îl y a un .fiècle, lorfqu’on ne le récoltoit que
pns ce pays feulement. Il n’y auroit même
aucun lieu d’être furpris, li cette exportation étoit
poindre à préfent qu’alors, 8l fi elle eût été?dimi-
oeuée,en même-te.ms que la confommation du caffé
pgmentoit : car quelqu’énorme qu’ait été cette
augmentation de confommation par toute la terre,
l’augmentation du nombre des Caffeyers horsr de
»’Yémen étoit encore plus grande à proportion.
Mais ce qui a çonfervé ce çommeüte aux
arabes, & cé qui probablement le leur cpnfer-
pera encore long-tems, c’efl qu’aucune des nom,-
breufes contrées ou les Européens ont tranfporré
ps Caffeyers, n’a encore produit de caffé qui
JF foit très-inférieur en qualité à celui d’Yémen.
P y a cependant une très - grande différence de
ponté entre le caffé recueilli par certaines Colonies
Européennes 8c celui fecüèilli par d’autres ;
pais il y a encore plus de différence à cet ;
|gard entre le caffé des cantons qui fourniffent
f meilleur qui provienne hors de l’Yémen .&
plni des cantons qui fourniffent le moindre,
pu provienne dans l’Yémen. Ce dernier eft
Ol>joiirs infiniment fupériéur. à l’amre , pour le
J°ju , & pour leparfum. 11 eft vrai que le Père
^bat alluré qu’il réfulfe’’ de{ la comparaifan
r “1!e par 1^ plus habilesÇonnoiffèurs, qu’il n y
I 3 ,ciine.' différencè -de ■ bonté entre le bon
plié dé la Martinique & ‘ lé caffé Mokha. Mais
dgrïcultûréf Tonie'"II.
les ouvrages de cet Auteur contiennent beaucoup
d’aflertions légères ; 8c fon opinion , à cet
égard, eft contredite par le confentement una-
niiné de toutes les Nations qui ont toujours
payé le moindre caffé Mokha, beaucoup plus
cher que le meilleur de la Martinique , ou
d’aucune autre Colonie Européenne. Labat dit
quelesTurcs accoutumés au caffé Mokha, achètent
cependant beaucoup de caffé de la Martini-
que, 8c il donne ce fait comme une preuve in-
donteftable qu’ils eftiment ce dernier caffé autant
que i’àutre. Mais ce fait né prouve rien, puisqu'il
eft confiant , comme Niébuhrs’en eftaffuré
fur les lieux, que les marchands de Turquie ou
d’Egypte n’achetent le caffé de la Martinique
que pour le mêler avecTé caffé Mokha , 8t foi-
fifier ainfi ce dernier ; que quand iè caffé de
la Martinique devient cher, ces marchands n’eu
achètent plus , parce qu’alors il n’y a *pas
affez à gagner par cette falfification : & que depuis
que les habitans de la Haute-Egypte tirent
de Koffir le caffé d’Yémen, & lo n t par cette
voie à auffi bon marché que celui de la Martinique,
ils n’achetent plus de ce dernier. Il
en eft de même du caffé de Bourbon. Je fuis
parti pour Tlnd e, dit M. le Gentil dans fon
Voyage cité , avec ce préjugé'qu’il n’y avoit
aucune différence entre le caffé d’Arabie &
celui de Bourbon. Mais ce préjugé m’a bien-tôt
abandonné. Le vrai caffé d’Arabie laiffe dans
la bouche, un parfum que l’on gardé long-tems
après l ’avoir bu , 8c auquel le goût des meilleures
liqueurs de 1 Europe n a rien de comparable.
Enûn mot, je trouvai une prodigiéule différence'
entre ces deux caffés. Pendant près de deux ans
je ne pris point d’autre caffé que de celui d’Arabie’
8c j’en prenois deux fois par jour. Quand la pro-
vîfion que 3’en avois fut toute employée Iç
caffé de rifle de France , & celui de Bourbon
me :parurent très-mauvais , 8c je fus quelques
tems à me faire à ces derniers caffés.
' C’efl ainfi que s’exprime M. le Gentil, 8c il n’y
a qu’une voix , à, cet égard. Tous ceux qui font
accoutumés au caffé Arabique, trouvent tout autre
cafféfort mauvais. C'eft par fon parfum exquis
que le caffé Arabique diffère principalement de
tout autre caffé. La différence que tout le
mondé s accorde à trouver entre la bonté du
caffé Arabique, & celle du meilleur caffé des
Colonies' ' Européennes eft fi Taillante que
comme du M. le Gentil, le caffé Arabique n i
fouffi-e , à'cet. égard, aucune çomparaifon. C’ell
un fan très-conllant,. foit que cela "dépende
comme plufieurs le croient, de ce que la confiante
modération de la température de l'air des montagnes
d’Yémen n'a lieu en aucun'antre endroit,;
foit que, comme d’autres fe le persuadent
cela dépende' principalement de la culture dirigée
avec plus d'intelligence ou de foin en Yémen
qu’aiUeuij, ou delà récolte.faite dans un mo-
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