
Facilité avec laquelle on communique au pain
la contagion de la Carie > ou inoculation de la
Carie. '
Le bled mouchèté eft entaché de Carie dans
toute fa furface , quoiqu’il le foit plus particulièrement
à la houpe, placée à l’extrémité op-
pofée au germe : celui que M. Tillet a noirel
avec cette poudre , étoit dans le même état. Deux
onces de poudre de Carie ni’ont paru plus que
ftilfifantes pour noircir de cette manière environ
trente livres de froment. Mais, eft-il né-
ceflaire, pour qu’il produife de la Carie, qu il
foit infeété totalement ? y a-t-il dans un grain
de bled des parties plus -fufceptibles de la contagion
que d’autres ? Enfin, de quel point part
ce principe deflruéleur, qui corrompt les tiges
nouvelles? J’ai cru devoir me livrer à ces recherches.
.
Pour y procéder, y ai trempé la pointe d une
épingle de tète dans de la poudre de Carie hu-
meélëe, dont j’ai imprégné feulement le defliis
du ^érrne de cent quarante grains de froment,
pafi? auparavant à un lavage & à un chaulage,
capables de lui ôter jufqu’au moindre veftigë dé
Carie ; cent quarante grains du même froment
ont été tachés dans la rainure , & cent quarante ,
grains à la houpe. On a femé çés divers grains
dans trois rayons diftinéh, à des difiances égaies,
en pleine campagne-,-au milieu dr un grand nombre
d’autres expériences. Les cent quarante grains
tachés fur le germe ont donné naiffance à quarante
épis cariés ; les cent quarante tachés , à la
ramure en ont produit vingt-un", & les cent quarante
tachés à la houpe n’en ont porté que dix.
Je ne puis dire la proportion des épis malades &
des épis fains, parce que j ai oublié de compter
ceux-ci ; mais-il eft certain, d’après les poids, dtï'
bon grain, que chaque rayon, a produit, que
les cent quarante grains tachés à la houpe , ont-
donné fept huitièmes, en 1779, d’épis cariés de
moins que les cent quarante grains tachés fur le
germe • & que les cent quarante tachés à la rainure
, ont eu un huitième d’épis cariés de moins
que ceux qui étoient tachés fur le germe.
J’ai répété cette expérience deux autres années-
de fuite , en 17S0 & 1781 , en difFérens terreins ,
femant une plus grande quantité de grains amû
inoculés, & ayant l’attention de compter les épis
fains & les épis cariés. Les réfultats n’ont pas été
finalement les mêmes chaque fois -, ce qui pou-
voit dépendre de plufieurs circonftanees ; mais
chaque fois j’ai eu beaucoup d’épis cariés ", & en
général, les grains tachés fur le germe, en ont
donné plus que ceux qui étoient tachés ou à la
houpe, ou à la rainure, & j’ai lieu de penfer que
plus la proportion des épis cariés aux épis fains
a été confidérable, plus le grain a été de mau-
yaife qualité. .
Qn obfervera que l’inoculation de chaque grain
fe faifoit ali moment où on le femoit; èn forte
qu’il n’étoit taché de Carie que dans la partie
où je defirois qu’il le fût. On éloignoit les grains
les uns des autres ; c’étoit du froment cholfi
& nouvellement récolté ; toutes les précautions
étoient prifes pour qu’on ne pût attribuer qui
l’inoculation les épis cariés qui fè formeroient.
A côté, je femois du même froment pafl'é à U
même leflivé ; il ne produifoit pas un feul épi de
Carié. Il n’y a donc plus lieu de douter de 1 activité
du virus de la Carie, puifqu une aulïi pci
tite quantité, appliquée à des grains purs, fur
quelques points feulement, eft capable de cor-
' rompre tant d’épis • car dans certains rayons de
grains inoculés , il y avoit fouvent un tiers ou
■ la"moitié d’épis corrompus.' ' , #> .
Par l’Analyfe Chimique de la Carie, javoi$
■ obtenu difFérens . produits , particulièrement
une huile épaifte ou efpèce de beurre, & un
extrait. J’efîàyai d’inoculcr de l’un & de l autro
| de ces produits, comme j’avois inoculé de la
. ppUdre de Carie qui n’avoit pas. fubi 1 aélion
du feu./ : ^ . .
L’inoculation de l’huile épaifte a produit jul-
qu’à un quart, & même près d’un tiers d épis cariés
-, celle de l’extrait en .a produit jufquà un
tiers à-peu-près. Il m’a paru, qu’en général, ils
' avoient été moins abondans dans .les expériences
où pavois employé l’huile épaifte, que dans celles
j où je m’étois fervi de l’entrait. Ces différences
font trop peu fenfiblcs p o u r qu on doive s y
; arrêter. Il eft certain que la poudre de Cane
perd un peU de fon aelivité, quoique foifele-
ment, en paflant par les opérations chimiques ,
puifqu’en comparant le 'nombre des épis Caries
que m’a fourni l’inoculation faite avec de la pou-:
dre de Carie , & celui que j’en ai retiré de 1 îno,
culation faite ou avec de l’huile épaiffo, ou avec
l’extrait, il y en avoit bien moins dans le produit
total de l’huile & de l’extrait. Ces inoculations
avoient été faites d’une manière conforme.
On produit plus ou moins de Carie en barbouillant
le froment avec de la poudre'de Carie,
L a plus forte proportion que j’en aie produite
; étoit lés trois quarts.
Toutes les efpèce s & variétés defromentfont-cllts
fufceptibles de Carie ?
M. Tillet dit feulement que le bled de MH
rades paroiffbit peu fufceptible de Carie. Main
il n’a pas ^été, comme moi , à portée dexa-|
miner les autres efpèces & variétés de froipen ,
voici ce que des obfervations & des expérieuc 1
m’ont appris. ; . N j.
La Carie attaque plutôt les fromens du i l
, de l’Europe que ceux du Midi. Les coinniun
cations des efpèces du Nord de 1 Europe a J
le Nord de la France, & celles des efpèces 1
• Midi de l’Europe avec le Midi de la Fraiy
fendent la Carie plus commune dans nos Provinces
•feptentriorales, parce qu’elle fe pro-
! page avec les efpèces.' Les bleds durs n’y paroiîfent
pas lu jets, &, par cette raifon, la majeure partie
des bleds d’Efpagne, de tout le Levant, de l’Afie
1 même ne^m’en a pas produit. Par le Commerce,
îles bleds durs ont été importes dans Les Pro-
I vinces du Midi de la France qui les cultivent.
S Tout le Nord ne connoît que les bleds tendres,
fvngulièrement attaquables par la Carie ; car .j’en
ai récolté fur ces fortes de fromens, venus même
d’Italie. Voye%, pour la diftinétion des bleds durs
&des bleds tendres., le moi F r o m e n t . '
Les bleds durs font tous barbus ; mais il y a
des bleds tendres barbus; il y en a qui font fans
barbes. Les non barbus, foit qu’on les fème en
Automne, foit qu’on les fème en Mars, produi—
lent un grand nombre d’épis Cariés, s’ils en ont
le principe.
Les barbus ri’en produifent pas, à moins qu’on
ne la leur inocule, fi l’on en excepte le barbu à
épis blancs ou roux, barbes divergentes, qui quelquefois
en a une quantité prodigreufe.
Les épautres, qu’on petit placer à la fuite des
bleds tendres, font quelquefois perdues de Carie.
Je n’oferois cependant alFurer quç les bleds tendres,
que j'ai reçus des diverfes parties du Nord de
l’Europe, en euflent tous rapporté le principe de la
Carie, parce qu’il ëft poflible que la plupart l’aient
contrarié dans me.s cultures, parla facilité .avec
laquelle cette maladie fe communique.. Je fuis
bien certain d’en avoir femé, à leur arrivée, qui en
étoient entachés. Il eft au moins vrai qu’ils en ont
tous été attaqués en France que je fuis parvenu
àinoculer cette maladie à la plu part des bleds tendres
& des bleds durs même. J’ai compté moitié
d’épis Cariés dans des planch.es de bled de miracles,
de bled à épis rouges, '.étroits, baies ferrées
^rapprochées, de bled à épis étroits, barbus, gris,
velus, de bled à épis qüarrés, & barbes blanches,
non velu, dit bled.,de Providence, &c. parce
j que je les avois inoculés, c’eft-à-dire , frotté de
[poudre, de Carie.'
On a dû remarquer, dans les années -17.85 , &
1786, trop fécondes en Carie, qu’ri s’en trou voit
Unoins dans le froment à épis roux, fans barbés,
grain doré, tiges creufes, que dans fes variétés, foit
* épis blancs, fans barbes , grain doré, foit à épis
blancs fans barbes, grain blanc, tige creufe. C’eft
lune rai fon • p.our le préférer, fur,- tout s'il a la
qualité produélive & commerciale.
Il y a des pays affez heureux pour ne pas connaître
la Carie, fi multipliée dans d’autres. Il
dt a defirer qu’on n’y introduife jamais un virus
huT* fous aucun prétexte que.ee. foit. Un
|*hyficienatrès-éclairé, me pria, l’année dernière ,
; -c hfi en envoyer à cent vingt lieues de Paris
Pour l’examiner, parce qu’il n’en avoit jamais
[tu : j’aurois rendu un maaivaisfervi.ee A fa Patrie,
| agriculture. Tome II,
fi j’eufle écouté fon defir. Je fuis convaincu que
mon refus ne lui a pas été défagréable.
Si on inocule avec de la Carie de deux ans, au
lieu de celle d’un an,on ne s’apperçoit pas de la
différence, parce que l’aélivité n’eft pas encore
diminuée fenfiblemcnr ; mais M. Tillet à inoculé
des grains pendant vingt ans avec de la poudre
de Carie de la même année : peu-à-pemelle a perdu
fon activité, au point de ne plus produire d’effet.
Y a-t-il des caufes qui produifent la Carie, indépendamment
de la Contagion?
D’après les expériences de M. Tillet & les
miennes, dont je viens de rendre compte, il
n’eft pas douteux que la Carie ne fe communique
par contagion , que cette voie la multiplie beaucoup
& avec une grande facilité: que pour peu
que Les Fermiers foient inartentifs, leurs fe-
mences en contraéleront le principe , foitparce
qu’elles retiendront la poulïière qui voltige dans
les granges ou les greniers , foit parce que les
pailles infeélëes, converties imparfaitement ea
fumier , altéreront le germe du grain pur ,
qu’on jettera fur les filions ; mais ne peut-on
pas croire qui n d ép e n d a mm en t de* cette caufe,
la Carie ne foit produite par une autre qui
la renouvelle de rems en tems ? C’eft ainfl
que , dans les contagions qui attaquent l’ef—
pèce humaine, on voit quelquefois la maladie
d’un feul individu , devenir une maladie générale
,_ & exercer les plus grands ravages ; beaucoup
de Savans l’ont penfé , mais jufqu’ici
perfonne 11’a encore découvert cette caufe primitive.
Defirant connoître d’une manière particulière,
fi les brouillards y enrroient pour quelque
chofe , j’ai fait les expériences qui fui vent.
Dans un Vallon du Vexin François, chez
M. le Marquis de Grouchy , au Château du
Ville tte , arrofé par une petite rivière, & rempli
de pièces d’eau , j’ai femé une première année
, dans trois plate-bândes diftinéles, chacune
environnée d’eau qui n’étoit pas courante j trois
fortes de Froment : favoir , l’un du pays, beau
& pur en apparence; un autre compofé de deux
fortes de grains de différente Province, & dont
la moitié étoit moucheté; & le troifième du Froment
de Beauce, entièrement moucheté ; ces
grains furent femés à Noël. Je remarquai qu’ils
produifirent tous de la Carie; ceux qui avoient
été entièrement mouchetés en produifirent davantage..
On ne peut tirer de cette expérience
d’antre conféquënce, finon que fi les brouillards
qui s’étoient répandus fur les plates-bandes ,
avoient caufé la Carie dans celle dont la fe-
mencè paroiffoit pure, au moins n’avoient-ilj
pas égalé l’effet de la contagion.
L’année fuivante, trois demi-litrons de beau
froment, légèrement moucheté, furent paffés
féparément dans une leffive de. chaux. Pour
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