
d’une poudre rougeâtre, qui a confervé, pendant
plus d’une heure, la propriété de s’allumer
chaque fois qu’on l’agitoit.
Il réfui te de tous les procédés employés pour
analyfer la Carie, que cette fubftance contient
une matière extraélive, qui fe trouve en plus
grande quantité dans la poudre que dans l’écorce,
& dont l’altération donne de l’alkali volatil, une
huile grade, épaifle, de laquelle dépend la parue
colorante, un principe odorant qui réfide
dans la poudre feulement, beaucoup'de gas,
dont la plus grande partie eft le gas inflamma- !
ble , très-peu d’une terre très-atténuée , do la ;
nature de la terre calcaire, une petite quan- >
tité d’alkali fixe -, produits bien différens de ceux ,
qu’on obtient des fubftances farineufes, & qui
paroiffent être plutôt ceux des huiles grades ,
comme l’a conclu M. Parmentier, dont l’analyfe ,
antérieure à la mienne, y paroît conforme.
Des caufes de la Carie.
Quoiqu’il Toit généralement plus sûr en Fhy-
fique de s’attacher à la connoidance des effets
qu’à celle des caufes, fi fouvent incertaines &
douteufee , il y a cependant des cas où Ton doit
s’occuper de celles-ci, fur-tout lorfqu il .s’agit
de prévenir des maux dont la fource efl cachée
& environnée de préjugés qui la dérobent
à la lumière ; mais on ne parvient à avoir des •
éclairciffemens affurés fur les caufes, que lorf-
qu’on remonte à elles par les effets bien examinés
& bien conftatés; c’eft la marche qu’a fùi-
vie M. Tillet, par rapport à la Carie. Il s’eft
convaincu que cette maladie ne dépendoit ni
de différens engrais , ni de la nature du fol,
ni des brouillards. Chacune des expériences qu’il
a faites poûr confirmer fes observations, ed
marquée au fceau de' l’exaélitude & de la pré-
cifion. Je me contenterai de les extraire, & d’y
en ajouter quelques-unes des miennes; elles
fuffiront pour détruire un grand nombre d’opinions
mal fondées, qu’il feroit fuperflu de
rapporter ici,
Expériences qui p souvent que différens engrais, la
nature du Jol & les brouillards, ne font pas caufe
de la Carie,
i,° M, Tillet partagea un terrein de 540 pieds
fur 24, en cinq quarrés longs, dont chacun
fut divifé en 24 planches : on fuma le premier
quarré avec de la fiente de pigeons.; le deuxième,
avec du fumier chaud de moutons ; le troilième,
avec de la.matière fécale; le quatrième, avec
du fumier de cheval & de mulet , le cinquième
refia fans être fumé.
Les 120 planches qui formoient toutes les
fubdivifions, furent enfemèricées en fix jours,
dont trois choifis dans le mois d’Oélobre , &
trois choifis dans le mois de Novembre; de manière
que chaque fois on enfemençoit quatre
planches dans chaque quarré, & par conféquent
toujours des terreins diverfement fumés. La fe-
mence de l’une étoit d’un froment moucheté
ou noirci de Carie ; celle d’une autre avoit été
imprégnée de chaux & de diflolution de lelj
marin; celle d’une autre n’avoit reçu aucune
préparation; enfin, celle de la quatrième avoit
été trempée ou dans une eau de chaux fimple,
ou dans une eau de. chaux'jointe à du nitrc.
Toutes les planches des cinq quarrés, dont
la femence avoit été noircie de poudre de Carie
, quelqu’engrais qu’on y eût rais, avoient
un grand nombre d’épis Cariés ; quelques-unes]
en avoient les trois quarts, & même les feptl
huitièmes de leur produit.
Il s’en trouvoit un très-petit nombre dans toutes
celles des cinq quarrés dont la femence avoitl
été préparée avec la chaux & le fel marin.
Il y en avoit davantage dans toutes celles dont
la femence n’avoit eu aucune préparation.
Celles dont la femence a été paffée dans la
chaux unie au fel de nitre, en ont produit le
moins de toutes.
2.0 L’expérience précédente ayant été faite en
pleine campagne, M. Tillet fit la fuivante dans
un jardin ; de quatre planches qu’il y deflina, deux
furent fumées avec de la fiente de poule, une
avec du fumier de cochon, & l’autre ne fut
pas fumée. Dans l’une des deux premières , M,
Tillet fema du froment choifi, fans préparation;
la femence des trois autres fut trempée dans
une leflive de chaux & de fel marin ; aucune
dé ces quatre planches n’a porté d épis Cariés.
3.0 Il forma de moufle une planche artificielle
, qu’il partagea en quatre parties égales |
dans la première, il fema du froment noirci de
Carie, & ne récolta prefque que de la Carie ; dans
la fécondé, du froment préparé a ^la chaux
au fel marin, qui lui donna peu d épis Cariés!
dans la troifième, du froment pur fans le préparer
; & dans la quatrième, du froment pâlie
dans une eau de chaux unie avec du nitre; ce^
deux dernières furent exemptes de Carie.
De ces premières expériences, M. Tillet conclut,
avec raifon, que la Carie n’eft pas due ans
engrais, puifque des planches diverfement ni
mées, en ont fontes produit une grande quanj
tité, lorfque la femence n’a eu aucune prépaj
ration, ou a été noircie de poudre de Cariej
puifqu’il n’en a pas recueilli ou prefque pasj
dans les planches diverfement fumées, fur le!J
quelles il avoit fè-mé , où du froment choi.
& pur & du froment trempé dans une eau 9
chaux unie au fel marin. • • ; J
Les premières expériences ayant été faites cl 1
différens terreins, il efl prouvé que la nature
fol n’eft pRS. la caufe de la Carie; fur-tou Jl
l’on fait-’ attention qu’en femant de la J J
’ manière du froment fur de la moufle. M. j
les mêmes réfultats. Il efl également céria
»« que la multiplication de cette graine ne
dépend pas des brouillards, qui auroient agi in-
diflinélement fur toutes les planches, plus ou
moins fortement.
M. Tillet ayant vu, dans ces mêmes expériences,
que du froment noirci de-Carie en avoit
produit beaucoup ; tandis que le même froment
imprégné de chaux , & de fel marin , en étoit
exempt, ne tarda pas à découvrir que cette
maladie étoit contagieufe; & il difpofa , en conséquence
de cette idée, un très-grand nombre
„’expériences intéreffantes & multipliées, qui
répandirent le plus grand jour fur cette matière.
J’en offrirai ici les réfultats.
Des planches enfemencées de froment pur,
1 de bled de mars fans préparation , foit qu’on
j les eut^ pas fumées avec des pailles laines,
hachées, n’ont eu que quelques épis cariés; tandis
qu’il y en avoir beaucoup dans des planches
enfemêncées des mêmes grains, & fumées
avec des tiges cariées. Une de ces dernières planches
, fur 3257 épis, en avoit 879 cariés; une
des premières, fur 3569 épis,. en avoit feulement
^quatorze cariés. Le nombre d’épis Cariés dans
ce cas, efl du à la contagion communiquée par les
pailles des tiges Cariées. Je pourrojs, â l’appui de
cette conféquence de M. Tillet citer plufieurs
faits, & entre autres celui-ci, dont j’ai été témoin.
11 y a eu en général beaucoup de Carie en 1785 ;
l k fl° de Juin 1786, un fermier fie, porter
;dans une pièce de, terre deflinée à être enfe-
hiencée en froment en Oètobre fuivant, trois
tomberées de pouflière & de débris de fa grande,
après en avoir fait battre tout le froment, parmi
lequel fe, trouvoit une grande quantité d’épis
|Cariés. Ces immondices relièrent en trois tas
pendant plufieurs mois ; on les répandit au moment
de donner le dernier labour au champ
ont le furplus fut fumé avec du fumier or-
inaire, de manière à en laiffer le moins pof-
ble,a la place de chaque tas, comme il efl d’u-
age.En 1787, il y avoir la moitié d’épis Carié
ans les endroits où avoient féjourné long - tem:
es îmrnôdices de la grange, un quart dans ceu>
Ur lelquels on les avoit répandu, & aucun or
ycs-peu dans le refte de la pièce de terre. Or
«ou employé le même froment & un chaulagc
e chaux & d’infufion de fiente de volailles
[-elpace fumé par les immondices de 1a grange
pnpoit quinze à dix-huit perches. Il efl donc
“en vrai -, que ce n’eft pas à l’engrais qu’il foui
«nbuer dans ces cas les épis Cariés ; car de:
Wies detiges faines, barbouillées de Carie, au-
0,cnt produit produit le même effet.
IPe? planches de froment ou de bled de Mars
£lrc 1 exPrès ou naturellement taché de Ca-
| °u moucheté, barbu ou non barbu, ont pro-
JSsjp une? un quart, les antres un tiers, d’au-
1 5 la moitié des épis cariés.
On a compté au plus huit épis Cariés dans les.
planches dont le froment ou bled de Mars,
noirci de Carie ou moucheté, avoit été imprégné
d’eau de chaux mêlé à du fel marin, ou à
du nitre ; & encore moins dans le produit du
froment pur qui a fubi cette préparation.
Us étoiént nombreux dans les filions, dont le
fond avoit été faupoudré, de carie, ou dans lesquels
M. Tillet avoit fait une traînée de cette
poudre, à fix ou fepr lignes du grain femé pur.
Cette dernière expérience efl ta plus ingénieufe &
la plus démonflrative qu’il ait faite. A fon exemple
.j’ai faupoudré huit années de fuite le fond de quelques
filions de poudre de Carie ; les grains femés
deffus ontjfouvent produit un tiers d’épis Cariés.
Ces faits font prefque les feuls qui aient porté
la conviction fur la caufe principale de la Carie ,
dans Tefprit des cultivateurs, les plus faciles à
éclairer.
Il y a eu feulement quelques épis Cariés fur
les tiges du froment ou bled de Mars, dont la
femence avoit été trayée dans, des champs in-
feélés de carie. ..
Des grains fains, tirés d’épis moitié Cariés,
ont produit quelques épis Cariés,
La poudre contagieufe n’eft pas plus funefle
quand le grain qu’on doit femer y féjourné
long-tems,.-. que quand on le tache immédiatement
avant de le femer.
Toutes chofes étant égales d’ailleurs, plus le
grain a été enterré profondément , plus on a
récolté de Carie.
On ne fait pas contrarier la Carie à du froment
en l’arrofant feulement avec de l’eau
chargée de cette poudre.
L’ivraie, qui efl auffi fujette à la Carie, la
communique au froment, avec autant de force,
que fi on le rachoit de fa propre. Carie; mais
on ne peut communiquer à l’ivraie la Carie de
froment.
L’ivraie noirci de fa propre Carie , & femée
de diverfes manières, ou avec diverfes préparations,
comme le froment ou le bled de Mars,
a conftamment. préfenté les mêmes phénomènes.
Le fimple expofé des réfultats obtenus par
M. Tillet, fuffir au leéteur qui en tirera facilement
les conféquences.
J’ai fait une partie des expériences de M.
Tillet. En comparant mes réfultats avec les fiens,
je les ai trouvés prefqu’en tout conformes. Le
témoignage que je rends ici à ce favant Phy-
ficien , quoiqu’il n’en ait aucun befoin , eft
d’autant moins fufpeél, que j’avois déjà fait un
cerrain nombre d’expériences avant d’avoir lu
fon ouvrage, dont on.trouve peu d’exemplaires.
D’après ces faits, on ne doutera pas que la
Carie ne fe propage par communication , &
qu’on ne peut efpérer d’en préferver les grains,
qu’en leur faifant fubir des préparations convenables.