
fefliott de fe foire apporter une grande part dù
produit des mines d’or de toutes les Nations,
en échange des délices qu’il leur diftribue, trouva,
en peu de tems, dans fes Caffeyers, une nouvelle
fource de richeffes plus abondante que dans
toutes fes autres célèbres productions. Que l’or
foit ou non de quelque utilité, combien il eft
préférable de le recueillir ainfi, par . le moyen
de la culture des plantes bienfoifantes, au milieu
des fleurs & des parfums, en contribuant à remédier
aux maux, & à augmenter les joui fiances
& le bien-être des hommes, que de l’aller arracher
à la terre, en s’enfouiflant dans fes entrailles,
en fe privant, pendant toute fa vie,
du fpeCtacle de la Nature, de l’afpeCt du ciel,
de la lumière du foleill
Quoique le cafte d’Arabie ou d’Yémen foit
communément défigné, en France & ailleurs,
par le nom de caffé de Mocka, il ne faut pas
croire pour cela, que ce foit autour de cette
; Ville qu’on le recueille. Cette dénomination a
été donnée à ce caffé, parce que c’eft dans
le port de cette V ille , qui eft le rendez-vous
de toutes les Nations qui vont commercer dans
la mer Rouge, que la plupart des- Marchands
européens vont charger leurs vaifl'eaux de cette
denrée: mais il ne croît point de caffé à Mocka
ou Mochha, ( qui fe prononce Mokha, avec une
afpiration défignée par Vh, ) ni aux environs,
jufqu’à la diftance de quinze lieues. Cette étendue
fait partie d’une pleine brûlante, aride &
fablonneufe., qui borde l’Yémen du côté de la
mer Rouge, fur une longueur de cinquante
lieues, & qui fe nomme le Téhama. Ce n’elt
pas ce Téhama, qui a fait donner à l’Yémen
le nom d’Arabie heureufe; il n’y croît pref-
qu’aucune production du refte de l’Yémen-, il
n’y vient prefque que ' des dattiers : la chaleur
y eft par-tout extrême. & d’autant plus étouffante,
que le vent n’y touille prefque jamais: il
n’y pleut prefque jamais. Plufieürs Auteurs difent
que .c’eft à Bételfoguy ou Beit el Fakih, dif-
tant de trente-cinq lieues de Mokha, que croît
le caffé qui fe vend dans cette dernière Ville,
Cela eft encore inexaCt. Il eft vrai que c’eft de
Beit.el Fakih, que vient prefque tout le caffé
qui fe vend à Mokha. Mais il ne croît cependant
point de caffé à Beit el Fakih: cette Ville
eft encore dans le Téhama, & elle eft à une demi-
journée de chemin de diftance des montagnes qui
produifent le caffé. La partie vraiment fertile
de l’Yémen, celle qui lui a fait donner le nom
(te terre heureufe, ne confifte que dans les
montagnes qui traverfent ce Royaume, dans la
direction du Nord au Sud. Quoique ces montagnes
foient, très-voifines du Téhama, tout y
eft cependant bien différent: il y règne un
Printems prefque perpétuel : jamais les chaleurs
n’ÿ font exceflives : les plus fortes y font le plus
Souvent tempérées par des vents frais : la terre
y eft par-foüt couverte des plus riches prodmj
tions, & fa fertilité extrême eft augmentée]
entretenue par des pluies qu’y verlént-fréqid
ment, für-tout en certaines faifons, les niJ
qui s’élèvent de la mer Rouge, & qui font arrêt
par ces montagnes: de forte.que c’eft avecvéri
que M. Niébunr dit qu’il y a, en Yémen, dei
climats très-difféç^ns, quoique litués à la rnêii
latitude: ce qui-Tait que ce Royaume raflèmü
naturellement des plantes & des animaux, qu’
ne raffembleroit ailleurs, qu’en les tirant de pa
fort éloignés l’un de l’autre.
C’eft particulièrement dans la partie oc]
dentale de ces montagnes, fur une étentl
d’environ cinquante lieues de longueur & qui]
lieues de largeur, que les Arabes cultivent]
récoltent le caffé excellent qu’ils difiribnent
toutes les Nations. Dans toute l’étendue de ce
contrée, toutes les collines font couvertes de Ca
feyers, & tout ce qui eft en plaine ou endroitb;
eft femé en froment,ris & autres fromentacçes, <
employé en jardinage. Tous ces cantons où 1]
, cultive le caffé, préfentent, de toutes parts,
afpeCls lesplus charmans. Cette multitudeinnoi
■ brable de Caffeyers, couverts, pendant prefq
toute l’année, de leurs fruits rouges, de tou
t nuances, & de leurs fleurs, blanches, agréai)
ment odorantes, font plantés en alignement,!
; des Jardins en terraffes tantôt horizontales, tan
; inclinées en fpirales d’une pente douce, difpo
f les uns au-deffus-des- autres en gradins ou en amp
théâtres autour de toutes les collines, depuis lej
: bafes jufqu’à leurs fommèts. Toute la campa«
eft, outre cela, remplie d’une infinité d'arbres
d’arbriffeaux de toutes efpèces, intérefiantsparle
fleurs, ou par leurs beaux & excellents fruits,
par leurafpeCt pîttorefque & leurs fucs préciel
comme abricotiers, grenadiers, pêchers, citro
niers, amandiers, pruniers, coignaf&ers, orange
pommiers,dattiers,acacies, baumiers, quantité di
gnesde'plusde vingt fortes excellentes,“chargées
raifins délicieux, qui, étant plus tardives les n
que les autres, font en état de maturité pi
clant une grande .partie de l’année; la terre]
jonchée de melons excellens, Sic., &c. Toutj
réuni donne à cette région entière , l’afp®“ Jj
pays enchanté. Tout le caffé qu’on y recueille
meilleur que celui d’aucun autre endroit du
de : mais cependant il y vient meilleur en ceij
cantons, que clans d’autres. Les Arabeseftujll
en général, moins celui qui croît dans les p|
qui entrecoupent les montagnes, que ceiu
croît fur les collines: le grain de celui-a
toujours plus grand, plus applati, moins p
fumé que le grain de celui-ci. Mais, en ge®e,-.
il y a très-peu de Caffeyers cultivés en p j
dans l’Arabie. Suivant Niébuhr, - les P|0h
de l’Yémen , qui paroiffent les plus ab " - J
en caffé, font celles de Hafchid elBçkil, M
& J&fà ; mais celui que f pn recueille en j
Æ dans les Départemens de TCufma, Dsjébi,
lUddêaeft généralement préféré: celui fur-tout
jL i*on récueille fur les collines des environs
| la petite ville d’Uddên, fi tuée à vingt ou vingt—
Intre lieues environ de difiance de Mokha,
| de Beit-el Fakih , pafie pour le meilleur de
bute l’Arabie, & doit être regardé par cotifé-
Lînt comme le meilleur de tout Je monde.
|e caffé d’Uddên fe diftingue à la vue des
litres. .Caffés d’Arabie, en ce qu’il eft plus
Irir, plus ver cl "Jk plus pefant. Le caffé, qui
i'royient des montagnes voiflnes de Beit el Fakih,
jl aaffi des -plus eftimés ; il eft préféré .à celui
!s contrées montueufes - des environs de
ioliéia! '• , _
f Cependant les Marchands du Caire ou de
tahira, achètent beaucoup de ce dernier caffé,
foins parce qu’il eft un peu meilleur marché,
lue parce que Lohéia, qui eft le port le plus
îptentrional de l’Yémen, eft. beaucoup plus
irès que les deux autres ports de ce Royaume,,
fodéida & ’ Mokha, de Gedda ou Ziden ou
idda, port beaucoup plus confidérable de la.
jer Rouge, qui eft proprement le port de Ta
iecque, & qui eft l’entrepôt de tout lé'com-
iereeque les Egyptiens font en Arabie. La plus
rande partie de tout le caffé de , FYémen fe
ianfporte d’abord à Beit el Fakih, qui, comme
fi dit, n’eft qu’à une demi - journée dé dif-
mee des montagnes les plus abondantes en
iffé. C’eft dans cette Ville que fe fait le plus
■ and commerce de caffé, qui fe faffe dans tout
fémen. Il y "a un grand bazar, ou marché
’ftiné à ce commerce, & qui le rient tous
s jours, excepté le vendredi. On y voit des
Marchands de Hijaz ou Hedsjas, d’Egypte, de
frie, de Conftantinople, de Fez & de Maroc,
f. la côte d’Abex ou de Habbefch , de la côte
jrientale d’Arabie, de Perfe, des Indes, & c ., &
[nelqu&fois auffi d’Europe. Le caffé s’y paye
p piaflre’s où en féquins. Une partie du caffé
|heté à Beit el Fakih fort par terre, tranfporté
|r des chameaux, qui en portent chacun deux
ïands lacs faits de nattes, ou deux balles, ou
P termes du pays, deux fardes, du poids de
tl,xc.ent foixante-dix livres à trois cens livres
ùcune. Le refte eft tranfporté aufli fur des
pneaux à Mokha ou aux ports, plus voifins,
. ..béia & de Hodéida. Ce dernier port n’eft
fa dix lieues de diftance de Beit el Fakih. De ces
Fx derniers ports, on le tranfporté fur de légers
Pmens à Dsjidda, d’où les Egyptiens le tranf-
f rtent fur des, gros vaiffeaux & fur des galères
Port de Suèz, éloigné de vingt-deux lieues
Caire ou de Kâhira, C’eft à Mokha que
P embarque tout le caffé qui d*it fortir par
de Bab el Mandel, ainfi que celui
Lrjl°® P°ùr la côte de Habbefch.
B ||| Ie caffé qui fut importé en Europe,
la fin du feizième fiècle, venoit des Echelles
du Levant, & prefqu’tiniquement d’Alexandrie'
& du Caire ou de Kahira. C ’eft de-là que le ’
Marchands rie Marfcille & d’e Lyon, riroien
tour celui qui éteit cônfoîniné en France. Dans1
le*commencement, il étoir fort'cher. Lahat affu e
qu on l’a payé à Paris, jùfqu’à quatre-vingt
francs la livre. Cette extrême cherté n’a pas, à
la vérité, duré long-rems. Cependant, depuis
qu’il fut devenu à un prix modéré, il eft arrivé,
en différons rems, (tue les Pachas. & autres
Puifiances d’Egypte dêfendoient l’exportation cîui
caffé, ou la tenoient dans des bornes fort étroites:
ce qui le renchériffoit fuhitement, & quelquefois
de beaucoup. Ces entraves firent perdré aux
Egyptiens la plus grande partie du gain que
• leur produifoir annuellement la revente de cette
; denrée aux Européens. Car elles engagèrent des
Marchands de Saint-Ma b , à"aller la chercher
directement-en Arabie. Us firent avec deux de
leurs vaifl'eaux, dans le cours de fix années,
depuis. 1708 jufqu’en 1713 , deux Voyages’ à
• Mokha, & un voyage de Mokha à la Cour du
Roi de l’Yémen, en d’autres termes , à la Cour de
l’Iman.Ilsy conclurent un traité dé commerce entre
la F rance & l’Y éra en. Us apportèrent une quantité
confidérable de caffé; c ë qui diminua
beaucoup le prix de cetre denrée en France, 1
> & l’augmenta beaucoup en Yémen. Enfin ils '
en rapportèrent en même-rems des inftruCtions
inrëreffantes concernant l’ufage du caffé & très- '
précieufes concernant l’hiftoire naturelle & la
culture du Caffeyer. Depuis ce tems prefque
tout le caffé Arabique .confommé en Frar.ee a
été tiré directement de Mokha par des François
qui prirent l’habitude d’envoyer annuellement
dès vaiffeaux dans cette Ville. Cependant
ils ne furent pas les premiers Européens qui
firent ce commerce dircét. Les- Hollandois le
faiforent déjà quelques années avant eux. Placeurs
autres nations Européennes les ont imi-
tés depuis. Ce commerce fût d’abord fort lucratif.
Mais depuis, lés plantations de caffé Formées
par les Nations Européennes, -firent diminuer
également la confommation & fe prix de celui
d’Arabie. A la longue, ces voyages ne donnèrent
pas affèz de bénéfice pour foutenir la cherté
des expéditions directes. Alors les compagnies
d’Angleterre & de France prirent le parti d’envoyer
à Mokha l’une de Bombay, l’autre de
Pondichéry, des navires avec des mardi an di fes
d’Europe & des Indes; & , fuivanr’Eilis/'il y a
déjà plus de vingt ans’ que la Compagnie  n -
gloife n’envoie à Mokha qu’un vaifiéau 'tous
les deux ans. Souvent même elles, ont eu recours
à un moyen moins difpendieux. Les
François- & les Anglois qui navigent d’Inde,
en Inde, vont fous les ans dans la mer Rouge-.
Quoiqu’ils s’ÿ'défaffem avantageufement de leurs
marchandifes, ' ils n’y peuvent jamais former
une cargaifon pour leur retour. Ils fe charge«!
A a a a ij.