
chaque demi-litron , j'employai cinq gros de '
chaux , confervée en pierre depuis un an , dans
une bouteille de verre bien bouchée. On les fit
diffoÙdre dans deux tiers d’eau bouillante, auxquels
on ajouta un tiers d’eau froide; Je fis
cette préparation à Paris, & j’envoyai les demi-
litrons dans des lacs étiquetés. On fema les grains à
leur arrivée. On en lava un enfuite, pour ôter
la chaux, & on le frotta à fec, de poudre de
Carie ; les deux autres refièrent imprégnés de
chaux. Ils furent femés ®Ie 13 Décembre, dans
le même vallon du Vexin. Un des deux* demi-
litrons imprégnés de chaux, fut mis dans un
terrain bas, environné de canaux & de bois,
& par conféquent expofé aux plus grands brouil-
lards : on plaça les deux autres denii-litrons à
côté l’un de l’autre, fur un côteau qui n’en étoit
as loin. Il ne parut aucun épi Carié ni char-
honné dans les produits des demi - litrons imf
»régnés de chaux, dont J*un étoit fitué au mi-
ieu des canaux, & l’autre fur le côteau ; au
lieu qu’on en comptoit la moitié de Cariés, &
^quelques charbonnés, dans la récolte de celui
,qui avoir été frotté de poudre de Carie.
Enfin , une troifième année , je préparai ayec ■
. Sde la chaux quatre litrçns de froment du pays. ;
Pour ces quatre litrons, qui pouvoient peler en- j
viron cinq livres, j’ai employé quatre onces de
chaux vive & récente, difi'oute dans deux pintes
du quatre livres d’eau bouillante. On les.fema
■ au mois d5Octobre 1781, aufii entre des canaux,
dans une place où ils dévoient éprouver
les effets des brouillards. On fait combien cette
année a été pluvieufe • circonfiatice propre à
rendre les brouillards plus fréquens. Je n’ai trouvé
aucun épi Carié dans le produit des quatre litrons
-, prefque toutes lès tiges étoient attaquées
de rouillé , maladie à laquelle les brouillards
donnent naiflafice.
L’idée des brouillards , comme caùfe de la
Carie, eft tellement imprimée dans l’efprit des
Cultivateurs., que plufieurs croyent qu’en fie»
mant du froment par le brouillard , on donne
lieu à cette maladie. Quoique je fufle bien
convaincu que cette idée étoit un préjugé , cependant,
pour le perfuader à des Cultivateurs,
j’ai femé fous leurs yeux, par le brouillard,
du froment bien chaulé , qui n’a peint eu de
Carie, ou n’en a pas eu une plus grande quantité
que le même froment ferné par un fems clair.
J’ai donc prouvé d’une manière pofitive, que
les brouillards ne font pas la caufe primitive
& fpéciale de la Carie , contre l’opinion de
quelques Cultivateurs éclairés, qui admettant
plufieurs càufes, à la vérité moms^actives les
unes que les autres, imaginent que les brouillards
-en font une. Enfin , en 1783 , il y eut
une brume remarquable dans toute la France,
qui commença dans les premiers jours de Juin,
& ne finit qu’un mois après.. A peine appercevoiton
le foleil quelques heures chaque journée.
Cependant, toutes les perfonnes qui avoient
bien préparé leurs femences., ne récoltèrent pas
de Carie ; leurs champs étoient environnés de
champs infeélés, dont on avoit mal préparé la
femence.
L’examen d’une autre, caufe n’a pas moins
mérité d’attention de ma part. M. Girot, que
j’ai déjà cité , attribue la Carie aux grains
maigres , ridés, mal nourris, connus fous les
noms de bleds retraints, bleds retraits, qui
entrent dans la compofition de la femence.
M. Brevet, Cultivateur du pays d’Aunis, dans
un écrit imprimé fur la Carie, avoit infiflé
fur l’emploi du froment bien nourri pour femence.
M. Girot fe fonde, i.° fur ce qu’ayant
examiné un grand nombre de fois les femences
des laboureurs de fon canton, il a toujours
trouvé d’autant plus de Carie dans leurs produits
, quelles avoient contenu plus de grains
retraits. z.° Sur la grande multiplication delà
Carie dans le Perche , où les grains font mal.
nettoyés, l’ufage étant feulement de les paffer
dans un van & jamais, dans des cribles, ni au
Tarare. 3.0 Sur la propagation énorme de cette
maladie dans tout le Royaume, en 178 5 & 1706,
années où, félon lui, la fécherefîe a empêché
les grains de froment de fe nourrir. 4.° Sur
les luccès des- laboureurs attentifs, qui achètent
les plus gros grains de froment pour femer,
: ou qui choififl'ent les plus gros de leur récolte
en coupant les produits de leurs gerbes ^par
moitié , c’efi-à-dire , en employant des cribles
qui lai fient paffer les grains petits bu de grof-
feu'r médiocre , pour ne retenir que les plus
gros defiinés à la femence. 5.0 Enfin, furl'ab-
. fence prefque totale de la Carie dans les champs
enfemencés avec le grain des glaneufies, qui ne
ramaffent que les plus gros épis, prefque les
feuls échappés à la main du moiflonrieur.
M. Girot croit pouvoir expliquer.par-là l’énigme
"impénétrable des épis -qui Contiennent
des grains fains & dès grains Cariés., & ce qui eft
plus difficile encore', celle des grains en partie
fains & en partie Cariés, en difant qu’une por-
tion de quelques grains de femence étant mal
nourrie ■ & retraite, l’autre étant en bon état,
ce qui en réfulte doit être feulement en parne
malade. Il cherche., en outre à expliquer pour'
quoi il y a de la Caçie dans une portion feulement
d’un champ, quoiqu’il foit enfemencé
avec la même femence, labouré de la même
manière & le même jour, ce qui a lieu fur-tout,
à la fin des femailles. M. Girot a penfé <p-e
les fromens chaulés étant mis en monceaux
arrondis, les.plus gros grains, comme les p'llJ
pefans, fe plaçoient toujours vers la circonfé-''
rence , & étoient enlevés par les feméurs, p0^
être portés aux champs avant ceux du milieu>
qui étoient les plus petits.
Les conféquences qui dérivent du principe
établi par M. Girot, paroiffent naturelles ; on
ne pourroit Ns’y refufer, fi rien n’attaqüoit le
principe. Cherchant, dès 1781 , à favoir fi les.
grains petits on altérés né feroient pas la caufe
première de la Carie , j’ai femé d’une part vingt-
huit .grains de froment petit, contrefait&bomi •
qui.ont produit deux cens foixante-neuf épis fains
& trois épis Cariés , c’eft-à-dire, un foixante-
dixième feulement, & d’une autre part, fept cens
grains.de petit bled, de celui qui eft au milieu des
calices ; ceux-ci ont produit fix cens quatre-vingt-
quinze épis fains, & quarante-fept épis Cariés,
ç’eft-à-dire, un quatorzième. Dans la même année
& dans le même champ, cinq onces de
froment fans choix m’avoient produit vingt-huit
onces & demi de bon froment, & fept cens
un épis Cariés, proportion aufii forte que celle
des bleds boflùs ou petits. En 1788 , a après le
Mémoire de M. Girot, daté de 1787, j’ai femé
deux planches en froment retrait, choifi dans
des criblur.es, l’une fans préparer la femence ,
& l’autre en la .pafiànt à la chaux, afin d’ef-
fayer le remède en cherchant la caufe du mal.
J’ai employé trois onces de froment pour chaque
planche«; celle dont le grain n’a fubi aucun
chaulage n’a pas porté un épi de Carie ; il y
en avoit trois dans l’autre, quoique la femence
en fût ' chaulée , foit que le chaulage n’eût pas
été fait exactement, foit que des planches voi-
fines il eût jailli un grain de froment entaché
de Carie ; j’enlemençois en même-tems beaucoup
de planches avec du bled Carié naturellement
ou artificiellement. Une de celles-ci m’a
donné jufqu’à un tiers d’épis Cariés. J’ai regret
que des faits aufii pofitifs m’empêchent d’admettre
le principe de M. Girot. Au premier coup-d’oeil,
& avant d’être examiné, il pàroifibit être le fil
qui. dévoit conduire à la découverte de la caufe
primitive de la Carie.
En attendant que des recherches ultérieures
I nous éclairent davantage, au lieu de me livrer
à des conjectures & à des tentatives inutiles, dont
|javoue même que je n’ai pas l’idée, j’applaudirai
comme M. Duhamel ;; ( Elémens ÆAgri-
Iculture- üv. 3. chap. i.er ,) au travail de M.
[Tillet, puifqu’en démontrant que la pduflière
de Carie eft conragieufe, il indique des moyens
[ d’en arrêter les effets.
Je rapporterai, avant déterminer cet article,
I une obfervation qui me paroît fondée. Les gens
Ide la Campagne ont remarqué que, dans les
[champs qu’ils enfemencent , le labour étant
[a11? > y.s récoltent une plus grande quantité de
prie, que fi le labour étoit moins récent,
p te Roi, Lieutenant des Chaffesà Yerfailles,
jdont le témoignage eft fi refpeClable , & au-
|W les Sciences ont beaucoup d’obligation ,
l^aafluré qu’il avoit fait, plufieurs années de
I Ulte, des expériences qui lui avoient prouvé
Ôètte vérité. Il eft facile de rendre raifon de
cette obfervation ; M. Tillet lui—même en fournit
les moyens, dans une expérience qui avoit un
autre but. Ayant noirci du froment avec delà
Carie, il en enfemeriça quatre planches, en
1 enterrant dans une , à fleur de terre ; dans
une autre, à un ou deux pouces; dans la* troifième
, à trois ou quatre pouces ; & dans là quatrième
à cinq ou fix pouces. La. première pro-
duifit prefque la moirié d’épis cariés.; les trois,
autres en produifirent d’autant plus que le grain
y étoit plus profondément enterré; car la fè-
1 coude en eut un tiers, la troifième la moirié,
& la quatrième environ les trois quarts.
Quand le labour eft frais , la lierfe qui fert
à enterrer la femence , y entre plus avant, &
y enfonce davantage le grain. Suivant l’expérience
de M. Tillet, il donne dans cette cir—
confiance plus d’épis cariés.
Pour m’en convaincre davantage, j’ai faif
l ’expérience fuivante. Six planches , chacune
de trente-deux pieds fur dix, ontété enfemencée*
avec dix onces de froment pris au même fac
& moucheté, c’efi-à-dire , taché fenfiblement
de Carie. La femence- des n.os 1 & 2 n’a reçu
aucune préparation; celle des n.os 3 & 4 a été
trempée dans une des leflives, dont je parlerai *
au lieu de lefliver celle des n.os 5 & 6, j’y aî
ajouté de nouvelles poudre de Carie. La femence
des n.os 1 , 3 ■ & 5, a été jetée à la volée
& enterrée à la herfe, c’efi-à-dire, fuperfi-
ciellement; la femence des n.oS 2, 4 & 6, a
été femée dans des rayons de quatre pouces dé
profondeur, & par conféquent très-enterrée.
Dans cette difpofition , il fe trouvoit à côté l’une
de l ’autre deux planches, qui ne différoient que
parce que l’une étoit enfemencée à la volée.&
l’autre par rayons, ou, ce qui efi la même
chofe, la femence de l’une étoit enterrée fu-
perficiellement , & celle de l’autre profondément.
La planche des n.os 1 & 2, dont les femences
n’ont reçu aucune préparation ont donné
des tiges de deux pieds huit pouces de haut ;
celle qui avoit été enfemencée à la volée a
produit fept livres dix onces de grains fain , dont
un demi-litron pefoit neuf onces quatre gros :
& un feptième d,épis cariés, celle qui avoit été
enfemencée par rayons, a produit fix livres deux
onces de grains fains, dent un demi-litron pefoit
neuf onces cinq gros &; demi, & un quart
d’épis Cariés.
Les planches des n.os 3 & 4, dont les femences
avoient été lefiivées, ont donné des ti<*es de
trois pieds deux pouces de haut. Celle qufavoit
été enfemencée à la volée, a produit huit livres
quatorze onces de grains fains, dont un demi-
litron pefoit dix onces un gros_& demi & n’a-
voit pas un fenl épi Carié celle-qui avoit été
enfemencée par rayons, a produit fept livres de
Y v v v ij