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que le canot eut touché la plage, nous entendîmes un grand
bruit. Doua-Tara fut inquiet, car le canot ne revint pas aussi
vite qu’on s’y attendait. Il eut peur que quelque altercation ne
se fût élevée entre les habitans et les gens du canot; et il déclara
que si ceux-là avaienl maltraité quelques-uns des siens,
il leur déclarerait immédiatement la guerre avec toutes les
forces qu’il pourrait rassembler. Une beure après la nuit venue,
les bommes du canot revinrent sains et saufs : ils rapportèrent
qu’ils avaient été reçus très-poliment, et que le bruit que nous
avions entendu n’était que des cris de réjouissance. Ils nous
dirent qu’il y avait à terre quantité de beaux cochons et de patates,
objets dont nous avions grand besoin. Comme VActive
était plein de monde, ce renseignement me détermina à visiter
le village le matin suivant.
On débarque à la rivière Tamise.
Mercredi i8 janvier i 8i 5. Le matin de bonne heure, un
chef nommé P it i, neveu de Houpa, vint auprès de VActive.
C’était un très-bel bomme, vigoureux et au printemps de la
vie, avec des manières douces et une contenance aussi noble
qu’intéressante. Je l’invitai à monter à bord. Le chef Temarangai
était bien connu de Piti. Après les salutations accoutumées
, et quand nous eûmes causé de notre voyage et de
toutes les affaires qui s’y rapportaient, autant qu’il en était à
la connaissance de Temarangai, je lui donnai un peu de biscuit
dont ils sont tous très-avides ; je lui montrai du grain en
épi qui avait cru à la Nouvelle-Zélande, chez Shongui ; je lui
appris que le biscuit se faisait avec cette graine et lui en donnai
un peu. Il témoigna un v if désir d’apprendre à la cultiver;
il demanda combien il fallait de mois pour la semer et la récolter,
et exprima le désir d’essayer s’il ne pourrait pas en faire
croître dans son canton. Je lui fis présent de quelques objets,
e t, accompagnés de M. Nicholas, nous descendîmes à terre,
escortés par douze de nos Nouveaux-Zélandais. Les naturels
nous reçurent avec toutes sortes de marques d’amitié. Les
femmes et les enfans étaient nombreux, mais les jeunes gens
1 étaient moins. Nous en demandâmes la raison ; on nous répondit
que la plupart étaient à la guerre, et qu’il n’en restait
qu’un petit nombre dans le village, en outre des vieillards et
des prisonniers faits dans le combat.
Ici nous remarquâmes que les Nouveaux-Zélandais vendaient
leurs prisonniers de guerre, ou les gardaient comme
esclaves pour les faire travailler.
Evénemens de la rivière Tamise.
Plusieurs des naturels de la baie des Iles avaient apporté
avec eux quelques objets de commerce; les uns des clous,
d’autres de petits morceaux de fer en barre, d’autres des
plumes, des hameçons, et divers articles de nulle valeur pour
des Européens, mais d’un grand prix pour eux. Tout le village
fut en mouvement. Les habitans de tous les quartiers
se rassemblèrent comme pour une foire. Quelques-uns apportèrent
à vendre des nattes et divers autres articles, si bien
que la journée entière présenta une scène fort animée; plusieurs
objets furent achetés et vendus à leur manière.
Quand la foire fut terminée, les femmes nous régalèrent de
danses et de chants. L ’une d’elles avait une fort belle natte
qu’un chef de Rangui-Hou , qui était venu avec nous, désirait
se procurer pour sa femme. Il avait apporté une boîte de
plumes fort joliment apprêtées. La moelle de la tige ayant été
enlevée, il ne restait plus que la partie extérieure à laquelle
tiennent les barbes, et il en résultait que ces plumes se balançaient
gracieusement au moindre souffle, quand on les plaçait
sur la tête. Le chef ouvrit sa boîte en présence des femmes ;
plusieurs avaient envie des plumes; et de son côté, il convoitait
la belle natte. Quand il eut placé avec goût deux ou trois
plumes dans les cheveux de plusieurs femmes, celle à qui appartenait
la belle natte, charmée de l’effet élégant de cette
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