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La réception fut, suivant la coutume du pa ys, gracieuse et
pleine de dignité. Les députés trouvèrent Poro assis au milieu
de ses plus proches parens, tandis que les guerriers de sa
t r ib u , munis de leurs armes, formaient un cercle autour de
leur cb e f et des étrangers. Poro interrogé sur l ’objet de sa
v isite, répondit qu’il était venu v o ir ie vaisseau et les hommes
blancs , et converser avec eux; que si Georges avait le dessein
de s’y opposer, il combattrait contre lu i, mais que dans le cas
contraire, ses intentions étaient amicales. Lorsqu’on lui eut
annoncé qu’il ne serait apporté aucun obstacle à ses communications
avec le Dromedary, la pa ixfut proclamée par une danse
guerrière, répétée plu.sieurs fois par les deux partis; de cba que
coté les femmes agitaient leurs nattes et poussaient le cri ;
A ir e mai — viens ici.
Peu ap rè s , Georges traversa la rivière et alla offrir deux
haches à P o ro , mais on remarqua qu’on ne lui donna rien en
retour. Celte entrevue , jointe à cc que Georges n’avait qu’une
centaine de guerriers, tandis que son adversaire avait le double
de ce nombre, prouva que Georg es, par cette démarche ,
reconnaissait la supériorité de Poro.
De la crainte la plus abjecte Georges passa tout-à-coup au
ton et à la conduite d’un conquérant. En arrivant à b o rd , il
ne daigna pas faire attention à T ep e r e , qui se trouvait sur le
p on t, et qui n’avait pas encore fait sa p a ix , et se tournant
vers quelques bommes de la tribu de ce dernier, il leur ordonna,
de la manière la plus péremptoire, en présence de leur ch e f,
de quitter à l ’instant le vaisseau.
Tep ere gardait un profond silence; mais comme c’était de
la part de Georges un trait d’insolence qu’on ne pouvait pas
laisser passer, un des officiers lui signifia qu’aussi long-temps
que les naturels se comporteraient décemment, ils resteraient
à bord tant qu’il leur plairait, et qu’il n’avait aucun ordre à
donner a ce sujet.
Cet avis produisit l’effet désiré, et pendant le reste de sa
visite il se conduisit lui-mêmc très-bien. Tepere resta à bord
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jusqu’à la nuit, et ne s’en alla qu’avec une répugnance visible.
Dimanche 6 août. Dpns la soirée, nn canot qui était allé
ebercber P o r o , revint amenant ce ch e f, son fils et ses petits-
fils, et un matelot des îles Marquises qui s’était établi dans
son district. L a terreur du vieux ch e f était extrême, il tremblait
comme la feuille en approchant du navire, et Ton assura
qu’avant de quitter son camp II était si alarmé pour sa sûr
e té , que W e to ï fut obligé de rester en otage dans le camp
jusqu’à son retour. Pour empêcher qu’aucune espèce de pillage
n’eût lieu durant son absence, Poro taboua la propriété
des b lancs, dont la cabane était voisine de son camp, et il
envoya cinquante personnes de sa tribu pour aider les Européens
et les gens de Georges à transporter un espar.
7 août. Dans l ’après-midi on déchargea les canons, et
quoique ce fût un spectacle tou t-à-fait nouveau pour les peuples
du cap Nord, leurs marques de surprise furent bien au-
dessous de ce que nous pouvions attendre en pareil cas. Le
petit-fils du ch e f, qui était un grand garçon, fut si alarmé,
qu’il ne cessa de crier durant ce fe u , malgré les rebuffades
fréquentes et quelquefois sévères qu’il recevait de la part des
hommes de sa tribu qui se trouvaient placés près de lui.
Dans l ’après-midi, P o r o , ayant reçu plusieurs prèsens, se
remit en route pour son camp , accompagné par quelques
personnes du vaisseau. En nous dirigeant vers le K am im i,
nous rencontrâmes le père de Tepere dans sa pirogue; une
conversation eut lieu entre lui et Poro , et pendant ee temps
ce dernier se tint debout dans le canot, montrant fréquemment
son mere. Ce geste nous fut expliqué comme un signal de
pa ix, et par la suite nous apprîmes que la tête du frère de
Tep ere, qui était restée au pouvoir de Poro depuis que celui-
ci l ’avait tué dans un com b a t, allait être rendue à sa famille.
Poro se fit un point d’honneur d’atteindre son camp quelque
temps avant \esgentlemen du navire. Quand nous arrivâmes,
nous le trouvâmes assis avec sa famille, en face de sa cabane,
qui était située presque au sommet de la colline : le reste de la