les missionnaires dans les limites de la juridiction de Shongui :
d’un côté, ils dérogeraient par là à leur dignité; de l’autre, le
peuple de Shongui ne le leur permettrait point, attendu qu’il
est contraire aux coutumes du pays qu’un chef, en matière de
négoce, empiète sur les droits d’un autre dans son propre district.
Ce qu’ils désiraient, c’était un égal avantage de commerce
; et ils ne pouvaient en jouir qu’en ayant un missionnaire
établi chez eux, avec lequel ils pussent échanger leurs
propriétés, sans aucune des restrictions humiliantes auxquelles
ils étaient maintenant assujettis. Ce qu’ils auraient à lui vendre
serait des patates et des cocbons, qui faisaient leurs principales
ressources. Ils alléguaient en outre qu’on avait cherché
à les noircir, et qu’on avait accusé de vol quelques-uns de
leurs compatriotes, chose qui les avait vivement irrités ; ils ne
prétendaient pas mer que quelques personnes de leur tribu
n’eussent, à leur insu, et même de leur aveu, volé quelques
bagatelles aux Européens; mais les gens de Sbongui avaient
été bien plus coupables sous ce rapport. Ils nous demandèrent
qui avait excité les jeunes gens à voler des ciseaux,
quand nous débarquâmes nos bagages; en insinuiint qu’ils n’avaient
commis ce vol qu’à l’instigation de Shongui lui-même,
ou des ses agens cachés : ils trouvaient injuste d’être blâmés
pour fait de vol à l’égal des gens de Shongui, qui jouissaient
seuls de tous les avantages du commerce avec les Européens.
Ils imaginaient qu’ils n’avaient pas été traités avec les égards
et la considération auxquels ils avaient droit pour leur
rang et le pouvoir qu’ils possédaient dans la Nouvelle-
Zélande. Les Européens leur étaient aussi redevables qu’à
Sbongui, pour la protection qu’ils leur avaient accordée. Leur
tribu était aussi puissante et aussi respectable que celle de ce
chef, et leur territoire était plus étendu. Ils avaient un droit
égal au bâvre où les navires venaient mouiller, et aux rivages
ou les canots venaient accoster. Ils disaient qu’ils n’étaient
point offensés de nous voir faire nn nouvel établissement à
Kidi-Kidi, où résidait Shongui. Tous leurs voeux se bornaient
à ce que Shongui n’eût pas tout le monopole du commerce, en
réunissant tous les Européens sous son autorité ; attendu que
cela lui donnerait, ainsi qu’à son peuple, plus d’importance
qu’ils n’avaient droit d’en avoir, et dégraderait leur tribu dans
l’opinion publique. Les principaux articles du commerce sont
les bêches, les pioches, les haches, etc., qui composent les
provisions des missionnaires ; et ce sont là les articles qu ils
sont avides de se procurer.
Ils employèrent ces argumens, et plusieurs autres non moins
forts, pour nous prouver qu’ ils avaient des raisons d’intérêt
public suffisantes pour les rendre mècontens.
Je ne pouvais m’empêcber de reconnaître la force de leur
raisonnement, et j’étais désolé qu’ils pussent avoir aucun
sujet de plainte légitime. En réponse à leurs allégations, je
voulus leur exposer le motif réel de cette partialité apparente ;
et en même temps nous leur assurâmes que nous ne désirions
pas moins subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs compatriotes,
qu’à ceux du peuple de Shongui, autant que cela
pourrait dépendre de nos moyens.
En premier lieu , j’exposai la raison qui nous avait portés à
offrir nos services à Sbongui. Tepabl était un de ses proches
parens, et Tepabi fut le premier cbef de la Nouvelle-Zélande
que j ’eusse vu à Port-Jackson, et avec qui j’eusse contracté
une liaison particulière. Quand je revins d’Angleterre, j’en
amenai MM. Hall et King, avec l’Intention de les envoyer cbez
Tepabi, pour instruire son peuple : mais quand j’arrivai à
Port-Jackson , j’appris que le Boyd avait été détruit par les
babitans de Vlangaroa, et que tout son équipage avait été tué
et mangé. Peu après , Tepahi mourut, et plusieurs de ses gens
furent mis à mort par les Européens par suite de la destruction
dn Boyd. Quelque temps après ces événemens, les Nouveaux
Zélandais tuèrent et mangèrent trois bommes appartenant
à un navire baleinier nommé le New-Zealander. Ces
épouvantables crimes, dont leurs compatriotes s étaient rendus
coupables, frappèrent d’borreur les Européens. Je ne voulus