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Le même observateur s’exprime ainsi au sujet des
liabitans de la Nouvelle-Zélande :
« Le visage des naturels y est tatoué, et leur teint est encore
rembruni par l’usage où ils sont de le tatouer, ou plutôt de le
découper en sillons réguliers, qui empêchent un peu la barbe
de croître ; en général, ils sont d’une grande taille, robustes et
formes pour la fatigue ; leurs membres sont bien proportionnés
et bien liés, excepté les genoux qui sont fort élargis, parce
qu’ils s’appuient trop sur leurs jambes dans leurs pirogues; la
taille des femmes est communément mince, il n’y en a qu’un
petit nombre dont les traits soient supportables ; leurs genoux
sont aussi larges que ceux des hommes , et elles sont très-mal-
traitées par leurs maris, qui les chargent de tous les travaux
pénibles, comme chez tous les sauvages. Cette nation est hospitalière
et généreuse ; les guerriers y sont intrépides et hardis ;
leur inimitié est implacable et cruelle, et leur vengeance est
telle , qu’ils mangent leurs captifs ; en général, les individus
ont un jugement sain, du goût et de l’industrie. »
( Tome y , pag. 216 et suio. )
TROISIEME VOYAGE.
On lit ce qui suit sur les dispositions de ces insulaires
;
Mes observations et les détails que m’ont donnés Taweiha-
roua ( lisez Tawaï-Oroua') et d’autres, prouvent que les habitans
de la Nouvelle-Zélande vivent dans des transes continuelles:
la plupart des tribus croient avoir essuyé des injustices
et des outrages de leurs voisins, et elles épient sans cesse l’occasion
de se venger. Ils aiment beaucoup à manger la chair de
leurs ennemis tués dans les batailles, et le désir de cet abominable
repas est peut-être une des principales causes de leur
ardeur dans les combats. On m’a dit qu’ils attendent quelquefois
bien des années un moment favorable, et qu’un fils ne
perd jamais de vue l’injure faite à son père. Pour exécuter
leur horrible dessein, ils sc glissent pendant les ténèbres au
milieu de leurs ennemis ; s’ils les surprennent, ce q u i, je crois,
arrive peu , ils leur donnent la mort à tous, et ils n’épargnent
pas même les femmes et les eufans. Lorsque le massacre est
achevé, ils mangent les vaincus sur le lieu même où s’est passée
la boucherie, ou Us emportent autant de cadavres qu’ils le
peuvent, et ils s’en régalent ensuite chez eux avec une brutalité
trop dégoûtante pour la décrire ici. S’ils sont découverts
avant d’avoir exécuté leurs sanguinaires projets, ils s’enfuient
ordinairement à la sourdine; on les poursuit, et on les attaque
quelquefois à leur tour. Ils ne connaissent point cette modération
qui donne quartier ou qui fait des captifs, en sorte
que les vaincus ne peuvent mettre leurs jours a couvert que
par la fuite. Cet état perpétuel de guerre , et cette manière de
la conduire, si destructive de la population, les rend très-attentifs,
et il est rare de rencontrer, le jour ou la nuit, un Zélan-
dais qui ne soit pas sur scs gardes. Il est impossible de rien
ajouter aux motifs qui excitent leur vigilance ; la conservation
dé leur vie et leur bonheur en dépendent; car, scion leur système
religieux, l’ame de l’homme dont le corps est mangé par
l’ennemi est condamnée à un feu éternel, tandis que les aines
de ceux dont les corps ont été arrachés des mains des meurtriers,
ainsi que les ames de ceux qui meurent de mort naturelle,
vont habiter avec les dieux. Je leur demandai s’ils mangeaient
ceux de leurs amis qui étalent tués à la guerre, mais
dont les corps ne tombaient point au pouvoir de l’ennemi. Ils
parurent étonnés de ma question ; ils me répondirent que non ;
ils témoignèrent même une sorte d’horreur sur l’idée quelle
présentait. Ils enterrent communément leurs morts ; mais, s’ils
ont tué plus d’ennemis qu’ils ne peuvent en manger, ils les
jettent à la mer. ( Tome / , pfig- )