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PIECES JUSTIFICATIVES.
MEMOIRES DE D O U A -T A R A
RÉDIGÉS
PAR M. MARSDEN,
Dans une Lettre adressée au révérend J . Pratt , secrétaire
de la Société des Missionnaires de l ’Eglise,
Parramatta, 28 octobre i 8i 5.
Mon cher Monsieur,
Dans la lettre oITicielle que j’ai expédiée à la Société, par le
Sydney Packct, en juin dernier, j’ai annoncé que Doua-Tara
était dangereusement malade, au moment où je quittai la Nouvelle
Zélande en février, et que je craignais qu’il nepûtpoint se
rétablir. J’ai été bien affligé d’apprendre, par les dernières lettres
de M. Kendall, que ec chef était mort quatre jours après
le départ de VActive. Comme ce jeune homme avait été dans
les mains d’un dieu sage et bienveillant, l’un des principaux
instrumens pour préparer la voie à l’introduction des arts de
la civilisation, et de la connaissance du christianisme dans sa
patrie ; le récit succinct des événemens de sa vie, depuis l’époque
où je fis sa connaissance, il y a près de dix ans, pourra
bien n’être pas sans quelque intérêt pour la Société.
En i 8o5 , le baleinier l ’Argo, commandé par un certain
M. Badcn, mouilla sur la baie des Iles, pour se procurer des
rafraîchissemens; lorsque ce navire quitta lo bâvre, Doua-
Tara s’y embarqua avec deux de scs comjiatriotes. L ’Argo demeura
sur la côte environ cinq mois, puis il revint dans la baie
des Iles. Quand il quitta définitivement la Nouvelle-Zélande
pour sc rendre à Port-Jackson, Doua-Tara passa dessus et arriva
à Sydncy-Cove : après avoir été remis en état de prendre
la mer, l’Argo retourna pêcher sur les côtes de la Nouvelle-
Zélande , y resta six mois environ , et revint encore à Port-
Jackson. Pendant cette croisière , Doua-Tara remplit les fonctions
d’ un simple matelot, et fut attaché à l’équipage d’une des
embarcations. A l’arrivée de l ’Argo dans Sydncy-Cove, Doua-
Tara fut débarqué ; mais il ne reçut a ucune récompense pour son
année de service à bord. En quittant t’Argo , il embarqua sur
le baleinier l ’Albion, qui se trouvait sur la rade , commandé
par le capitaine Richardson, et il resta six mois sur ce navire,
occupé à pêcher au large de la Nouvelle-Zélande. L ’Albion
ayant mouillé sur la baie des Iles, Doua-Tara le quitta et retourna
parmi ses amis. Le capitaine Richardson sc comporta tres-
honnêtcment à son égard, et lui paya ses gages en divers articles
d’Europe. Doua -Tara passa six mois à la Nouvelle-Zélande,
puis le baleinier Santa-Anna mouilla sur la baie des
Iles, sur sa route vers l’île Bounty , où il comptait charger de
peaux de phoques. Doua-Tara s’embarqua sur ce bâtiment,
dont le capitaine était un nommé M. Moody. Après avoirpris
des vivres à la Nouvelle-Zélande, il continua sa route et arriva
à bon port à l’ilo Bounty; Doua-Tara, un de ses compatriotes
, deux Taïtiens et dix Européens, furent mis à terre pour
tuer des phoques. Ensuite le navire fit voile pour la Nouvelle-
Zélande, afin de se procurer des patates, et pour l’île Norfolk,
pour prendre du porc, en laissant les quatorze hommes qu’ils
venaient de débarquer avec une petite quantité d’eau , de pain
et de salaisons. Quand le Santa- Anna arriva devant lile Norfolk
, le maître descendit à terre, et le navire ayant été surpris
par un coup de v en t, fut un mois sans pouvoir regagner l’île.
Environ cinq mois après qu’il avait quitté l’île Bounty, le King-
George, commandé par M. Chase, y mouilla. Avant 1 arrivée de
ce navire, la troupe des pêcheurs avait cruellement souffert,
durant plus de trois mois, du manque d’eau et de provisions.