PIECES JUSTIFICATIVES.
J’allais leur adresser la parole, quand Temarangai me pria de
ne point parler, mais de les abandonner à leurs propres pensées.
Temarangai et Tourata, assis sur le pont, observaient
leurs regards qui décelaient le combat de leurs passions. A la
fm, l’un d’eux rompit le silence et s’adressa à l’autre. Ils donnèrent
alors un libre cours à leurs sentimens. Ils se firent mutuellement
des rcprocbes, s’avancèrent l’un vers l’autre avec
fureur, et se provoquèrent par des insultes en apparence pleines
de mépris et d'ironie. Parfois ils semblaient prêts à se
frapper l’un l’autre. Alors Temarangai et Tourata hasardèrent
de temps en temps quelques mots. Après avoir proféré tout
ce qu’ils avaient à se dire, ils s’apaisèrent peu à p eu , et en
vinrent enfin à sc réconcilier. Alors le capitaine Downie les
fit descendre dans sa chambre, où ils mangèrent et burent
ensemble au grand contentement des deux partis.
A mon retour à bord du Coromandel, le capitaine Downie
m’apprit qne l’Ariki voulait tuer Mapa, cbef inférieur de la
baie; car il voulait avoir sa tête. Mapa était accusé d’avoir
volé une natte appartenant au fds de l’Ariki. L ’A riki, durant
plusieurs jours, avait été occupé à faire des lances et à aiguiser
ses instrumens de guerre. Tourata me dit de même que l’Ariki
voulait tuer Mapa. Celui-ci me pria d’intercéder près de l’A -
riki en sa faveur; en conséquence je priai Tourata d’aller
trouver l’Ariki de ma part et de lui dire que je désirais que sa
querelle avec Mapa s’arrangeât sans en venir aux mains, et je
priai Tourata d’user aussi de tout son crédit près de lui. Peu
de jours après, je reçus un message de l’Ariki, par la voie de
Tourata et de Temarangai, qui m’apprenait qu’il ne voulait
pas mettre à mort Mapa ; mais que leurs griefs seraient jugés
dans une assemblée publique. Au bout de quelquesjours, de
très-bon matin, Mapa vint à la porte de ma cabane; je me
levai et lui demandai ce qu’il désirait ; il m’apprit que son entrevue
avec l’Ariki allait avoir lieu dans la journée, et me pria
d’y être présent. M. Hume le chirurgien et M. Halliard le
secrétaire du capitaine, après le déjeuner, descendirent avec
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moi dans un des canots, accompagnés de M. James Downie.
Mapa, qui était resté le long du bord, nous suivit avec ses amis
dans seize pirogues. L ’Ariki était à trois milles de distance environ
, à l’entrée d’une des anses. Quand nous arrivâmes, l’A -
riki était préparé à nous rccc('oir. Les bommes de Mapa étaient
tous armés, ainsi que ceux de l’A rik i, quelques-uns de fusils,
les autres de lances, de patous et autres instrumens de guerre.
Mapa mit scs pirogues en ligne, puis tous ses hommes sautèrent
à l’can entièrement nus, et coururent en troupe serrée,
comme des furieux , avec leurs lances en avant, vers le rivage
où les bommes de l’Ariki étaient rangés. Après qu’ils eurent
terminé leurs évolutions militaires et leur danse guerrière, le
parti de l’Ariki exécuta la môme cérémonie. Les charges contre
Mapa furent ensuite discutées en public par les chefs des deux
partis, et plusieurs d’entre eux parlèrent avec cbaleur : ces discours
étaient écoutés avec attention par les deux partis et se
prolongèrent pendant un temps considérable. Nous comprîmes
que l’Ariki exigea et obtint une pirogue et un esclave de
Mapa , en réparation de son crime ; et l’affaire fut ainsi complètement
terminée.
Tous les différends entre les cbefs de la Tamise étant ainsi
arrangés, et l’harmonie rétablie, je me décidai à quitter la Tamise
le jour suivant. Inaki me promit de me fournir une bonne
pirogue et de m’accompagncr à la baie des Iles. J’étais enchanté
qu’aucune dispute n’eût eu lieu entre les Européens et
les naturels, et j’espérais que la bonne intelligence continuerait
de régner entre eux jusqu’au départ du Coromandel.
Détails sur Moudi-Panga, l ’ un des chefs de ta côte occidentale
de la Nouvelle-Zélande.
A K a ï-P ara , sur la côte ouest de la Nouvelle-Zélande,
M. Marsden, lors du voyage qu’il y fit accompagné de
Temarangai, se trouva avec Moudi-Panga, chef distin-
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