P IE C E S JUSTIFICATIVES.
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je leur demandai ii quoi servait cette coutume, puisque les
Européens guérissaient les mêmes blessures sans y avoir
l’ecours.
Ils dirent que, quelque temps auparavant, un bomme de
leur tribu ayant été a bord d’un vaisseau , y avait mangé quelques
vivres en opposition à leurs coutumes j par suite de cette
action, leur Dieu, dans sa colère, avait fait périr un grand
nombre d’entre eux. Je leur demandai de quels maux étaient
affectés ceux qui moururent. Il les représentèrent comme ayant
la langue enflée et tout le corps en feu. Les malades, supposant
que la cbaleur qu’ils éprouvaient provenait de quelque feu ea-
cbé dans leur corps, se dépouillaient de toutes leurs nattes, ils
se baignaient dans l’eau froide et en buvaient; enfin ils s’exposaient,
autant qu’ils le pouvaient, au froid, dans l ’idée que
le froid seul pouvait cbasser la cbaleur qu’ils ressentaient.
Nous leur apprîmes que c’était là le moyen d’augmenter la
cbaleur et de les faire périr ; qu’au lieu de s’exposer au froid,
de marcber nus, et de coucber tout nus durant la nuit et en
plein air, ils eussent dû au contraire se tenir cbaudement, afin
de transpirer; car la transpiration eût entraîné la cbaleur
brûlante bors de leur corps, ce que ne pouvaient faire ni l’air
ni l’eau froide. Ils se mirent à rire à cette idée, et s’imaginèrent
que cela eût augmenté leur mal. Alors je leur demandai
s i, quand ils respiraient sans peine, ils se souvenaient d’avoir
ressenti dans leur corps cette cbaleur brûlante dont ils venaient
de parler : après avoir réfléchi quelque temps et s’être
consultés ensemble, ils finirent par imaginer, d’après ce qu’ils
éprouvaient quand ils respiraient sans gêne, que nous pouvions
bien avoir raison dans notre opinion.
Ils me demandèrent ensuite quelle était la cause de la mort
de Doua-Tara. Je leur répondis que par excès de fatigue et
pour avoir couché au grand air, il avait gagné un refroidissement
considérable, qui avait occasioné la chaleur brûlante
dont ils parlaient, et de violens maux d’entrailles. Alors le
prêtre l’avait taboué , ne lui avait laissé rien boire ni manger
durant cinq jours, et n’avait pas voulu me permettre de le
vo ir, dans la crainte que leur Dieu ne vînt à les tuer aussi
bien que le malade. Doua-Tara avait été habitué à m.anger
du pain, du riz et du sucre, et à boire du thé et du vin :
quand il fut malade , le pretre ne voulut point lui permettre
de prendre aucun de ces alimens, auxquels ü était accoutumé
et qui eussent pu le soulager. Le tabou qu’on lui imposa el
le défaut d’alimens convenables l’empêchèrent de se rétablir.
Plusieurs de leurs compatriotes, comme Doua-Tara, sont
morts par les suites du tabou, et pour être restés couchés
exposés au froid et à l’bumidité quand ils ressentaient celte
brûlante cbaleur.
Ces raisonnemens eurent quelque poids sur leur esprit, et
parurent les convaincre de l’erreur dans laquelle ils étaient.
Nous leur dîmes en outre que Pomare, roi de T a ït i, pensait
encore, 11 y a peu de temps, comme eux à cet égard : il tabouait
ses maisons et ses provisions, et vivait dans des transes continuelles
que son Dieu ne voulût le tuer lui et son peuple; mais
depuis que les missionnaires s’étaient établis à T a ï t i , ce chef
el son peuple ayant appris la signification du livre de Dieu,
avalent aboli toutes les pratiques du tabou. Ils mangeaient de
toute espèce de vivres ; ils dormaient partout comme les Européens
, et n’avaient plus aucune crainte d’être tués par leurs
anciens dieux. Ils furent très-étonnés de celte nouvelle, el demandèrent
combien il y avait de temps que Pomare avait cessé
de tabouer. Nous leur dîmes qu’il y avait plus de trois ans, depuis
qu’il avait embrassé notre religion. Les cbefs répliquèrent
alors que si nous voulions leur envoyer des missionnaires pour
les instruire, pour les convaincre que leur religion était mauvaise
, et empêcher leurs dieux de les tuer, ils penseraient et
agiraient comme nous.
Plusieurs d’entre eux témoignèrent un vif désir de visiter
Port-Jackson, afin de connaître notre manière de vivre. Je leur
promis que quelques-uns d’eux auraient la permission d y aller
quand l ’occasion s’en présenterait.