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celui auquel il se fierait le plus volontiers , et que plus d’iiiie
fois il avait eu occasion de reconnaître la sincérité de son attachement
et la solidité de ses sentimens.
Quoique Touai se fût donné beaucoup plus de soins que
Sbongui pour imiter les manières et la tournure des E u ro péens,
au fond il n’avait pas mieux profité de son voyage
en Angleterre, sous le rapport des principes. Il était tout aussi
adonné qu’aucun de ses compatriotes aux goûts, aux coutumes
et aux superstitions de son pays. Plus adroit seulement,
plus insinuant et plus jaloux de faire sa cour aux Européens,
Touai prenait un grand soin de déguiser sa conduite et ses sentimens
sous des dehors de civilisation, et ce sauvage possédait
parfaitement la sagacité convenable à un courtisan de profession.
Aussi, durant notre séjour sur la baie de P a ro a ,
nous n’eûmes qu’.à nous louer de ses procédés et même de ses
prévenances. Toujours guidé par son unique m ob ile , il espérait
obtenir de nous beaucoup de poudre et de fu s ils . Quant à
T ita r i, son compagnon , lorsque je lui en demandai des nouv
elles, Touai me répondit que c’était un mauvais sujet; qu’il
avait commis un crime et qu’il avait été obligé de*le bannir de
la tribu. Sans être bien sûr de la nature de ce d élit, il me parut
que ce devait être un vol.
Touai avait tellement acquis les manières européennes, que
la première fois qu’il se présenta à bord dans ses vêtemens de
gentleman et m’adressa la parole, je le pris pour un Anglais
qui s’était établi à la Nouvelle-Zélande et qui s’était fait tatouer,
comme cela arrive quelquefois. Je dois convenir que ce
chef ne cessa de déployer, pour toutes les personnes de la Coquille,
une complaisance infatigable. Capitaine, officiers et
matelots, tous n’eurent qu’à se louer de lu i; et j ’ai souvent admiré
le tact et la finesse decenaturel pour apprécier ceux à qui
il avait affaire et saisir les moyens d’être bien accueilli de tous.
Dans la langue des Nouveaux-Zélandals le véritable nom
d’un esclave ou prisonnier était tao reka-reka, et d’un serviteur
loan. Aujourd bui ils sont plus fréquemment désignés sous
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ie nom de kouk i, qui est une corruption du mot anglais cook,
cuisinier, parce que l’emploi principal des esclaves est de préparer
la nourriture de leurs maîtres et de faire cuire leurs a limens.
Ces malheureux m’ont paru être traités assez doucement
et sont quelquefois dévoués sincèrement à ceux qu’ils sont obligés
de servir. Du reste, l ’autorité des maîtres à l’égard de leurs
esclaves est absolue, et ils ont sur ces derniers droit de vie et de
mort. Quand je demandais à To ua i ce qu’on ferait à un rangatira
qui tuerait un esclave sans motif, il convenait qu’on ne
lui ferait rien ; mais il ajoutait que ee serait une mauvaise
action et que ce motif seul empêcherait de la commettre. Un
des cbefs de la baie des Iles me montrait un jour un de ses esclaves
accroupi à ses pieds et attendant ses ordres en silence,
et ce cbef racontait avec orgueil que son esclave avait été jadis
un des guerriers les plus distingués du Shouraki. En effet, cet
infortuné portait sur sa figure toutes les marques exclusivement
affectées aux rangs distingués, et je ne pus m’empêcher
de le plaindre de n’avoir pas été dévoré sur le cbamp de bataille,
comme ses confrères, plutôt que d’avoir été réduit a la
honte de servir son ennemi triomphant.
Les guerriers mènent ordinairement leurs esclaves à la guerre
pour transporter leurs provisions et préparer leurs vivres :
quelquefois même ils leur donnent des armes pour combattre.
Touai me montra un de ses esclaves qu’il avait ramené de la
baie W it i-A n g a . Au lieu de le tuer, comme c’est assez la coutume
, il lui avait donné la vie, et quelque temps après la l i berté
et même une femme pour vivre avec lui. Quoique cet
bomme fût rangatira dans sa patrie, il s’était sincèrement attaché
à Toua i ; c’était sou bomme d’affaires pour tous les marchés
à conclure avec les Européens , et il accompagnait son maître
aux combats. Toua i me fit entendre qu’il serait désormais sans
considération dans sa propre tribu , et c’était ce motif qui 1 a-
vait ainsi attaché aux intérêts de Touai.
On doit faire observer que les égards et les préférences que
les navigateurs ont témoignés, sans le savoir, à des esclaves ou