couvert de lignes spirales. A son arrivée à bord, il embrassa
Touki avec beaucoup d’affection. Puis Touki me le présenta;
après la cérémonie du shongui, c’est-à-dire de coller son nez
contre le mien , il détacba son kahou ou manteau, et le plaça
sur mes épaules. En retourjelui donnai un manteau de flanelle
verte, orné de larges raies. Peu après, sept autres pirogues,
montées chacune par plus de vingt hommes ou femmes, arrivèrent
le long du bord. D’après le désir de T ou ki, la poupe fut
tapou, c’est-à-dire que l’accès en fut interdit à tout autre que
le vieux chef. Il m’eût fallu retenir le navire quelques jours de
plus pour attendre la fin du calme ou un vent du nord. Si
j ’avais pu atteindre en quatre jours de voyage depuis Norfolk
le lieu oû habitait T ou k i, certainement je l’y eusse débarqué ;
mais cela ne pouvait avoir lieu puisque c’était déjà le cinquième
jour que nous étions en mer; je me serais cru sans excuse si
j ’eusse retenu le navire plus long-temps qu’il n’était nécessaire
pour débarquer mes hôtes dans un lieu sûr, et d’où ils pouvaient
facilement rejoindre leurs résidences. ’
.. Malgré les nouvelles que Touki avait reçues et la confiance
qu’il semblait placer dans le vieux chef, j’avais cependant ressenti
d’abord une vive inquiétude pour nos deux amis ; j’exprimai
même à Touki les craintes que j’avais que tout ce qu’on
lui avait dit ne fût qu’une invention de Ko-Tekoke et de ses
gens pour se rendre maîtres d’eux et de leurs effets. Touki à cette
observation répondit avec une noble confiance que uhi-tiki no
eteka, c’est-à-dire qu’un chef ne trompe jamais. Par l’organe de
Tonki je témoignai au chef combien je désirais qu’ils se rendissent
à Oudoudou ; j’ajoutai que dans trois mois j’y reviendrais
moi-même, que si je trouvais que Touki et Oudou y fussent arrivés
en sûreté avec leurs effets, alors je retournerais à Moudi-
Wenoua, et ferais de grands présens à Ko-Tekoke, en outre de
ceux que j’allais lui faire sur-le-cbamp ainsi qu’à ses gens, pour
la peine qu’ils allaient avoir de reconduire mes deux amis chez
eux. J’eus tant de motifs pour être convaincu de la sincérité
du vieillard, que je crus que ce serait lui faire injure que de le
menacer d’une punition s’il manquait à sou engagement. La
seule réponse que fit Ko-Tckoke, fut de placer ses deux mains
des deux côtés de sa tête , et, après m’en avoir fait faire autant,
de joindre son nez au mien. Nous restâmes dans cette position,
je crois, environ trois minutes, durant lesquelles le vieux
chef marmotta quelques mots que je ne compris point. Ensuite
il fit la même cérémonie avec nos deux amis , une danse suivit,
enfin les deux derniers joignirent leur nez au mien , et ils me
dirent que Ko-Tekoke était maintenant devenu leur père et qu’il
allait les conduire lui-même à Oudoudou (ce qu’il exécuta
très-fidèlement).
» Tandis que je préparais les cadeaux que je voulais leur faire,
Touki (et je fus alors bien convaincu qu’il était prêtre), Touki
avait rangé les Nouvcaux-Zélandais en cercle autour de lui.
Au centre était le vieux chef, et Touki raconta ce qu’il avait
vu durant son absence. En certains endroits de son récit, ils
poussaient des cris d’admiration. Craignant de voir sa véracité
révoquée en doute quand il leur dit qu’il n’avait mis que trois
jours pour venir de l’île Norfolk, il leur montra un chou , en
leur assurant qu’il avait été coupé cinq jours auparavant dans
mon jardin. Cette preuve convaincante occasiona une exclamation
générale de surprise.
» Tout étant désormais prêtpour leur départ, nos deux amis
demandèrent que Ko-Tekoke pûtvoir faire l’exercice à feu aux
soldats. La requête venant d’eux-mêmes, je n’eus point d’objection
à faire. Mais je saisis cette occasion pour expliquer au
chef, par nos procédés envers lui et ses deux compatriotes,
que notre désir et notre intention étaient de vivre en bons
voisins et amis avec tous les babitans d’Ika-Na-Mawi ; ajoutant
que nous ne nous servions de nos armes que quand nous étions
offensés.
»Environ cent cinquante Nouvcaux-Zélandais s’assirent sur
le pont à bâbord, tandis que le détachement manoeuvrait du
côté opposé. Après avoir fait l’exercice et trois décharges de
mousquctcric, doux coups de canon furent tirés, l’un à boulet.