PIÈCES JUSTIFICATIVES.
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en d ro it, et dont ils avaient rapporté les restes avee eut.
Aussitôt que l’expédition de la rivière Tamise entra dans
la b aie, quelques-uns de nos messieurs allèrent à sa rencontre.
La flotte était composée d’environ cinquante pirogues,
dont plusieurs avaient de soixante-dix à quatre-vingts pieds
de lo n g , et peu moins de soixante. Leurs proues, leurs bords
et leurs poupes étaient joliment sculptés et ornés d’une infinité
de plumes; elles portaient en général deux voiles faites
en nattes de paille. Elles étaient remplies de guerriers qui se
levèrent et poussèrent des cris à mesure que notre canot passait
près d’e lle s , en montrant plusieurs têtes bumaines comme
trophées de leur victoire.
L a conversation de T o u a i , durant le déjeuner, fut une parade
continuelle des atrocités qu’il avait commises dans une
excursion qu’il avait faite deux mois auparavant avec K o ro -
Koro vers la rivière Tamise ; il insistait avec un plaisir marqué
sur une prouesse de son généralat, durant lequel il avait b lo qué
une petite troupe de ses ennemis dans un défilé d’où ils ne
pouvaient s’échapper, ce qui lui permit d’en tuer successivement
v ingt-deux à coups de fu s il, sans qu’ils pussent faire la
moindre résistance. Pou r noiisinspirer une plusbaute opinion
de ses principes religieux, il remarqua que bien que tous les morts
eussent été dévorés par sa t r ib u , ni lu i ni ses frères ne mangeaient
de chair humaine et ne combattaient le dimanche.
Quand on lui demandait pourquoi il n’essayait point de diriger
l’esprit de son peuple vers l’agriculture, il disait que c’était
impossible. " Si vous parlez àun Nouveau-Zélandais de travailler,
il s’endormira ; mais parlez-lui de combattre, il ouvrira ses
yeux aussi grands qu’une coupeà tbé; son imagination est toute
portée vers la guerre, et pour lu i les combats ne sont que des
jeux. »
(P a g e s et su iv .) Parmi les femmes ramenées prisonnières
de guerre , l’une excitait un intérêt particulier par
sa jeunesse et sa beauté. Tandis que les autres prisonnières conversaient
entre elles, elle était assise à l’é ca r t, silencieuse, et
comme abîmée dans sa douleur. Nous apprîmes que son p è r e ,
qui était un chef de quelque importance à la rivière T am ise ,
avait été tué par l’homme dont elle était devenue la captive,
et nous le remarquâmes assis à une petite distance de son esclave
durant la plus grande partie de la journée. Ce naturel
était frère de T a w i , le principal cbef de Rangui-Hou, et c’était
un jeune bomme de la plus belle apparence. Les scènes extraordinaires
dont nous fûmes témoins nous retinrent à T e pouna
jusqu’au so ir , et comme nous nous préparions à retourner
à b o rd , nous fûmes attirés vers la partie du rivage
où se trouvaient les prisonnières par les cris et les lamentations
les plus douloureuses. Nous y vîmes la jeune et intéressante
esclave dans un état qui aurait attendri le coeur le plus
insensible.
L ’bomme qui avait tué son père, lu i ayant ensuite coupé la
tête, l’avait conservée par un procédé particulier à ces insulaires.
I l la tira d’un panier où il l ’avait jusqu’alors caché e , et
la jeta dans le sein de la malheureuse fille. Au s s itô t, dans un
transport de frénésie qu’on ne saurait déc rire, elle saisit cette
tête, en pressa le nez inanimé contre le sien, et la tint dans
cette position jusqu’à ce que ses larmes l ’eussent entièrement
inondée. Puis elle plaça la tête par terre , et avec un morceau
de coquille tranchante, elle se défigura entièrement, d’une
manière si choquante, qu’en peu de minutes iln e lui resta aucune
trace de sa beauté première. Elle commença d’abord
par se déchirer les b ra s , puis la p oitr ine , et enfin le visage ;
chaque incision suffisait pour faire jaillir un ruisseau de sang;
mais elle semblait tout-à -falt insensible à la douleur, et elle
continua son opération avec un courage héroïque.
Le sauvage dont la cruauté avait donné lieu à cet affreux
spectacle s’amusait évidemment de Tborreur qu’il nous inspirait.
Saisissant la tête par les cheveux qui étaient longs et
noirs, il offrit de nous la vendre pour une bacbe; il la tournait
en divers sens pour en mieux faire ressortir tous les avantages,
et comme il ne sc présenta aucun acquéreur, il la remit
TOME III. 4 *
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