tou.s les naturels s’enfuirent pour se cacher dans les hois, excepté
un vieillard qui, étant estropié, ne put s’échapper. Il
parut alarmé jusqu’au moment où il aperçut Koro-Koro. Je lui
fis cadeau de quelques bagatelles, et en retour il m’offrit un panier
de poisson sec que je ne voulus point accepter. Koro-
Koro nous quitta pour aller à la recherche des naturels.
M. Kendall s’a.sslt avec le vieux sauvage qui était très-fatigué
d’avoir gravi la colline. M. Nicholas et moi, nous allâmes à la
recherche de Koro-Koro, mais nous fûmes quelque temps
avant de pouvoir le découvrir. Il était allé trouver ses parens
qui habitaient cette île. Enfin, nous le rejoignîmes, il avait
rencontré un des hommes de sa tribu.
Sur ces entrefaites, les naturels commencèrent à se remettre
de leur alarme et à sortir peu à peu de leurs cachettes.
Touchante rencontre d ’un chef et de ses parens.
J andis que nous conversions avec Koro-Koro et quelques-
uns des naturels, il aperçut sa tante qui s’approchait de nous
avec quelques femmes et des enfans. Elle avait un rameau vert
autour de sa tête, un autre à la main et un jeune enfant au bras.
Quand elle fut à une centaine de verges, elle commença une
lamentation plaintive , et sa tête était inclinée comme si elle
était accablée par le chagrin le plus violent. Elle s’avança .à pas
lents vers Koro-Koro. Celui-ci gardait un profond silence,
immobile comme une statue, et appuyé sur le bout de son
fusil. A mesure que sa tante avançait, elle criait très-haut, et
pleurait à chaudes larmes. T ou aï. frère de Koro-Koro , semblait
très-affecté : e t , comme s’il eût eu honte de la conduite
de sa tante, il nous dit ; « Je ferai comme un Anglais; je ne
crierai point. » Koro-Koro resta sans mouvement jusqu’au
moment où sa tante se trouva près de lui ; alors ils rapprochèrent
leurs têtes, la femme se soutenant sur un bâton et lui
sur son fusil. Dans cette position ils pleurèrent long-temps,
et répétèrent tour à tour quelques phrases courtes que nous
supposâmes être des prières ; puis ils continuèrent à pleurer, et
les larmes coulaient par torrens le long de leurs figures rembrunies.
Il était impossible de les voir sans être profondément
ému.
Pendant ce temps, la fille de la tante de Koro-Koro était
assise aux pieds de sa mère; elle pleurait aussi, et toutes les
femmes joignaient leurs lamentations aux siennes. Nous pensions
que c’était une manière extraordinaire de manifester
leur joie ; mais nous reconnûmes par la suite que c’était une
coutume générale à la Nouvelle-Zélande.
Plusieurs de ces pauvres femmes se déchiraient la figure, les
bras et la poitrine, avec des coquilles ou des cristaux acérés
jusqu’à ce que le sang jaillît par torrens. Quand leurs larmes
et leurs gémissemens eurent cessé, je fis quelques présens aux
femmes.
Touaï était resté assis pendant tout ce temps, s’efforçant
d’étouffer ses sentimens parce qu’il avait déclaré qu’il ne
crierait point. Bientôt nous fûmes rejoints par plusieurs jeunes
et beaux hommes. Parmi eux s’en trouvait un qui était fils
d’un chef de l’île. A son aspect, Touaï ne fut plus maître de
ses sensations, et courut à lui; ils tombèrent dans les bras
l ’un de l’autre, et pleurèrent ensemble.
Quand ils eurent fini leurs salutations, et terminé certaines
cérémonies, nous entrâmes en conversation avec eux, et leur
demandâmes pourquoi ils s’étalent tous enfuis dans les bois. Ils
nous répondirent qu’ils avaient conjecturé, en nous voyant débarquer,
que nous allions faire feu sur eux. Ces gens furent
ravis de voir que nous étions leurs amis. Ils firent tout ce qui
dépendait d’eux pour nous être agréables.
Au bout de quelques heures nous retournâmes à l ’endroit où
nous avions laissé M. Kendall causant seul avec le vieillard.
Nous fûmes suivis par une foule de naturels.
Nous passâmes une journée fort amusante, car tout autour
de nous était neuf et intéressant, surtout les babitans.
Du sommet des Cavalles, la vue du continent, de l’Océan
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