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personne assise; les tètes des autres étaient placées de manière
à paraître encore unies au reste du corps : le tout formait
un spectacle affreux. Patou-One pria la soeur de sa défunte
femme de me montrer une pierre qui s’était trouvée dans la
poitrine de sa soeur; elle y était tombée d’un rocher voisin de
l’endroit où le corps était déposé ; mais Patou-One prétendait
que cette pierre avait été transportée par enchantement dans
le corps de sa femme, et qu’elle avait été la cause de sa
mort. Je fis tout ce que je pus pour lui démontrer le ridicule
de cette absurde opinion : mais cela ne fit que l’irriter;
et il était si peu disposé à regarder ee qu’il venait de dire
comme une fable, qu’il croyait aussi qu’un chiffon plein d’hameçons
avait été introduit dans le corps de sa femme de la
même manière. Combien ils sont disposés d croire au mensonge
! mais combien ils sont incrédules pour les paroles de
la vérité et de la sagesse ! Voyant que tous mes raisonnemens
avec eux étaient inutiles, je me promenai vers l’endroit où
sont déposées leurs provisions, et je comptai quatre centsoixan-
te deux corbeilles de patates destinées à être distribuées à ceux
qui viennent en visite, à mesure qu’ils arrivent. Patou-One
se plaignit de mon peu de générosité, de n’avoir pas apporté avec
moi une bonne provision de vivres européens pour leur en
faire part. Cependant, loin que je profitasse de l’énorme quantité
de vivres qu’ils avaient préparés, si je n’avais pas eu
soin d’apporter quelque chose avec moi, j’aurais pu m’en re-
tourner à jeun.
Dimanche. Ce matin, j’ai prêché en anglais à l’Horeke,
d après Luc , X V I , 3 . Ayant rencontré sur le port Te Tao-
Nouï, Moudi-Waï, son père, et d’autres qui passaient la
journée dans l’oisivetè, je tâchai de leur expliquer ce que je
venaisdedireàmescompatrlotes. TeTao-Nouïme regarda d’un
air très-expressif, et dit : « Les Nouveaux-Zélandais ressemblent
à cet bomme, n’est-ce pas? » en faisant allusion au
Riche. Je répondis par l’affirmative, en ajoutant : « On trouverait
aussi bien des blancs à qui ce portrait conviendrait
également. » Il se mit alors à ricaner, et dit : » Ha ! ha ! h d’un
air qui signifiait ; Pourquoi donc nous désigner, nous autres
Zélandais, comme des méchans? Lui et son père voulurent
savoir d’où venait notre connaissance sur la condition
des esprits après la mort; et sur ce que nous n’avions pas vu
le feu de l’enfer de nos propres yeux, ils se prirent à rire de
ce que nous y ajoutions foi. Te Tao-Nouï dit : « Vous autres
missionnaires, vous êtes une troupe de vieilles femmes. Qu’un
esprit du monde invisible vienne à THoreke ou à Mangounga
et nous déclare qu’il a vu les choses dont vous parlez, alors
nous le croirons ; mais tous les renseignemens que nous avons
reçus jusqu’à ce jour à ce sujet ont été directement opposés
aux vôtres. Que mange-t-on dans le monde des esprits? •
Comme on lui répondit que les organes de l’appétit physique
ayant péri avec le corps, il n’était plus besoin de nourriture,
il fit les questions suivantes : « Comment vivent-ils? comment
entendent-ils? quelle est leur occupaiion? Si un brave guerrier
vient à mourir, comment pourra-t-il exercer sa vaillance?
S’il n’y a point de places à assiéger, faut-11 qu’il devienne
pacifique? Ah! vous êtes une troupe de vieilles femmes! Vous
ne faites rien autre chose que de vous tenir chacun dans les
limites de votre résidence. N’y a -t-il pas de canons, là? n’y
a-t-il pas de peuples à combattre? « Je parlai ensuite de la
résurrection des morts, et l’on fit les remarques suivantes :
« Combien de personnes sont déjà revenues d’entre les
morts? les avez-vous vues? » Ayant répondu que n on , ils se
mirent à rire de tout leur coeur, en disant : « Ob! en vérité,
vous l’avez seulement entendu dire à quelque autre. " Alors je
leur parlai du jugement ; mais je ne réussis pas mieux à vaincre
leur légèreté. «Je reviendrai demain à vous, dit l’un d’eux,
et vous me jugerez ; cet homme sera condamné, parce qu il a
une bouche de travers. »
Le pauvre vieux Moudi-Waï a été attaqué d’une inflammation
de poumons. Les naturels s’attendent tous à le voir
mourir, et il le croit lui-méme. Ses instrumens de guerre ont