(les vaisseaux. Il donna une partie de cette semence à six chefs
et à quelques-uns de ses hommes, en leur indiquant comment
il fallait la semer; il réserva le reste pour lui-même et son
oncle Shongui, qui est nn très-grand chef, et dont les domaines
s’étendent de la côte orientale à la côte occidentale de
la Nouvelle-Zélande. Tous ceux à qui Doua-Tara avait donné
du grain le mirent en terre, et il poussa très-bien : mais avant
qu’il fût parvenu à maturité, plusieurs d’entre eux furent impatiens
de jouir de leur récolte, et comme ils s’attendaient à trouver
du grain à la racine des tiges, comme dans les patates, ils
examinèrent les racines; mais n’ayant point trouvé de blé
sous terre, tous, excepté Shongui, arrachèrent les plantes
et les brûlèrent. Les cbefs raillèrent Doua-Tara au sujet du
blé; ils lui dirent que parce qu’il avait été un grand voyageur,
il avait imaginé pouvoir abuser de leur crédulité, en
leur débitant de belles histoires : tous les argumens de celui-
ci ne purent leur persuader qu’on faisait du pain avec du blé.
Sa récolte et celle de Shongui vinrent à maturité, et les épis
furent recueillis et battus. Quoique les naturels fussent très-
surpris de voir que le grain venait à la tige et non pas à la
racine de la plante , ils ne crurent cependant pas encore qu’on
pût en faire du pain. Vers ce temps, le baleinier le Jefferson,
commandé par M. Thomas Barnes, mouilla sur la baie des
Iles. Doua -T a ra , jaloux de détruire les préventions des cbefs
contre son b lé , et de prouver la vérité de ses anciennes assertions
touchant le biscuit, pria le maître du Jefferson de lui
prêter un moulin à poivre ou à café. Il voulut essayer de déduire
une partie de son blé en farine, pour en faire un gâteau;
mais le moulin était trop petit, et il ne put y réussir. Par un
navire qui se rendait de la Nouvelle-Zélande à Sydney, il me
fit dire qu’il était enfin de retour cbez lu i, qu’il avait semé son
blé qui était bien venu, mais qu’il avait oublié de se munir
d’un moulin. Il me priait en outre de lui envoyer quelques
pioches et autres instrumens d’agriculture, ce que je me proposai
de faire par la même occasion Peu après, le (jueen-
PIEGES JUSTIFICATIVES. 261
Charlotte, appartenant à Port-Jackson , fit route pour les iles
Pearl. Comme ce navire devait passer par le cap Nord de la
Nouvelle-Zélande, je jugeai qu’il toucherait probablement à la
baie des Iles : en conséquence, je mis à bord des pioches et
autres instrumens d’agriculture, avec quelques sacs de blé, et
je priai le maître , M. William Shelley, de remettre ces objets
à Doua-Tara, si le Queen-Charlotte touchait à la baie des Iles.
Par malheur, ce navire dépassa la Nouvelle-Zélande, sans
toucher nulle part, et il fut ensuite pris par les insulaires de
Taïti. Tandis que le navire fut en leur pouvoir, tout le blé que
j’avais mis à bord, comme les autres articles, furent ou pillés
ou détruits. Quand je reçus cette nouvelle, je regrettai sincèrement
de voir que Doua-Tara fût aussi fréquemment contrarié
dans ses intentions bienveillantes pour le bien-être et la
civilisation de ses compatriotes ; je sentis parfaitement aussi
qu’on ne pourrait jamais faire rien d’essentiel en faveur de la
Nouvelle-Zélande, à moins d’avoir un navire expressément
destiné à maintenir des communications entre cette île et Port-
Jackson.
Quand M. Kendall, qui avait été envoyé sous les auspices
de votre Société , arriva sur le Earl-Spencer, je formai bientôt
le projet de fréter, ou d’acheter un navire pour le service
de la Nouvelle-Zélande ; car je voulais tenter la formation de
l’établissement qui avait été arrêté par la Société en 1808, el
pour lequel étaient destinés MM. Hall et King quand ils m’accompagnèrent
à la Nouvelle-Galles du Sud. Je tentai de louer
un navire , mais je ne pus pas m’en procurer un pour la Nouvelle
Zélande , à moins de 600 pounds, somme qui inc parut
trop forte pour un seul voyage. Le brick VActive arriva à cette
époque du Derwent; le propriétaire offrit de me le vendre, et
je l’achetai. Mais plusieurs massacres affreux avaient été commis
à diverses époques, tant par les naturels que par les Européens
: il y avait peu de temps que l’équipage entier du Boyd
avait été exterminé et le navire brûlé. Je ne jugeai pas qu’il fût
prudent d’y envoyer tout de suite les familles des colons, mais