330 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
Première vue du Shouki-Anga.
A un raille environ d’une des branches du Shouki -Anga, le
bois s’élève en un piton fort élevé, d’où l’on a une vue développée
de la rivière et de la côte occidentale. Sur la gauche du
mont s’étend une plaine immense, couverte de pins majestueux
et d’autres arbres. Au-dessous de nos pieds, les .cimes des arbres
semblaient former une mer unie, aussi loin que nos regards
pouvaient s’étendre; mais notre vue était, jusqu’à un certain
point, bornée par l’épaisseur des nuages et la pluie qui tombait
par torrens; en même temps le tonnerre grondait avec force.
La descente de cette montagne est très-difficile, à cause de
son grand escarpement. Quand nous fûmes arrivés sur les
bords de la rivière, il nous fallut traverser plusieurs fois cette
branche du fleuve à gué, avant de parvenir au premier village,
qui se nomme Karaka. Aussitôt que les babitans nous aperçurent,
ils nous invitèrent à leur rendre visite ; en signe de bienvenue
, ils tirèrent sur-le-cbamp un coup de fusil qui fut rendu
par un des chefs de notre suite. Notre guide nous fit marcher
devant, puis les naturels nous suivirent.
Querelle et réconciliation entre les chefs de Karaka et deHouta-
Koura.
Les cbefs étaient assis par terre. J’avais déjà vu le vieux chef
Ware-Madou à la baie des Iles, la première fois que j’y étais
venu, et je lui avais fait quelques petits présens; mais je ne
connaissais point son fils Matangui ni son gendre Tete-Nouï.
Leur première question fut relative à l’objet de notre visite.
Nous leur répliquâmes que nous avions envie de voir la rivière
Shouki-Anga, et d’examiner l’entrée du bâvre, pour nous assurer
SI un navire pourrait y venir avec sécurité ; qu’en même
temps nous avions l’intention de rendre visite aux cbefs et aux
divers babitans. Ware-Madou et Tete-Nouï furent très-contens,
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PIECES JUSTIFICATIVES. 331
et témoignèrent un vif désir que les navires pussent entrer dans
leur rivière, et que quelques Européens vinssent résider parmi
eux , pour leur enseigner les travaux de l’agriculture et l’art de
faire de bonnes routes.
Matangui qui se trouvait revêtu maintenant de l’autorité suprême,
à cause du grand âge de son père qui semblait avoir environ
quatre-vingts ans, nousditque nousferionsbiendenepas
aller plus loin pour le moment, attendu qu’une querelle sérieuse
s’était élevée entre lui et nn chef du voisinage, nommé Moudi-
Waï. Moudi-Waï, la veille, avait percé d’un coup de lance
la cuisse d’un jeune bomme qui était étendu par terre, el
il nous montra l’endroit par où la lance était entrée. Matangui
nous exposa ainsi qu’il suit la cause de leur querelle.
Les terres de ces deux cbefs sont contiguës ; les esclaves de
Moudi-Waï emportèrent une partie des palissades de Matangu
i, pour en faire du bois à brûler; par suite de cette action,
les cocbons de Moudi-Waï entrèrent dans les champs de patates
douces de Matangui qui en tua plusieurs. Par représailles,
Moudi-Waï tua quelques-uns de ses cochons. La veille de
notre arrivée, ils se donnèrent rendez-vous pour arranger
leur dififérend, et ce fut alors que le jeune bomme en question
fut percé d’une lance.
Nous répliquâmes que leurs querelles ne nous regardaient
pas, et que nous continuerions notre voyage.
Quand ils virent que nous étions déterminés à visiter la rivière,
ils insistèrent pour nous faire passer deux jours avec
eux. Nous y consentîmes volontiers, car nous étions mouillés
et fatigués, ayant marché par de mauvais chemins, depuis le
point du jour jusqu’à quatre heures après-midi. Le cbef mil à
notre disposition la meilleure de ses cases, et en donna une
autre à nos gens. Il nous donna aussi un cochon et quantité de
patates douces et de pommes de terre. Je lui fis cadeau d’une
hache et de quelques bagatelles, dont il fut très-reconnaissant.
Nous passâmes la soirée à converser sur différens sujets, tels que
l’agriculture, le commerce et la religion.
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