Le 3 i il revit la terre par 36“ 3o’ lat. S. ; puis il longea la
côte à une ou trois lieues de distance , faisant route au nord
et par vingt-six à quarante brasses de fond.
De violens coups de vent du N. à l’O. l’obligèrent à éloigner
la terre. Le 4 avril il eut connaissance des Rois. Un
nouveau coup de vent le renvoya au large. Le i 3 au matin il
s’approcha de la plus grande île des Rois à une lieue de distance.
Il y vit des hommes d’une grande taille, et d’agréables
bouquets d’arbrisseaux.
Le 1G il laissa tomber l’ancre sur une mauvaise rade dans la
partie septentrionale de la Nouvelle-Zélande. Les navires manquèrent
tomber à la côte; ils furent obligés d’appareiller en
bâte en laissant leurs ancres , qu’ils ne revinrent chercher que
le aC. Enfin, le 3 mai, les navires se trouvèrent devant la baie
des Iles, près le cap Brett de Cook.
Désormais nous allons laisser parler le lieutenant Crozet :
» Lorsque nous fûmes à deux lieues de distance dudit cap ,
nous eûmes connaissance de trois pirogues qui venaient à nous.
Il ventait peu et la mer était belle. Une des pirogues s’approcha
de notre vaisseau ; elle contenait neuf hommes. On les engagea
par signes à venir à bord ; on leur envoya diverses bagatelles
pour les y déterminer. Ils y vinrent avec un peu de difficulté
et parurent, en montant dans le vaisseau, n’être pas
sans crainte. M. Marion les fit entrer dans la chambre du conseil,
et leur offrit du pain. Il en mangea le premier, et ils en
mangèrent aussi. On leur présenta de la liqueur ; ils en burent
avec répugnance. On les engagea à se dépouiller de leur pagne,
et on leur fit présent de chemises et de caleçons, dont ils parurent
se laisser habiller avec plaisir. On leur fit voir différens outils,
tels que haches, ciseaux et herminettés. lisse montrèrentex-
trêmement empressés de les avoir; ils s’en servirent dans le moment,
pour nous faire voir qu’ils en co nnaissaient l’usage. On leur
en fit présent. Ils s’en allèrent peu de temps après, très-satisfaits
de notre réception. Dès qu’ils furent un peu éloignés du vaisseau,
nous les vîmes quitter leurs chemises et leurs caleçons
pour prendre leurs premiers vêtemens et cacher ceux qu’ils
avaienl reçus de nous. Ils abordèrent ensuite les deux autres
pirogues, dont les sauvages n’avaient pas osé s’approcher du
vaisseau : ils parurent les rassurer et les engager à venir aussi
nous voir. Ils vinrent effectivement et montèrent sur le vaisseau,
sans témoigner ni crainte ni défiance. Il y avait parmi
eux des femmes; on leur donna du biscuit et quelques autres
bagatelles.
« Le soir, le vent étant augmenté, les pirogues se retirèrent à
terre. Cinq ou six de ces sauvages restèrent de leur bonne volonté
à bord du vaisseau. On leur fit donner à boire et à manger;
ils sonpèrent même avec nous, et mangèrent de tous nos
mets avec beaucoup d’appétit; ils ne voulurent boire ni vin
ni liqueur. Ils couchèrent dans le vaisseau. On leur arrangea
des lits dans la grande chambre; ils dormirent bien , sans
marquer la moindre défiance. Cependant on les veilla toute la
nuit. Parmi ces sauvages était le nommé Takouri, un de leurs
chefs, dont on aura occasion de parler dans la suite , lequel
témoignait beaucoup d’inquiétude toutes les fois que le vaisseau
s’éloignait un peu de la côte pour courir des bordées, en
attendant le bateau que nous avions envoyé le matin à terre. ,
Ce bateau revint vers les onze heures du soir. L’officicr nous
rapporta avoir trouvé une baie dans laquelle il y avait un village
considérable et un enfoncement très-étendu, où il paraissait
y avoir un beau port , des terres cultivées , des ruisseaux
et des bois.
» Le 4 niai, nous mouillâmes entre des îles et nous y restâmes
à l’ancre jusqu’au i i dudit mois, que nous mîmes de nouveau
sous voiles pour entrer dans un port beaucoup plus assuré. C’est
celui que M. Cook avait nommé Port des Iles.
■■ Le 12 mai, le temps étant fort beau et les vaisseaux en sûreté,
M. Marion envoya établir des tentes sur une île qui était dans
l’enceinte du port, où il y avait de l’eau et du bois, et qui
présentait une anse très-abordable vis-à-vis des vai-sscaux; il
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