PIECES JUSTIFICATIVES.
foi R
sonnièrcs de guerre. Sa femme principale, qui est aveugle,
nous dit avec un sourire que Shongui n’était plus si tendre
dans ses affections pour e lle , depuis qu’il avait pris les deux
nouvelles femmes qui étaient présentes. Sa première femme a
une fort belle famille.
Dans ce village j’observai les têtes de onze cbefs plantées
sur des pieux, comme autant de trophées de la victoire. J’appris
que C C S têtes faisaient partie de celles que Sbongui rapporta
de sa dernière expédition vers le Sud. Il les avait fait
toutes préparer. Les figures conservaient un air fort naturel,
a l’exception des lèvres et des dents qui semblaient encore
contraclées par les dernières souffrances de la mort.
Combien ces spectacles doivent être pénibles pour les femmes,
les enfans et les sujets de ces malheureux cbefs, qui
sont prisonniers de guerre et travaillent sur le terrain où ces
têtes sont exposées ! Mon ame se remplissait d’horreur et de
dégoût à la vue de ce Golgotha.
En revenant au travers des champs de patates, nous rencontrâmes
le chef Rakou, beau-père de Doua-Tara. Je voulais visiter
le bosquet sacré dans lequel ce dernier mourut, et qui était
situé aux environs; mais je compris qu’il était taboué. Je ne
voulus point prendre sur moi d’y entrer sans la permission du
cbef. M. Kendall lui parla et lui fit part de mon désir. Il voulut
me montrer l’arbre où sa fille, la femme de Doua-Tara, s’était
pendue ; il nous fit voir le lieu où les deux corps étaient déposés
jusqu’au moment où les chairs seraient décomposées;
alors les os doivent être soigneusement recueillis, et portés
dans les tombeaux de famille.
Que les voies de Dieu sont mystérieuses! Naguère Doua-
Tara se flattait de l’espoir d’élever son pays au rang des nations
civilisées; il a été renversé comme une fleur, dans .ses
premières tentatives pour mettre à exécution ces intentions
bienveillantes. Le terrain où il voulait élever une église et
une ville à l’européenne, est aujourd’hui cultivé et divisé entre
plusieurs familles par ses successeurs. Un demi-acre seulement
a clé réservé pour le consacrer à sa mémoire : il est défendu
d’y couper un seul arbre, ni même un buisson ; et probablement
avant nous nul pas bumain n’avait foulé cc s o l ,
depuis l’accomplissement des dernières cérémonies funéraires
en l’honneur de Doua-Tara et de sa fidèle compagne.
Tcte de femme conservée sur une arcade sacrée.
En passant au travers du village de Rangui-Hou, à notre retour,
je m’arrêtai pour parler au cbef Ware, et je remarquai la
tête d’une femme sur une arcade sacrée, près de sa maison. Je
demandai à qui cette tête avait autrefois appartenu. Ware me
dit que c’était la tête de la soeur de sa femme. Sa femme et sa
soeur avaient été amenées h Rangui-Hou prisonnières de guerre
par Sbongui; l’une et l’autre lui échurent en partage comme
esclaves ; de l’une il fit sa femme et de l’autre sa servante. Celle-
ci mourut de mort naturelle ; au moment où elle décéda , sa
femme demanda qu’on conservât la tête de sa soeur, afin qu’elle
pût soulager sa douleur en pleurant dessus; et ce fut pour
cette raison qu’elle fut préparée.
Lors de mon dernier voyage à la Nouvelle-Zélande, je n’avais
rien vu de semblable à l’arcade sur laquelle cette tête était
placée, et je voulus eu connaître l’origine et l’usage.
M. Kendall et Ware m’apprirent que deux ans environ auparavant,
les chenilles avaient fait de grands ravages dans les
plantations de patates douces au moment de leur pousse. Les
naturels s’imaginèrent que cette calamité publique leur était
infligée par le courroux de leur dieu. Les habitans de Rangui-
Hou envoyèrent à Kawa-Kawa chercher le grand-prêtre, afin
qu’il pût, par ses prières et ses cérémonies, détourner le terrible
fléau qui les menaçait. Le prêtre vint et resta plusieurs
mois. H accomplit ses rits religieux ; il enjoignit à chacun des
principaux cultivateurs d’élever une arcade à. son dieu, et d’y
déposer des vivres sacrés pour lui servir de nourriture.
En exécution de l’ordre du prêtre, cette arcade et d’autres
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