clioirs rouges que jo savais devoiiTui l'aire plaisir : il les refusa,
•le voulus lui faire reprendre scs jades ; il ne le voulut pas. Je
lui offris à manger : il refusa encore, et s’en alla fort triste. Je
ne l’ai |)lus revu.
» Quelques autres sauvages, amis de nos officiers, aceoutn-
niés à venir les visiter tons les jours, di.sparurent de même.
Nous ne lîmes pas assez d’attention à cette singularité. Il y avait
trcntc-lrois jours que nous étions dans le port des Iles , et que
nous vivions dans la meilleure intelligenee avec les sauvages,
qui nous jiaraissaient lo meilleur peujile qu’on put voir; nous
nous réjiandions tous les jours dans les campagnes pour reconnaître
le pays, étudier les productions , et eherelicr si nous ne
découvririons pas quelques métaux ou autres objets do commerce.
M. Marion avait fait des courses très-éloignées dans
son canot, et avait visité dilfcrcntes baies liabitées par d’autres
sauvages qui tons l'avaient bien accueilli.
» Enfin , le 1 2 juin , à deux heures ai)rès-inidi, M. Marion
descendit a terre dans son canot armé de douze hommes, emmenant
avec lui deux jeunes officiers , MM. de Vaudricourt et
Le Houx, un volontaire et le capitaine d’armes du vaisseau , en
tout dix-sept personnes. Le nommé Takouri, chef eîu plus
grand village , un autre chef et cinq ou six sauvages qui étaient
sur le vaisseau, accompagnèrent M. Marion dont le projet
était d’aller manger des huîtres, et donner un coup de filet au
pied du village de Takouri.
» Le soir, M. Marion ne vint point, à son ordinaire, coucbor
à bord du vaisseau. On ne vit revenir personne du canot ; ou
n’en fut pas inquiet; la confiance dans l’hospitalité des sauvages
était si bien établie parmi nous qu’on ne se défiait point
d’eux. On crut seulement que M. Marion et sa suite avaient
couché à terre dans nos cabanes , pour être à portée de voir le
lendcmain les travaux de l’atelier qui était à deux lieues dans
1 intérieur du pays, occupé à la mâture du vaisseau le Cas-
iries. Cette mâture était l'ort avancée , et une partie des ma-
lénaux était déj.à transportée assez près du rivage. Les sauvag’os
nous aidaient tous les jours à ces transports très-fa-
tigans.
» Le lendemain, 13 juin, à cinq heures du malin, le vaisseau
le Castries envoya sa chaloupe faire de l’eau et du bois pour
la consommation journalière , suivant l’usage établi entre les
deux bàlimens qui envoyaient ainsi aUernativement tous les
jours pour la provision commune. A neuf heures, on aperçut
à la mer un homme qui nageait vers les vaisseaux; on lui envoya
aussitôt un bateau pour lo secourir et ramener à bord :
cet homme était un des chaloiipiers, qui s’était sauvé seul du
massacre de tous ses camarades assommés par les sauvages. Il
avait deux coups de lance dans le côté, et était fort maltraité.
Il raconta que lorsque la chaloupe avait abordé la terre, sur
les sept heures du matin, les sauvages s’ctaienL jnésciités au rivage
sans armes, avec leurs démonstrations ordinaires d’amitié ;
qu’ils avaient même, suivant leur coutume, porté sur les
épaules, de la chaloupe au rivage, les matelots qui avaient
craint de se mouiller ; qu’ils s’étaiciit montrés à l’ordinaire bons
camarades; mais que les matelots s’étant tous séparés les uns
des autres pour ramasser chacun leur paquet de bois, alors les
sauvages, armés de casse-têtes, de massues et de lances, s’étaient
, jetés avec fureur par troupe de huit ou dix sur chaque matelot,
et les avaient mas.sacrés; que lu i, u’ayaut affaire qu’à deux ou
trois sauvages , s’était d’abord défendu et avait reçu deux coups
de lance : mais que voyant venir à lui d’autres sauvages, et se
trouvant plus près du bord de la mer, il s’était cnfui et caché
dans les broussailles; que de là il avait vu tuer scs camarades;
que les sauvages, après les avoir tués, les avaient dépouillés,
leur avaient ouvert le ventre, et commençaient à les hacher
en morceaux, lorsqu’il avait pris le parti de tenter de gagner
un des vaisseaux à la nage.
» Après un rapport aussi affreux, on ne douta plus que
M. Marion et les seize hommes du canot, dont on n’avait aucune
nouvelle, n’eussent éprouvé la môme fin que les onze
liominos de la elialoupe.